L'Immortel Alphonse Daudet This page formatted 2004 Blackmask Online.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
L'IMMORTEL
I
On lit dans le Dictionnaire des Célébrités, contemporaines, édition de 1880, à l'article Astier-Réhu:
«_Astier, dit Astier-Réhu (Pierre-Alexandre-Léonard), de l'Académie française, né en 1816, à Sauvagnat
(Puy-de-Dôme) chez d'humbles cultivateurs, montra dès son plus jeune âge de rares aptitudes pour l'histoire.
De solides études, comme on n'en fait plus maintenant, commencées au collège de Riom, terminées à
Louis-le-Grand où il devait revenir plus tard professeur, lui ouvrirent toutes grandes les portes de l'École
Normale supérieure.
Il en sortit pour occuper la chaire d'histoire au lycée de Mende; c'est là que fut écrit
l'Essai sur Marc-Aurèle, (couronné par l'Académie française).
Appelé l'année suivante à Paris par M.
de
Salvandy, le jeune et brillant professeur sut reconnaître l'intelligente faveur dont il avait été l'objet en publiant
coup sur coup: Les grands ministres de Louis XIV (couronné par l'Académie française),Bonaparte et le
Concordat (couronné par l'Académie française),et cette admirable Introduction à l'Histoire de la Maison
d'Orléans, portique grandiose de l'oeuvre à laquelle l'historien devait donner vingt ans de sa vie.
Cette fois,
l'Académie n'ayant plus de couronne à lui offrir, le fit asseoir parmi ses élus.
Il était déjà un peu de la maison,
ayant épousé Mlle Réhu, fille du regretté Paulin Réhu, le célèbre architecte, membre de l'Académie des
Inscriptions et Belles Lettres, petite-fille du vénérable Jean Réhu, doyen de l'Académie française, l'élégant
traducteur d'Ovide, l'auteur des Lettres à Uranie, dont la verte vieillesse fait l'admiration de l'Institut.
On sait avec quel noble désintéressement, appelé par M.
Thiers, son collègue et ami, aux fonctions
d'archiviste des Affaires étrangères, Léonard Astier-Réhu se démit de sa charge au bout de quelques années
(1878), refusant de courber sa plume et l'impartialité de l'Histoire devant les exigences de nos gouvernants
actuels.
Mais, privé de ses chères archives, l'écrivain a su mettre ses loisirs à profit.
En deux ans, il nous a
donné les trois derniers volumes de son histoire et nous annonce prochainement un Galilée inconnu d'après
les documents les plus curieux et les plus inédits.
Tous les ouvrages d'Astier-Réhu sont en vente chez
Petit-Séquard, à la librairie académique.»
L'éditeur du Dictionnaire des «Célébrités» laissant à chaque intéressé le soin de se raconter lui-même,
l'authenticité de ces notes biographiques ne saurait être mise en doute.
Mais pourquoi dire que Léonard
Astier-Réhu avait donné sa démission d'archiviste, quand personne n'ignore qu'il fut destitué, mis à pied
comme un simple cocher de fiacre, pour une phrase imprudente échappée à l'historien de la Maison d'Orléans,
tome V, page 327: «Alors comme aujourd'hui, la France, submergée sous le flot démagogique....»
Où peut conduire une métaphore! Les douze mille francs de sa place, un logement au quai d'Orsay, chauffage,
éclairage, en plus ce merveilleux trésor de pièces historiques où ses livres avaient pris vie; voila ce que lui
emporta ce «flot démagogique,» son flot! Le pauvre homme ne s'en consolait pas.
Même après deux ans
écoulés, le regret du bien-être et des honneurs de son emploi lui mordait le coeur, plus vif à certains jours, à
certaines dates du mois ou de la semaine, et principalement le jour de Teyssèdre.
C'était le frotteur, ce Teyssèdre.
Il venait de fondation chez les Astier le mercredi; et l'après-midi du même
jour, Mme Astier recevait dans le cabinet de travail de son mari, seule pièce présentable de ce troisième étage
de la rue de Beaune, débris d'un beau logis, majestueux de plafond, mais terriblement incommode.
On se
figure le désarroi où ce mercredi, revenant chaque semaine, jetait l'illustre historien interrompu dans sa
production laborieuse et méthodique; il en avait pris en haine le frotteur, son «pays», à la face jaune, fermée et
dure comme son pain de cire, ce Teyssèdre qui, sous prétexte qu'il était de Riom, «tandis que meuchieu
Achtier n'était que de Chauvagnat,» bousculait sans respect la lourde table encombrée de cahiers, de notes, de
rapports, chassait de pièce en pièce le pauvre grand homme, réduit à se réfugier dans une soupente prise sur la
hauteur de son cabinet, où, bien que de taille médiocre, il ne tenait qu'assis.
Meublé d'un vieux fauteuil en L'Immortel
I 2.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Oeuvres de Napoleon Bonaparte, TOME III Napoleon Bonaparte This page formatted 2004 Blackmask Online.
- Le Conscrit ou Le Retour de Crimee Ernest Doin This page formatted 2004 Blackmask Online.
- Mille et un jours en prison a Berlin Docteur Henri Beland This page formatted 2004 Blackmask Online.
- L'Immortel Alphonse Daudet L'Immortel Table of Contents L'Immortel.
- Numa ROUMESTAN d'Alphonse Daudet (analyse détaillée)