L'homme Qui Rit Le taille-mer, long, courbe et aigu sous le beaupré, sortait de l'avant comme une corne de croissant.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
hommes, pas un adieu de ces hommes à l'enfant.
Il y avait des deux parts une acceptation muette de
l'intervalle grandissant.
C'était comme une séparation de mânes au bord d'un styx.
L'enfant, comme clou sur
la roche que la marée haute commençait à baigner, regarda la barque s'éloigner.
On eût dit qu'il comprenait.
Quoi? que comprenait-il? l'ombre.
Un moment après, l'ourque atteignit le détroit de sortie de la crique et s'y engagea.
On aperçut la pointe du
mât sur le ciel clair au-dessus des blocs fendus entre lesquels serpentait le détroit comme entre deux
murailles.
Cette pointe erra au haut des roches, et sembla s'y enfoncer.
On ne la vit plus.
C'était fini.
La
barque avait pris la mer.
L'enfant regarda cet évanouissement.
Il était étonné, mais rêveur.
Sa stupéfaction se compliquait d'une sombre constatation de la vie.
Il semblait qu'il y eût de l'expérience dans
cet être commençant.
Peut-être jugeait-il déjà.
L'épreuve, arrivée trop tôt, construit parfois au fond de la
réflexion obscure des enfants on ne sait quelle balance redoutable où ces pauvres petites âmes pèsent Dieu.
Se sentant innocent, il consentait.
Pas une plainte.
L'irréprochable ne reproche pas.
Cette brusque élimination qu'on faisait de lui ne lui arracha pas même un geste.
Il eut une sorte de
refroidissement intérieur.
Sous cette subite voie de fait du sort qui semblait mettre le dénoûment de son
existence presque avant le début, l'enfant ne fléchit pas.
Il reçut ce coup de foudre, debout.
Il était évident, pour qui eût vu son étonnement sans accablement, que, dans ce groupe qui l'abandonnait, rien
ne l'aimait, et il n'aimait rien.
Pensif, il oubliait le froid.
Tout à coup l'eau lui mouilla les pieds; la marée montait; une haleine lui passa dans
les cheveux; la bise s'élevait.
Il frissonna.
Il eut de la tête aux pieds ce tremblement qui est le réveil.
Il jeta les yeux autour de lui.
Il était seul.
Il n'y avait pas eu pour lui jusqu'à ce jour sur la terre d'autres hommes que ceux qui étaient en ce moment
dans l'ourque.
Ces hommes venaient de se dérober.
Ajoutons, chose étrange à énoncer, que ces hommes, les seuls qu'il connût, lui étaient inconnus.
Il n'eût pu dire qui étaient ces hommes.
Son enfance s'était passée parmi eux, sans qu'il eût la conscience d'être des leurs.
Il leur était juxtaposé; rien
de plus.
Il venait d'être oublié par eux.
Il n'avait pas d'argent sur lui, pas de souliers aux pieds, peine un vêtement sur le corps, pas même un morceau
de pain dans sa poche.
C'était l'hiver.
C'était le soir.
Il fallait marcher plusieurs lieues avant d'atteindre une habitation humaine.
L'homme Qui Rit
III.
SOLITUDE 26.
»
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