L'homme aux quarante écus - Par les mémoires des intendants, faits sur la fin du dernier siècle, il y en avait environ quatre-vingt-dix mille.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
soldats de l'Etat; nous sommes à la solde de la société, nous devenons des déserteurs quand nous la quittons.
Que dis-je? les moines sont des parricides qui étouffent une postérité tout entière.
Quatre-vingt-dix mille
cloîtrés, qui braillent ou qui nasillent du latin, pourraient donner à l'Etat chacun deux sujets : cela fait cent
soixante mille hommes qu'ils font périr dans leur germe.
Au bout de cent ans la perte est immense : cela est
démontré.
"Pourquoi donc le monachisme a-t-i1 prévalu? parce que le gouvernement fut presque partout détestable et
absurde depuis Constantin; parce que l'empire romain eut plus de moines que de soldats; parce qu'il y en avait
cent mille dans la seule Egypte; parce qu'ils étaient exempts de travail et de taxe; parce que les chefs des
nations barbares qui détruisirent l'empire, s'étant faits chrétiens pour gouverner des chrétiens, exercèrent la
plus horrible tyrannie; parce qu'on se jetait en foule dans les cloîtres pour échapper aux fureurs de ces tyrans,
et qu'on se plongeait dans un esclavage pour en éviter un autre; parce que les papes, en instituant tant d'ordres
différents de fainéants sacrés, se firent autant de sujets dans les autres Etats; parce qu'un paysan aime mieux
être appelé mon révérend père, et donner des bénédictions, que de conduire la charrue; parce qu'il ne sait pas
que la charrue est plus noble que le froc; parce qu'il aime mieux vivre aux dépens des sots que par un travail
honnête; enfin parce qu'il ne sait pas qu'en se faisant moine il se prépare des jours malheureux, tissus d'ennui
et de repentir.
- Allons, monsieur, plus de moines, pour leur bonheur et pour le nôtre.
Mais je suis fâché d'entendre dire au
seigneur de mon village, père de quatre garçons et de trois filles, qu'il ne saura où les placer s'il ne fait pas ses
filles religieuses.
- Cette allégation trop souvent répétée est inhumaine, antipatriotique, destructive de la société.
"Toutes les fois qu'on peut dire d'un état de vie, quel qu'il puisse être: si tout le monde embrassait cet état le
genre humain serait perdu, il est démontré que cet état ne vaut rien, et que celui qui le prend nuit au genre
humain autant qu'il est en lui.
"Or il est clair que si tous les garçons et toutes les filles s'encloîtraient le monde périrait: donc la moinerie est
par cela seul l'ennemie de la nature humaine, indépendamment des maux affreux qu'elle a causés quelquefois.
- Ne pourrait-on pas en dire autant des soldats?
- Non assurément : car si chaque citoyen porte les armes à son tour, comme autrefois dans toutes les
républiques, et surtout dans celle de Rome, le soldat n'en est que meilleur cultivateur; le soldat citoyen se
marie, il combat pour sa femme et pour ses enfants.
Plût à Dieu que tous les laboureurs fussent soldats et
mariés! ils seraient d'excellents citoyens.
Mais un moine, en tant que moine, n'est bon qu'à dévorer la
substance de ses Compatriotes.
Il n'y a point de vérité plus reconnue.
- Mais les filles, monsieur, les filles des pauvres gentilshommes, qu'on ne peut marier, que feront-elles?
Elles feront, on l'a dit mille fois, comme les filles d'Angleterre, d'Ecosse, d'Irlande, de Suisse, de Hollande, de
la moitié de l'Allemagne, de Suède, de Norvège, du Danemark, de Tartine, de Turquie, d'Afrique, et de
presque tout le reste de la terre; elles seront bien meilleures épouses, bien meilleures mères, quand on se sera
accoutumé, ainsi qu'en Allemagne, à prendre des femmes sans dot.
Une femme ménagère et laborieuse fera
plus de bien dans une maison que la fille d'un financier, qui dépense plus en superfluités qu'elle n'a porté de
revenu chez son mari.
"Il faut qu'il y ait des maisons de retraite pour la vieillesse, pour l'infirmité, pour la difformité.
Mais, par le
plus détestable des abus, les fondations ne sont que pour la jeunesse et pour les personnes bien conformées.
On commence, dans le cloître, par faire étaler aux novices des deux sexes leur nudité, malgré toutes les lois L'homme aux quarante écus
L'homme aux quarante écus 22.
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