Mercredi 23 février 1944. JOURNAL D'ANNE FRANK
Publié le 12/08/2011
Extrait du document
Chère Kitty,
Depuis hier, le temps s'est mis au beau et je me sens tout à fait retapée. Chaque matin, je vais au grenier où travaille Peter ', et où l'air du dehors rafraîchit mes poumons saturés de renfermé. De ma place préférée, par terre, je regarde le ciel bleu, le marronnier encore dénudé aux branches duquel brillent des gouttelettes, les mouettes et les autres oiseaux qui, argentés, fendent l'air de leur vol rapide. Il avait la tête appuyée contre la grosse poutre, j'étais assise, ensemble nous respirions l'air frais, regardions au-dehors, et entre nous il y avait quelque chose qu'il ne fallait pas interrompre avec des mots. Longtemps, nous sommes restés à regarder le ciel, tous les deux; et lorsqu'il dut me quitter pour aller couper du bois, je savais qu'il était magnifique. Il a monté l'escalier, suivi par moi, et pendant le quart d'heure qu'il coupa le bois nous n'avons pas échangé une parole. Je suis restée debout pour le regarder : il s'appliqua à bien couper le bois pour me montrer sa force. J'ai aussi regardé par la fenêtre ouverte, derrière laquelle on aperçoit une grande partie d'Amsterdam; on voit par-dessus les toits, jusqu'à la ligne d'horizon, d'un bleu si limpide qu'elle n'était plus distincte. Je me dis : « Tant que cela existe, et que je puis y être sensible - ce soleil radieux, ce ciel sans nuages - je ne peux pas être triste. « Pour celui qui a peur, qui se sent seul ou malheureux, le meilleur remède, c'est de sortir au grand air, de trouver un endroit isolé où il sera en communion avec le ciel, la nature et Dieu. Alors seulement, l'on sent que tout est bien ainsi, et que Dieu veut voir les hommes heureux dans la nature simple, mais belle. Tant que cela existe, et il en sera sans doute toujours ainsi, je suis sûre que tout chagrin trouve son réconfort, quelles que soient les circonstances. Cet instant de bonheur suprême, peut-être n'aurai-je pas à attendre trop longtemps pour le partager avec celui qui l'aura vécu comme moi. A toi, ANNE. Pensée : Beaucoup de choses nous manquent ici, beaucoup et depuis longtemps, et j'en suis privée autant que toi. Je ne veux pas dire physiquement, nous avons ce qu'il nous faut. Non, je parle des choses qui se passent en nous, tels les pensées et les sentiments. J'ai la nostalgie autant que toi de l'air, de la liberté. Mais je me suis mise à croire que nous avons le privilège d'avoir une compensation énorme à toutes ces privations. Je m'en suis rendu compte tout à coup, ce matin, devant la fenêtre ouverte. Je veux dire, une compensation de l'âme. En regardant au-dehors, donc Dieu, et en embrassant d'un regard droit et profond la nature, j'étais heureuse, rien d'autre qu'heureuse. Et, Peter, tant que ce bonheur est en toi - jouir de la nature, de la santé et de bien d'autres choses encore -, tant que tu es capable de le ressentir, il te reviendra toujours. On peut tout perdre, la richesse, le prestige, mais ce bonheur dans ton coeur ne peut que s'assombrir, tout au plus, et il te reviendra toujours, tant que tu vivras. Tant que tu lèveras les yeux, sans crainte, vers le ciel, etu seras sûr d'être pur et tu redeviendras heureux, quoi qu'il arrive.
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