Manifeste des Égaux (1797) - Document
Publié le 14/04/2013
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Les babouvistes, réunis autour de Gracchus Babeuf, réclament la suppression de la propriété individuelle — « la terre n’est à personne ; les fruits sont à tout le monde « — comme moyen d’accéder au « bonheur «. Cette exigence constitue le pivot du Manifeste des Égaux, programme rédigé par Sylvain Maréchal fin 1795. Il y prône, en outre, un égalitarisme radical présenté comme la condition sine qua non de l’établissement d’une vraie justice sociale, et dès lors, de l’avènement d’une authentique citoyenneté.
Le Manifeste des Égaux (1795)
« Peuple de France, pendant quinze siècles, tu as vécu esclave et par conséquent malheureux ; depuis six années, tu respires à peine dans l’attente de l’indépendance, du bonheur et de l’égalité !… De temps immémorial, on nous répète avec hypocrisie : « Les hommes sont égaux « et de temps immémorial, la plus avilissante, la plus monstrueuse inégalité pèse insolemment sur le genre humain. L’égalité ne fut jamais qu’une belle et stérile fiction de la loi. Aujourd’hui qu’elle est réclamée d’une voix plus forte, on nous répond : « Taisez-vous, misérables, l’égalité de fait n’est qu’une chimère ; contentez-vous de l’égalité légale ; canaille, que vous faut-il de plus ? «. Ce qu’il nous faut de plus ? Législateurs, gouvernants, riches, propriétaires, écoutez-nous : Nous prétendons désormais vivre et mourir égaux, comme nous sommes nés ; nous voulons l’égalité réelle ou la mort. La Révolution française n’est que l’avant-courrière d’une autre révolution bien plus grande, bien plus solennelle, et qui sera la dernière. Le peuple a marché sur le corps aux rois et aux prêtres. Il en fera de même aux nouveaux tyrans, aux nouveaux tartufes assis à la place des anciens. C’est que nous ne voulons pas seulement l’égalité écrite dans les droits de l’homme ; nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons. Nous consentions à tout pour l’obtenir ; pour elle, nous ferons table rase. Périssent, s’il le faut, tous les arts pourvu qu’il nous reste l’égalité réelle. Législateurs et gouvernants, propriétaires riches et sans entrailles, vous essayez en vain de neutraliser notre sainte entreprise ; vous dites : « Ils veulent la loi agraire, si souvent demandée avant eux «. Taisez-vous, calomniateurs ! La loi agraire, ou le partage des campagnes fut le vœu instantané de quelques soldats sans principes, de quelques peuplades inspirées par l’instinct et non par la raison. Nous demandons quelque chose de plus sublime et de plus équitable, le bien commun ou la communauté des biens. Plus de propriété individuelle, la terre n’est à personne ; les fruits sont à tout le monde. Nous ne pouvons plus souffrir que la majorité des hommes travaille et sue au service et pour le bon plaisir d’une petite minorité. Qu’il cesse enfin ce grand scandale que nos neveux ne voudront pas croire. Disparaissez, révoltantes distinctions de riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés. Qu’il ne soit plus d’autre différence parmi les hommes que l’âge et le sexe ; tous ont les mêmes besoins et les mêmes facultés ; qu’il n’y ait donc plus pour eux qu’une même éducation et une même nourriture. Il n’y a qu’un seul soleil, un seul air pour tous. Le moment des grandes mesures est arrivé ; le mal est à son comble ; le chaos, sous le nom de politique, règne sur la terre depuis trop de siècles […] Qu’à la voix de l’égalité, les éléments de la justice et du bonheur s’organisent, l’instant est venu de fonder la république des égaux, ce grand hospice offert à tous les hommes. Les jours de la restitution générale sont arrivés. Familles gémissantes, venez vous asseoir à la table commune dressée par la nature pour tous ses enfants […] Peuple de France, ouvre les yeux et le cœur à la plénitude du bonheur ; reconnais et proclame avec nous la république des égaux. «
Source : in Textes d'histoire contemporaine, par Claude Fohlen et Jean-René Suratteau, Paris, SEDES, 1967.
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