M. Duras Hiroshima mon amour
Publié le 05/03/2011
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Nevers où je suis née, dans mon souvenir, est indistinct de moi-même. C'est une ville dont un enfant peut faire le tour. Délimitée d'une part par la Loire, d'autre part par les 5 Remparts. Au-delà des Remparts il y a la forêt. Nevers peut être mesurée au pas d'un enfant. [...] Nevers est donc délimitée comme une capitale. Quand j'étais une petite fille et que j'en faisais le tour, je la 10 croyais immense. Son ombre, sans la Loire, tremblait, l'agrandissant encore. Cette illusion sur l'immensité de Nevers je l'ai gardée longtemps, jusqu'au moment où j'ai atteint l'âge d'une jeune fille. 15 Alors Nevers s'est fermée sur elle-même. Elle a grandi comme on grandit. Je ne savais rien des autres villes. J'avais besoin d'une ville à la taille de l'amour même. Je l'ai trouvée dans Nevers même. Dire de Nevers qu'elle est une petite ville est une erreur du 20 cœur et de l'esprit. Nevers fut immense pour moi. Le blé est à ses portes. La forêt est à ses fenêtres. La nuit, des chouettes en arrivent jusque dans les jardins. Aussi faut-il s'y défendre d'y avoir peur. L'amour y est surveillé comme nulle part ailleurs. 25 Des gens seuls y attendent leur mort. Aucune autre aventure que celle-là ne pourra faire dévier leur attente. Dans ces rues tortueuses se vit donc la ligne droite de l'attente de la mort. L'amour y est impardonnable. La faute, à Nevers, est 30 d'amour. Le crime, à Nevers, est le bonheur. L'ennui y est une vertu tolérée. Des fous circulent dans ses faubourgs. Des bohémiens. Des chiens. Et l'amour. Dire du mal de Nevers serait également une erreur de l'esprit 35 et du cœur. Hiroshima mon amour, Éd. Gallimard
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