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mettre le plus de ressemblance qu'il est possible entre le globe expérimental et le globe naturel qu'il représente, le choix de la matière dont on couvrira les pôles ne sera pas indifférent.

Publié le 29/06/2013

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mettre le plus de ressemblance qu'il est possible entre le globe expérimental et le globe naturel qu'il représente, le choix de la matière dont on couvrira les pôles ne sera pas indifférent. Peut-être faudrait-il y pratiquer des amas d'un fluide, ce qui n'a rien d'impossible dans l'exécution, et ce qui pourrait donner dans l'expérience quelque nouveau phénomène extraordinaire, et différent de celui qu'on se propose d'imiter. XLIV Les expériences doivent être répétées pour le détail des circonstances et pour la connaissance des limites. Il faut les transporter à des objets différents, les compliquer, les combiner de toutes les manières possibles. Tant que les expériences sont éparses, isolées, sans liaison, irréductibles, il est démontré, par l'irréduction 143 même, qu'il en reste encore à faire. Alors il faut s'attacher uniquement à son objet, et le tourmenter, pour ainsi dire, jusqu'à ce qu'on ait tellement enchaîné les phénomènes, qu'un d'eux étant donné, tous les autres le soient : travaillons d'abord à la réduction des effets ; nous songerons après à la réduction des causes. Or les effets ne se réduiront jamais qu'à force de les multiplier. Le grand art dans les moyens qu'on emploie pour exprimer d'une cause tout ce qu'elle peut donner, c'est de bien discerner ceux dont on est en droit d'attendre un phénomène nouveau, de ceux qui ne produiront qu'un phénomène travesti. S'occuper sans fin de ces métamorphoses, c'est se fatiguer beaucoup et ne point avancer. Toute expérience qui n'étend pas la loi à quelque cas nouveau, ou qui ne la restreint pas par quelque exception, ne signifie rien. Le moyen le plus court de connaître la valeur de son essai, c'est d'en faire l'antécédent d'un enthymème 144, et d'examiner le conséquent. La conséquence est-elle exactement la même que celle que l'on a déjà tirée d'un autre essai ? on n'a rien découvert, on a tout au plus confirmé une découverte. II y a peu de gros livres de physique expérimentale que cette règle si simple ne réduisît à un petit nombre de pages ; et il est un grand nombre de petits livres qu'elle réduirait à rien. XLV De même qu'en mathématiques, en examinant toutes les propriétés d'une courbe, on trouve que ce n'est que la même propriété présentée sous des faces différentes ; dans la nature, on reconnaîtra, lorsque la physique expérimentale sera plus avancée, que tous les phénomènes, ou de la pesanteur, ou de l'élasticité, ou de l'attraction, ou du magnétisme, ou de l'électricité, ne sont que des faces différentes de la même affection. Mais entre les phénomènes connus que l'on rapporte à l'une de ces causes, combien y a-t-il de phénomènes intermédiaires à trouver, pour former les liaisons, remplir les vides et démontrer l'identité ? c'est ce qui ne peut se déterminer. Il y a peut-être un phénomène central qui jetterait des rayons non seulement à ceux qu'on a, mais encore à tous ceux que le temps ferait découvrir, qui les unirait et qui en formerait un système. Mais au défaut de ce centre de correspondance commune, ils demeureront isolés ; toutes les découvertes de la physique expérimentale ne feront que les rapprocher en s'interposant, sans jamais les réunir ; et quand elles parviendraient à les réunir, elles en formeraient un cercle continu de phénomènes où l'on ne pourrait discerner quel serait le premier et quel serait le dernier. Ce cas singulier où la physique expérimentale, à force de travail, aurait formé un labyrinthe dans lequel la physique rationnelle, égarée et perdue, tournerait sans cesse, n'est pas impossible dans la nature, comme il l'est en mathématiques. On trouve toujours en mathématiques, ou par la synthèse ou par l'analyse, les propositions intermédiaires qui séparent la propriété fondamentale d'une courbe de sa propriété la plus éloignée. XLVI Il y a des phénomènes trompeurs qui semblent, au premier coup d'oeil, renverser un système, et qui, mieux connus, achèveraient de le confirmer. Ces phénomènes deviennent le supplice du Philosophe, surtout lorsqu'il a le pressentiment que la Nature lui en impose et qu'elle se dérobe à ses conjectures par quelque mécanisme extraordinaire et secret. Ce cas embarrassant aura lieu toutes les fois qu'un phénomène sera le résultat de plusieurs causes conspirantes ou opposées. Si elles conspirent, on trouvera la quantité du phénomène trop grande pour l'hypothèse qu'on aura faite ; si elles sont opposées, cette quantité sera trop petite. Quelquefois même elle deviendra nulle, et le phénomène disparaîtra, sans qu'on sache à quoi attribuer ce silence capricieux de la Nature. Vient-on à en soupçonner la raison ? on n'en est guère plus avancé. Il faut travailler à la séparation des causes, décomposer le résultat de leurs actions, et réduire un phénomène très compliqué à un phénomène simple ; ou du moins manifester la complication des causes, leur concours ou leur opposition, par quelque expérience nouvelle ; opération souvent délicate, quelquefois impossible. Alors le système chancelle ; les Philosophes se partagent ; les uns lui demeurent attachés ; les autres sont entraînés par l'expérience qui paraît le contredire ; et l'on dispute, jusqu'à ce que la sagacité, ou le hasard qui ne se repose jamais, plus fécond que la sagacité, lève la contradiction et remette en honneur des idées qu'on avait presque abandonnées. XLVII Il faut laisser l'expérience à sa liberté ; c'est la tenir captive que de n'en montrer que le côté qui prouve et que d'en voiler le côté qui contredit. C'est l'inconvénient qu'il y a, non pas à avoir des idées, mais à s'en laisser aveugler, lorsqu'on tente une expérience. On n'est sévère dans son examen, que quand le résultat est

« réduisît à un petit nombre de pages ; et il est un grand nombre de petits livres qu'elle réduirait à rien.

XLV De même qu'en mathématiques, en examinant toutes les propriétés d'une courbe, on trouve que ce n'est que la même propriété présentée sous des faces différentes ; dans la nature, on reconnaîtra, lorsque la physique expérimentale sera plus avancée, que tous les phénomènes, ou de la pesanteur, ou de l'élasticité, ou de l'attraction, ou du magnétisme, ou de l'électricité, ne sont que des faces différentes de la même affection.

Mais entre les phénomènes connus que l'on rapporte à l'une de ces causes, combien y a-t-il de phénomènes intermédiaires à trouver, pour former les liaisons, rem- plir les vides et démontrer l'identité ? c'est ce qui ne peut se déterminer.

Il y a peut-être un phénomène cen- tral qui jetterait des rayons non seulement à ceux qu'on a, mais encore à tous ceux que le temps ferait décou- vrir, qui les unirait et qui en formerait un système.

Mais au défaut de ce centre de correspondance com- mune, ils demeureront isolés ; toutes les découvertes de la physique expérimentale ne feront que les rappro- cher en s'interposant, sans jamais les réunir ; et quand elles parviendraient à les réunir, elles en formeraient un cercle continu de phénomènes où l'on ne pourrait discerner quel serait le premier et quel serait le dernier.

Ce cas singulier où la physique expérimentale, à force de travail, aurait formé un labyrinthe dans lequel la physique rationnelle, égarée et perdue, tournerait sans cesse, n'est pas impossible dans la nature, comme il l'est en mathématiques.

On trouve toujours en mathé- matiques, ou par la synthèse ou par l'analyse, les pro- positions intermédiaires qui séparent la propriété fon- damentale d'une courbe de sa propriété la plus éloignée.. »

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