L'homme Qui Rit La crique, murée de tous les côtés par
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
II.
ISOLEMENT
En observant de près, voici ce qu'on eût pu noter.
Tous portaient de longues capes, percées et rapiécées, mais drapées, et au besoin les cachant jusqu'aux yeux,
bonnes contre la bise et la curiosité.
Sous ces capes, ils se mouvaient agilement.
La plupart étaient coiffés
d'un mouchoir roulé autour de la tête, sorte de rudiment par lequel le turban commence en Espagne.
Cette
coiffure n'avait rien d'insolite en Angleterre.
Le midi à cette époque était à la mode dans le nord.
Peut-être
cela tenait-il à ce que le nord battait le midi.
Il en triomphait, et l'admirait.
Après la défaite de l'armada, le
castillan fut chez Élisabeth un élégant baragouin de cour.
Parler anglais chez la reine d'Angleterre était
presque «shocking».
Subir un peu les moeurs de ceux à qui l'on fait la loi, c'est l'habitude du vainqueur
barbare vis-à-vis le vaincu raffiné; le tartare contemple et imite le chinois.
C'est pourquoi les modes
castillanes pénétraient en Angleterre; en revanche, les intérêts anglais s'infiltraient en Espagne.
Un des hommes du groupe qui s'embarquait avait un air de chef.
Il était chaussé d'alpargates, et attifé de
guenilles passementées et dorées, et d'un gilet de paillon, luisant, sous sa cape, comme un ventre de poisson.
Un autre rabattait sur son visage un vaste feutre taillé en sombrero.
Ce feutre n'avait pas de trou pour la pipe,
ce qui indiquait un homme lettré.
L'enfant, par-dessus ses loques, était affublé, selon le principe qu'une veste d'homme est un manteau
d'enfant, d'une souquenille de gabier qui lui descendait jusqu'aux genoux.
Sa taille laissait deviner un garçon de dix à onze ans.
Il était pieds nus.
L'équipage de l'ourque se composait d'un patron et de deux matelots.
L'ourque, vraisemblablement, venait d'Espagne, et y retournait.
Elle faisait, sans nul doute, d'une côte à
l'autre, un service furtif.
Les personnes qu'elle était en train d'embarquer, chuchotaient entre elles.
Le chuchotement que ces êtres échangeaient était composite.
Tantôt un mot castillan, tantôt un mot allemand,
tantôt un mot français; parfois du gallois, parfois du basque.
C'était un patois, à moins que ce ne fût un argot.
Ils paraissaient être de toutes les nations et de la même bande.
L'équipage était probablement des leurs.
Il y avait de la connivence dans cet embarquement.
Cette troupe bariolée semblait être une compagnie de camarades, peut-être un tas de complices.
S'il y eût eu un peu plus de jour, et si l'on eût regardé un peu curieusement, on eût aperçu sur ces gens des
chapelets et des scapulaires dissimulés à demi sous les guenilles.
Un des à peu près de femme mêlés au
groupe avait un rosaire presque pareil pour la grosseur des grains à un rosaire de derviche, et facile
reconnaître pour un rosaire irlandais de Llanymthefry, qu'on appelle aussi Llanandiffry.
On eût également pu remarquer, s'il y avait eu moins d'obscurité, une Nuestra-Señora, avec le niño, sculptée
et dorée à l'avant de l'ourque.
C'était probablement la Notre-Dame basque, sorte de panagia des vieux
cantabres.
Sous cette figure, tenant lieu de poupée de proue, il y avait une cage à feu, point allumée en ce
moment, excès de précaution qui indiquait un extrême souci de se cacher.
Cette cage à feu était évidemment à
deux fins; quand on l'allumait, elle brûlait pour la vierge et éclairait la mer, fanal faisant fonction de cierge.
L'homme Qui Rit
II.
ISOLEMENT 24.
»
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