Mais quoi, tourmenter ses cheveux était sa seule joie.
Publié le 15/12/2013
Extrait du document


«
faire.
Abandonnant sonpeigne, ilsortit lechargeur.
Sixballes.
Lapremière toutenhaut, onlavoyait entière-784
ment.
Sipetite etpourtant, hein,dischérie? Lechargeur remisenplace, ilôta lecran d'arrêt, tiralapièce mobile, lâchale
mécanisme.
Voilà,çayétait, lapremière balleétaitlogée.
Àla cuisine, lefil de fer bien tendu, tellement droit,agréable à
voir.
Il avait bienréussi àle tendre, ilaimait leregarder chaquefoisqu'il allait àla cuisine, c'étaituneréussite.
Ilytenait, et
voilà, ilfallait lequitter maintenant.
Oui,çayétait, lapremière étaitdans lecanon.
Biendormi, lachou-quette? Non,bien
joui, plutôt.
Assez, ons'en foutait decette femme.
Aprèstout,elleaussi allaitauwater.
La solution, oui,c'était ledehors, lavie réelle, lesautres.
Sortir, oui,aller dans uneboîte denuit, allerauDonon, laboîte chic.D'abord prendre unbain, puislesmoking, puisle
taxi, etleDonon.
Lesmoking neuf,celuidudîner auRitz.
Lebain, vite.
Il sourit pouravoir del'optimisme.
Ilse leva, remonta sonpantalon, frappadupied pour avoir delavitalité.
— Oui, lebain.
Lebain, c'estlesalut.
Dans lebain, ilsentit terriblement sonmalheur.
Toutseuldans cette eau,etse faire propre pourrien,pour personne.
C'était pourellequ'il selavait autrefois.
Toutseuldans del'eau, alorsquelesdeux étaient entrain dedormir, l'uncontre
l'autre.
Oupeut-être qu'ilsnedormaient pas,peut-être qu'ils,justeencemoment.
Oui,etpourtant unvisage sipur, si
enfantin lorsqu'une histoiredebête fidèle l'enthousiasmait.
Est-cequ'ilsprenaient desprécautions ?
Mais sonmalheur, ille sentit bienpluslorsque, aprèss'être machinalement savonnélescheveux, ilplongea latête sous
l'eau pourlesrincer etqu'il yresta plusieurs secondes, oreillesbouchées, commeilavait l'habitude.
Dieu,qu'ilétait seul
dans cette eau,dans cesilence.
Ilétouffait demalheur sousl'eau, toutseul, entouré d'eau,lesyeux ouverts.
Ilsortit la
tête pour respirer, s'immergea denouveau pourêtreaufond del'eau, aufond dumalheur.
785
En smoking, lepantalon àganse desoie abaissé surses genoux, lesfesses nuesetune foisdeplus trônant surlesiège en
imitation acajou,ilétait penché surlapremière photoqu'ilavait prise d'elle, pendant lesfiançailles.
Justeavant ledéclic,
elle luiavait ditqu'elle leregarderait enpensant qu'ellel'aimait.
Lagorge durcie etles yeux secs, lecollier debarbe
tremblant etles mains froides, ilcontempla lebeau visage quiluidisait sonamour, quilelui dirait chaque foisqu'il le
regarderait.
TéléphoneràKanakis, lesupplier devenir? Çane sefaisait pas,c'était troptard, onze heures dusoir, dequoi
est-ce qu'ilaurait l'air?Etpuis àKanakis, çalui était bienégal, sonmalheur.
Aprèsunenterrement, toutlemonde allait
bouffer.
—Le Donon, oui.
Mais rentrer etne pas latrouver? Àqui dire aurevoir lematin, àqui bonne nuit,lesoir? Lesoir, quand ilss'étaient
quittés, desachambre, àtravers lemur, illui criait, pourêtreencore avecelle,même deloin, illui criait denouveau
bonne nuit.Plusieurs foisillui criait bonne nuit.Dors bien, chérie, bonnenuit,bonne nuit,dorsbien, àdemain.
C'étaitdes
cris d'amour, toutça.Quand ilyavait unebelle musique àla radio, viteill'appelait, ilne pouvait rienécouter debeau si
elle n'était pasavec luipour partager.
Denouveau, ilse leva.
S'embrouillant danssonpantalon desmoking tombéauxchevilles, ilalla devant laglace dulavabo, s'yconsidéra, s'yfitun
sourire.
Voilà,c'était çaledésespoir, sesourire toutseuldans uneglace.
—Qu'est-ce quejedois faire? demanda-t-il àla glace.
À l'école, lesleçons apprises avectantdesoin, jusqu'à onzeheures, jusqu'àminuit.Couche-toi, Didi,ilest tard, disait
Mammic.
Maisilvoulait êtrelepremier àla composition derécitation, etilrallumait lorsqu'elle étaitpartie, etlematin il
se levait àcinq
786
heures pourrepasser lacomposition.
Àquoi bon? Sajoie decommencer descahiers neufsàla rentrée, enoctobre.
Avec
quel soinilinscrivait lestitres, avecquelamour.
Àquoi bon?
Herstal, Belgique.
Unefois, aumorning tea,elleluiavait cligné del'œil pour rien,paramitié, pourluidire qu'on
s'entendait bien.Danslaglace, ilse cligna del'œil.
Sespaupières étaientvivantes, luiobéissaient.
Une foisencore assissurlesiège, ilôta lecran d'arrêt dubrowning, leremit, passasesdoigts danssescheveux ensueur,
considéra sesdoigts, lesessuya àla veste dupyjama.
Ilavait peur.
Desgouttes coulaient lelong ducollier debarbe,
venaient serejoindre souslementon.
Ilavait peur.
Denouveau, ilôta lecran d'arrêt.
Mêmepourmourir, ilfallait faireun
geste devie, presser ladétente.
L'indexquipressait ladétente, quibougeait encoreunefoisafin deneplus jamais
bouger.
Oui,voilà, letout était quel'index voulûtpresser.
Mais lui,non, ilétait jeune, ilavait toute lavie devant lui.
Conseiller bientôt,puisdirecteur desection.
Demain, dicterlerapport.
Selever maintenant, téléphonerpouruntaxi, et
puis leDonon.
Oui,leDonon.
Mais d'abord lemettre unpeu contre latempe, justepourvoircomment c'étaitquand ons'y décidait.
Maislui,non, pas
si bête, ilétait jeune, ilavait toute lavie devant lui.Lui, c'était seulement pourvoir.Seulement fairelegeste, pourse.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le personnage de CHANTAL DE CLERGERIE de Georges Bernanos la Joie
- Le personnage de CÉNABRE (l’abbé) de Georges Bernanos l'Imposture et la Joie
- Que MA JOIE DEMEURE, de Jean Giono
- JOIE TERRIBLE (Une) Joyce Cary (résumé)
- FEU DE JOIE Louis Aragon (résumé)