Maupassant, Mon Oncle Jules, 1883. Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourriez étudier, par exemple, par quels procédés Maupassant traduit le regard impitoyable avec lequel le narrateur, évoquant son enfance, dépeint la mentalité et le mode de vie de sa famille.
Publié le 28/04/2011
Extrait du document
Ma famille, originaire du Havre, n'était pas riche. On s'en tirait, voilà tout. Le père travaillait, rentrait tard du bureau et ne gagnait pas grand-chose. J'avais deux sœurs. Ma mère souffrait beaucoup de la gêne où nous vivions, et elle trouvait souvent des paroles aigres pour son mari, des reproches voilés et perfides. Le pauvre homme avait alors un geste qui me navrait. Il se passait la main ouverte sur le front, comme pour essuyer une sueur qui n'existait pas, et il ne répondait rien. Je sentais sa douleur impuissante. On économisait sur tout ; on n'acceptait jamais un dîner, pour n'avoir pas à le rendre ; on achetait les provisions au rabais, les fonds de boutique. Mes sœurs faisaient leurs robes elles-mêmes et avaient de longues discussions sur le prix d'un galon qui valait quinze centimes le mètre. Notre nourriture ordinaire consistait en soupe grasse et bœuf accommodé à toutes les sauces. Cela est sain et réconfortant, paraît-il ; j'aurais préféré autre chose. On me faisait des scènes abominables pour les boutons perdus et les pantalons déchirés. Mais chaque dimanche nous allions faire notre tour de jetée en grande tenue. Mon père, en redingote, en grand chapeau, en gants, offrait le bras à ma mère, pavoisée comme un navire un jour de fête. Mes sœurs, prêtes les premières, attendaient le signal du départ ; mais, au dernier moment, on découvrait toujours une tache oubliée sur la redingote du père de famille, et il fallait bien vite l'effacer avec un chiffon mouillé de benzine. Mon père, gardant son grand chapeau sur la tête, attendait, en manches de chemise, que l'opération fût terminée, tandis que ma mère se hâtait, ayant ajusté ses lunettes de myope, et ôté ses gants pour ne pas les gâter. On se mettait en route avec cérémonie. Mes sœurs marchaient devant, en se donnant le bras. Elles étaient en âge de mariage, et on en faisait montre en ville. Je me tenais à gauche de ma mère, dont mon père gardait la droite. Et je me rappelle l'air pompeux de mes pauvres parents dans ces promenades du dimanche, la rigidité de leurs traits, la sévérité de leur allure. Ils avançaient d'un pas grave, le corps droit, les jambes raides, comme si une affaire d'une importance extrême eût dépendu de leur tenue.
Liens utiles
- J.M.G. Le Clézio, Désert, roman de 1980. Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourrez, par exemple, étudier comment ce récit d'un accouchement dans le désert saharien montre, par ses procédés de style, une naissance intimement liée aux éléments naturels. Mais ces indications ne sont pas contraignantes et vous avez toute latitude pour organiser le commentaire à votre gré. Vous vous abstiendrez seulement de présenter une étude linéaire ou un commentaire séparant artificiel
- Vous ferez de ce texte un commentaire composé, que vous organiserez de façon à mettre en lumière l'intérêt qu'il vous inspire. Vous pourriez étudier par exemple tous les éléments (émotions, sensations, souvenirs...) qui contribuent à faire naître des sentiments complexes dans l'âme du jeune homme. Ces indications ne sont pas contraignantes et vous avez toute latitude pour orienter votre lecture à votre gré. Vous vous abstiendrez seulement de présenter un commentaire linéaire ou une div
- STENDHAL, La chartreuse de Parme. Vous ferez de ce texte un commentaire composé, que vous organiserez de façon à mettre en lumière l'intérêt qu'il vous inspire. Vous pourriez, par exemple, étudier comment Stendhal confère à cette page descriptive l'unité et la résonance d'une médiation poétique.
- Annie Emaux, La Place, 1984. Vous ferez de ce texte un commentaire composé que vous organiserez à votre gré. Vous pourrez montrer par exemple comment, en évoquant son père, la narratrice se situe par rapport à lui.
- André Gide, Les nourritures terrestres, 1897. Vous ferez un commentaire composé de cette page. Vous pourriez, par exemple, étudier par quels moyens (variété du vocabulaire, parallélismes, rythmes...) l'écrivain rend sensibles les transformations et la « féerie » du paysage en cette heure privilégiée.