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Loyseau, Traité des ordres et simples dignités (extrait)

Publié le 14/04/2013

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Dans le Traité des ordres et des simples dignités (1610), le juriste Charles Loyseau redéfinit les trois ordres séculaires de la société française. En particulier, il clarifie le statut de la noblesse après l'anarchie des guerres de Religion. La plus digne, la noblesse traditionnelle dite d'épée, se transmet héréditairement depuis le Moyen Âge. Vient ensuite la noblesse de robe, acquise par l’achat d’un office royal et théoriquement viagère ; néanmoins, l’accroissement du nombre d’officiers du roi et la pression de ces nouveaux nobles, d’origine vénale, pour obtenir l’hérédité de leur charge (et de leur statut) poussent à une revalorisation de ces derniers et engendrent une similitude des privilèges, si ce n’est des dignités.

Traité des ordres et simples dignité de Charles Loyseau

 

Mais comme je dirai plus amplement au Livre des ordres, nous avons en France une pratique de la Noblesse aucunement différente de celle des Romains, témoin le dire de Cicéron […] Nobilitas, que ex imaginibus procedit Populi Rom. est universa. Et en un mot notre Noblesse vient ou de race ou de dignité. Celle de race consiste à être issue d’une race exempte de condition roturière, et partant elle est interne, principale et directe […] S’ensuit qu’il n’y a difficulté aucune, qu’elle ne continue éternellement en la race tant qu’on n’y déroge point : voire plus elle est ancienne plus elle est renforcée, ainsi que prouve la glose de la pragmatique Sanction […]

 

 

Au contraire la Noblesse provenant des Offices est accidentale […], externe, accessoire, et indirecte, n’étant attribuée intérieurement et principalement à la personne à cause d’elle-même, ainsi lui étant transférée extérieurement et accessoirement nempe medio de l’Office dont elle dépend […] : ainsi presque comme la Noblesse déférée à la femme à cause de son mari, des rayons duquel elle est illustrée dit la loi.

 

 

Or comme les rayons du Soleil sont plus forts que ceux de la Lune, qui emprunte sa lumière de lui : aussi la Noblesse, soit de la femme mariée à un homme noble, soit de l’homme pourvu d’Office ennoblissant, n’est pas si vigoureuse que celle de race, qui appartient à la personne de son chef, et est infuse (s’il faut ainsi dire) dans son propre sang. C’est pourquoi nous pratiquons en ces Noblesses empruntées, tout l’opposite, qu’en celles de race : à savoir qu’elles ne sont point transmises aux enfants : Neque enim potest indultum est […] est la réponse que fait le roi Antigonus au fils d’un capitaine demandant être continué aux honneurs de son père, que ces honneurs étaient la récompense de l’andragathie, et non de la patragathie.

 

 

Néanmoins ainsi qu’en la Noblesse de race nous pratiquons, que quand le père et l’aïeul ont vécu noblement, la Noblesse est prescrite et acquise à leur postérité, ainsi qu’il est contenu au règlement des tailles de l’année 1600. Aussi à plus forte raison en la Noblesse de Dignité, c’est-à-dire provenant des Offices, nous observons que le père et l’aïeul ayant été pourvus d’Offices ennoblissants, leur postérité devient Noble désormais.

 

 

Source : Loyseau (Charles), Traité des ordres et simples dignités, 1610.

 

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