MALLARMÉ: À une petite laveuse blonde
Publié le 18/07/2012
Extrait du document
Ô laveuse blonde et mignonne
Quand, sous ton grand chapeau de joncs
Un rayon égaré frissonne
Et se joue en tes cheveux blonds,
Quand, sous l'eau claire où tu t'inclines
Pour laver (et non pour te voir),
Vole la touffe d'églantines
Qui parfumait ton blanc peignoir,
Quand, suspendant ton linge au saule
Que rase un bleu martin-pêcheur,
Au vent qui rougit ton épaule
Tu vas gazouillant ta fraîcheur,
Ô laveuse aux mignardes poses,
Qui sur ta lèvre où rit ton coeur
Ou le sang embaumé des roses,
Au pied d'enfant, à l'oeil moqueur,
Sais-tu, vrai Dieu! que ta grand'mère
T'aurait dû faire pour la Cour
Au temps où refleurit Cythère
Sous un regard de Pompadour ?
Lors, de leur perruque frisée
Semant les frimas en leurs jeux,
Roses, l'aile fleurdelisée,
Amours givrés et Ris neigeux
Au grand jardin des bergeries
T'emmenaient, près d'un vieux dauphin
Qui pleure à flots des pierreries
L'été, sur ses glaïeuls d'or fin.
«
Et ces larrons, ô larronnesse
Des traits, du carquois et de l'arc,
Te
sacraient danseuse ou faunesse
Et vous perdaient, madame, au parc ...
Là,
pour feindre des pleurs candides
Secouant, quand passe Mondor,
Ton
bouquet de roses humides
Sur ton livre aux écussons d'or,
Ou, pour qu'on sache que sa plume
A moins de neige que ta main,
D'un éventail baigné d'écume
Agaçant le cygne câlin,
Derrière
ta robe insolente,
Drap d'argent et nœuds de lilas,
Tu
traînerais la gent galante
Des vieux
quêteurs de falbalas.
Tel fat,
fredonnant Gluck, se pâme
Et cherche un poulet à glisser :
Tel roué,
s'il se savait une âme
La damnerait pour te baiser.
Tu serais, sans compter leurs proses,
En des madrigaux printaniers,
Chloé,
bergère à talons roses,
Diane,
ou Cypris en paniers.
Musqués, chiffonnant les rosettes
De
leur épée en satin blanc
Et l'échine en deux, les poëtes
Te
demanderaient, roucoulant,
Si ta bouche en cœur fut cueillie
Sur les framboisiers savoureux,
Dans quel bois rêve ensevelie
La pervenche où tu pris tes yeux ?
Ô jours dorés des péronnelles,
Des Dieux, des balcons enjambés,
Du fard, des mouches, des dentelles,
Des petits chiens,
et des abbés !.
»
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