Lisa à la Préfecture de police.
Publié le 15/12/2013
Extrait du document
«
— Hein !
çat’amuse, grandebête,ditCadine quiriait aussi.
Ilssont drôles, lespigeons, quandilsrentrent latête,
comme ça,entre lesépaules, pourqu’on neleur trouve paslecou… Allez, cen’est pasbon, cesanimaux-là ; çavous
pincerait, siça pouvait.
Et, riant plushaut delahâte deplus enplus fiévreuse deMarjolin, elleajouta :
— J’ai essayé, maisjene vais passivite que lui… Unjour, ilen asaigné centendix minutes.
Le cadre debois s’emplissait ; onentendait lesgouttes desang tomber danslacaisse.
AlorsClaude, ensetournant,
vit Florent tellement pâlequ’il sehâta del’emmener.
Enhaut, ille fit asseoir surune marche del’escalier.
— Eh bien,quoidonc ! dit-ilenluitapant danslesmains.
Voilàquevous vousévanouissez commeunefemme.
— C’est l’odeurdelacave, murmura Florentunpeu honteux.
Ces pigeons, auxquels onfait avaler dugrain etde l’eau salée, qu’on assomme etqu’on égorge, luiavaient rappelé
les ramiers desTuileries, marchant avecleurs robes desatin changeant dansl’herbe jaunedesoleil.
Illes voyait
roucoulant surlebras demarbre dulutteur antique, aumilieu dugrand silence dujardin, tandisque,sous l’ombre noire
des marronniers, despetites fillesjouent aucerceau.
Etc’était alorsquecette grosse bruteblonde faisantsonmassacre,
tapant dumanche ettrouant delapointe, aufond decette cavenauséabonde, luiavait donné froiddanslesos ; ils’était
senti tomber, lesjambes molles,lespaupières battantes.
— Diable ! repritClaude quandilfut remis, vousneferiez pasunbon soldat… Ahbien ! ceuxquivous ontenvoyé à
Cayenne sontencore dejolis messieurs, d’avoireupeur devous.
Mais, monbrave, sivous vousmettez jamaisd’une
émeute, vousn’oserez pastirer uncoup depistolet ; vousaurez troppeur detuer quelqu’un.
Florent seleva, sansrépondre.
Ilétait devenu trèssombre, avecdesrides désespérées quiluicoupaient laface.
Il
s’en alla, laissant Clauderedescendre danslacave ; et,enserendant àla poissonnerie, ilsongeait denouveau auplan
d’attaque, auxbandes armées quienvahiraient lePalais-Bourbon.
DanslesChamps-Élysées, lecanon gronderait ; les
grilles seraient brisées ; ilyaurait dusang surlesmarches, deséclaboussures decervelle contrelescolonnes.
Cefut une
vision rapide debataille.
Lui,aumilieu, trèspâle, nepouvait regarder, secachait lafigure entrelesmains.
Comme iltraversait larue duPont-Neuf, ilcrut apercevoir, aucoin dupavillon auxfruits, laface blême d’Auguste qui
tendait lecou.
Ildevait guetter quelqu’un lesyeux arrondis parune émotion extraordinaire d’imbécile.Ildisparut
brusquement, ilrentra encourant àla charcuterie.
— Qu’a-t-il donc ?pensaFlorent.
Est-cequejelui fais peur ?
Dans cette matinée, ils’était passédetrès graves événements chezlesQuenu-Gradelle.
Aupoint dujour, Auguste
accourut touteffaré réveiller lapatronne, enluidisant quelapolice venait prendre monsieur Florent.Puis,balbutiant
davantage, illui conta confusément quecelui-ci étaitsorti, qu’ilavait dûsesauver.
Labelle Lisa,encamisole, sanscorset,
se moquant dumonde, montavivement àla chambre deson beau-frère, oùelle pritlaphotographie delaNormande,
après avoirregardé sirien neles compromettait.
Elleredescendait, lorsqu’ellerencontralesagents depolice ausecond
étage.
Lecommissaire lapria deles accompagner.
Ill’entretint uninstant àvoix basse, s’installant avecseshommes dans
la chambre, luirecommandant d’ouvrirlaboutique commed’habitude, defaçon àne donner l’éveilàpersonne.
Une
souricière étaittendue.
Le seul souci delabelle Lisa,encette aventure, étaitlecoup quelepauvre Quenuallaitrecevoir.
Ellecraignait, en
outre, qu’ilfîttout manquer parseslarmes, s’ilapprenait quelapolice setrouvait là.Aussi exigea-t-elle d’Augustele
serment leplus absolu desilence.
Ellerevint mettre soncorset, contaàQuenu endormi unehistoire.
Unedemi-heure
plus tard, elleétait surleseuil delacharcuterie, peignée,sanglée,vernie,laface rose.
Auguste faisaittranquillement
l’étalage.
Quenuparutuninstant surletrottoir, bâillantlégèrement, achevantdes’éveiller dansl’airfrais dumatin.
Rien
n’indiquait ledrame quisenouait enhaut.
Mais lecommissaire donnalui-même l’éveilauquartier, enallant faireunevisite domiciliaire chezlesMéhudin, rue
Pirouette.
Ilavait lesnotes lesplus précises.
Dansleslettres anonymes reçuesàla préfecture, onaffirmait queFlorent
couchait leplus souvent aveclabelle Normande.
Peut-êtres’était-ilréfugiélà.Lecommissaire, accompagnédedeux
hommes, vintsecouer laporte, aunom delaloi.
Les Méhudin selevaient àpeine.
Lavieille ouvrit, furieuse, puis
subitement calméeetricanant, lorsqu’elle sutdequoi ils’agissait.
Elles’était assise, rattachant sesvêtements, disantà
ces messieurs :
— Nous sommes d’honnêtes gens,nousn’avons rienàcraindre, vouspouvez chercher.
Comme laNormande n’ouvraitpasassez vitelaporte desachambre, lecommissaire lafit enfoncer.
Elles’habillait, la
gorge libre,montrant sesépaules superbes, unjupon entrelesdents.
Cetteentrée brutale, qu’ellenes’expliquait pas,
l’exaspéra ; ellelâcha lejupon, voulut sejeter surleshommes, enchemise, plusrouge decolère quedehonte.
Le
commissaire, enface decette grande femme nue,s’avançait, protégeant seshommes, répétantdesavoix froide :
— Au nomdelaloi ! aunom delaloi !
.
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