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L'homme au chariot, dont l'extérieur repoussant et le visage rude

Publié le 04/11/2013

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L'homme au chariot, dont l'extérieur repoussant et le visage rude formaient un contraste étrange avec la douce et bucolique chanson que nous venons de citer, arrêta alors son cheval, descendit, et se baissant sur les eux corps : - Voilà de belles plaies, dit-il ; mais j'en fais encore de meilleures. - Qui donc êtes-vous ? demanda Marguerite ressentant malgré elle une certaine terreur qu'elle n'avait pas la force de vaincre. - Madame, répondit cet homme en s'inclinant jusqu'à terre, je suis maître Caboche, bourreau de la prévôté e Paris, et je venais accrocher à ce gibet des compagnons pour M. l'amiral. - Eh bien, moi, je suis la reine de Navarre, répondit Marguerite ; jetez là vos cadavres, étendez dans votre chariot les housses de nos chevaux, et ramenez doucement derrière nous ces deux gentilshommes au Louvre. XVII - Le confrère de maître Ambroise Paré   Le tombereau dans lequel on avait placé Coconnas et La Mole reprit la route de Paris, suivant dans l'ombre le roupe qui lui servait de guide. Il s'arrêta au Louvre ; le conducteur reçut un riche salaire. On fit transporter les lessés chez M. le duc d'Alençon, et l'on envoya chercher maître Ambroise Paré. Lorsqu'il arriva, ni l'un ni l'autre n'avaient encore repris connaissance. La Mole était le moins maltraité des deux : le coup d'épée l'avait frappé au-dessous de l'aisselle droite, mais n'avait offensé aucun organe essentiel ; quant à Coconnas, il avait le poumon traversé, et le souffle qui sortait par la blessure faisait vaciller la flamme d'une bougie. Maître Ambroise Paré ne répondait pas de Coconnas. Madame de Nevers était désespérée ; c'était elle qui, confiante dans la force, dans l'adresse et le courage du Piémontais, avait empêché Marguerite de s'opposer au combat. Elle eût bien fait porter Coconnas à l'hôtel de uise pour lui renouveler dans cette seconde occasion les soins de la première ; mais d'un moment à l'autre son ari pouvait arriver de Rome, et trouver étrange l'installation d'un intrus dans le domicile conjugal. Pour cacher la cause des blessures, Marguerite avait fait porter les deux jeunes gens chez son frère, où l'un 'eux, d'ailleurs, était déjà installé, en disant que c'étaient deux gentilshommes qui s'étaient laissés choir de heval pendant la promenade ; mais la vérité fut divulguée par l'admiration du capitaine témoin du combat, et 'on sut bientôt à la cour que deux nouveaux raffinés venaient de naître au grand jour de la renommée. Soignés par le même chirurgien qui partageait ses soins entre eux, les deux blessés parcoururent les différentes phases de convalescence qui ressortaient du plus ou du moins de gravité de leurs blessures. La Mole, le moins grièvement atteint des deux, reprit le premier connaissance. Quant à Coconnas, une fièvre terrible s'était emparée de lui, et son retour à la vie fut signalé par tous les signes du plus affreux délire. Quoique enfermé dans la même chambre que Coconnas, La Mole, en reprenant connaissance, n'avait pas vu son compagnon, ou n'avait par aucun signe indiqué qu'il le vît. Coconnas tout au contraire, en rouvrant les yeux, les fixa sur La Mole, et cela avec une expression qui eût pu prouver que le sang que le Piémontais venait de perdre n'avait en rien diminué les passions de ce tempérament de feu. Coconnas pensa qu'il rêvait, et que dans son rêve il retrouvait l'ennemi que deux fois il croyait avoir tué ; seulement le rêve se prolongeait outre mesure. Après avoir vu La Mole couché comme lui, pansé comme lui par le chirurgien, il vit La Mole se soulever sur ce lit, où lui-même était cloué encore par la fièvre, la faiblesse et la douleur, puis en descendre, puis marcher au bras du chirurgien, puis marcher avec une canne, puis enfin marcher tout seul. Coconnas, toujours en délire, regardait toutes ces différentes périodes de la convalescence de son compagnon d'un regard tantôt atone, tantôt furieux, mais toujours menaçant. Tout cela offrait, à l'esprit brûlant du Piémontais un mélange effrayant de fantastique et de réel. Pour lui, La Mole était mort, bien mort, et même plutôt deux fois qu'une, et cependant il reconnaissait l'ombre de ce La Mole couchée dans un lit pareil au sien ; puis il vit, comme nous l'avons dit, l'ombre se lever, puis l'ombre marcher, et, chose effrayante, marcher vers son lit. Cette ombre, que Coconnas eût voulu fuir, fût-ce au fond des enfers, vint droit à lui et s'arrêta à son chevet, debout et le regardant ; il y avait même dans ses traits un sentiment de douceur et de compassion que Coconnas prit pour l'expression d'une dérision infernale. Alors s'alluma, dans cet esprit, plus malade peut-être que le corps, une aveugle passion de vengeance. Coconnas n'eut plus qu'une préoccupation, celle de se procurer une arme quelconque, et, avec cette arme, de frapper ce corps ou cette ombre de La Mole qui le tourmentait si cruellement. Ses habits avaient été déposés sur une chaise, puis emportés ; car, tout souillés de sang qu'ils étaient, on avait jugé à propos de les éloigner du blessé, mais on avait laissé sur la même chaise son poignard dont on ne supposait pas qu'avant longtemps il eût l'envie de se servir. Coconnas vit le poignard ; pendant trois nuits, profitant du moment où La Mole dormait, il essaya d'étendre la main jusqu'à lui ; trois fois la force lui manqua, et il s'évanouit. Enfin la quatrième nuit, il atteignit l'arme, la saisit du bout de ses doigts crispés, et, en poussant un gémissement arraché par la douleur, il la cacha sous son oreiller. Le lendemain, il vit quelque chose d'inouï jusque-là : l'ombre de La Mole, qui semblait chaque jour reprendre de nouvelles forces, tandis que lui, sans cesse occupé de la vision terrible, usait les siennes dans l'éternelle trame du complot qui devait l'en débarrasser ; l'ombre de La Mole, devenue de plus en plus alerte, fit, d'un air pensif, deux ou trois tours dans la chambre ; puis enfin, après avoir ajusté son manteau, ceint son épée, coiffé sa tête d'un feutre à larges bords, ouvrit la porte et sortit. Coconnas respira ; il se crut débarrassé de son fantôme. Pendant deux ou trois heures son sang circula dans

« XVII –Le confrère demaître Ambroise Paré  Le tombereau danslequel onavait placé Coconnas etLa Mole reprit laroute deParis, suivant dansl’ombre le groupe quiluiservait deguide.

Ils’arrêta auLouvre ; leconducteur reçutunriche salaire.

Onfittransporter les blessés chezM. le ducd’Alençon, etl’on envoya chercher maîtreAmbroise Paré. Lorsqu’il arriva,nil’un nil’autre n’avaient encorereprisconnaissance. La Mole étaitlemoins maltraité desdeux : lecoup d’épée l’avaitfrappé au-dessous del’aisselle droite,mais n’avait offensé aucunorgane essentiel ; quantàCoconnas, ilavait lepoumon traversé, etlesouffle quisortait par la blessure faisaitvaciller laflamme d’unebougie. Maître Ambroise Parénerépondait pasdeCoconnas. Madame deNevers étaitdésespérée ; c’étaitellequi, confiante danslaforce, dansl’adresse etlecourage du Piémontais, avaitempêché Marguerite des’opposer aucombat.

Elleeûtbien faitporter Coconnas àl’hôtel de Guise pourluirenouveler danscette seconde occasion lessoins delapremière ; maisd’unmoment àl’autre son mari pouvait arriverdeRome, ettrouver étrange l’installation d’unintrus dansledomicile conjugal. Pour cacher lacause desblessures, Marguerite avaitfaitporter lesdeux jeunes genschezsonfrère, oùl’un d’eux, d’ailleurs, étaitdéjàinstallé, endisant quec’étaient deuxgentilshommes quis’étaient laisséschoirde cheval pendant lapromenade ; maislavérité futdivulguée parl’admiration ducapitaine témoinducombat, et l’on sutbientôt àla cour quedeux nouveaux raffinésvenaient denaître augrand jourdelarenommée. Soignés parlemême chirurgien quipartageait sessoins entre eux,lesdeux blessés parcoururent les différentes phasesdeconvalescence quiressortaient duplus oudu moins degravité deleurs blessures.

LaMole, le moins grièvement atteintdesdeux, reprit lepremier connaissance.

QuantàCoconnas, unefièvre terrible s’était emparée delui, etson retour àla vie futsignalé partous lessignes duplus affreux délire. Quoique enfermédanslamême chambre queCoconnas, LaMole, enreprenant connaissance, n’avaitpasvu son compagnon, oun’avait paraucun signeindiqué qu’illevît.

Coconnas toutaucontraire, enrouvrant lesyeux, les fixa surLaMole, etcela avec uneexpression quieûtpuprouver quelesang quelePiémontais venaitde perdre n’avait enrien diminué lespassions decetempérament defeu. Coconnas pensaqu’ilrêvait, etque dans sonrêve ilretrouvait l’ennemiquedeux foisilcroyait avoirtué ; seulement lerêve seprolongeait outremesure.

AprèsavoirvuLa Mole couché comme lui,pansé comme luipar le chirurgien, ilvit LaMole sesoulever surcelit, oùlui-même étaitcloué encore parlafièvre, lafaiblesse etla douleur, puisendescendre, puismarcher aubras duchirurgien, puismarcher avecunecanne, puisenfin marcher toutseul. Coconnas, toujoursendélire, regardait toutescesdifférentes périodesdelaconvalescence deson compagnon d’un regard tantôtatone, tantôtfurieux, maistoujours menaçant. Tout celaoffrait, àl’esprit brûlant duPiémontais unmélange effrayant defantastique etde réel.

Pour lui,La Mole étaitmort, bienmort, etmême plutôtdeuxfoisqu’une, etcependant ilreconnaissait l’ombredeceLa Mole couchée dansunlitpareil ausien ; puisilvit, comme nousl’avons dit,l’ombre selever, puisl’ombre marcher, et, chose effrayante, marcherverssonlit.Cette ombre, queCoconnas eûtvoulu fuir,fût-ce aufond desenfers, vint droit àlui ets’arrêta àson chevet, deboutetleregardant ; ilyavait même danssestraits unsentiment de douceur etde compassion queCoconnas pritpour l’expression d’unedérision infernale. Alors s’alluma, danscetesprit, plusmalade peut-être quelecorps, uneaveugle passion devengeance. Coconnas n’eutplusqu’une préoccupation, celledeseprocurer unearme quelconque, et,avec cette arme, de frapper cecorps oucette ombre deLa Mole quiletourmentait sicruellement.

Seshabits avaient étédéposés sur une chaise, puisemportés ; car,tout souillés desang qu’ils étaient, onavait jugéàpropos deles éloigner du blessé, maisonavait laissé surlamême chaise sonpoignard dontonnesupposait pasqu’avant longtemps ileût l’envie deseservir.

Coconnas vitlepoignard ; pendanttroisnuits, profitant dumoment oùLaMole dormait, il essaya d’étendre lamain jusqu’à lui ;trois foislaforce luimanqua, etils’évanouit.

Enfinlaquatrième nuit,il atteignit l’arme,lasaisit dubout deses doigts crispés, et,enpoussant ungémissement arrachéparladouleur, il la cacha soussonoreiller. Le lendemain, ilvit quelque chosed’inouï jusque-là : l’ombredeLa Mole, quisemblait chaquejourreprendre de nouvelles forces,tandisquelui,sans cesse occupé delavision terrible, usaitlessiennes dansl’éternelle trame du complot quidevait l’endébarrasser ; l’ombredeLa Mole, devenue deplus enplus alerte, fit,d’un airpensif, deux outrois tours danslachambre ; puisenfin, aprèsavoirajusté sonmanteau, ceintsonépée, coiffé satête d’un feutre àlarges bords, ouvritlaporte etsortit. Coconnas respira ;ilse crut débarrassé deson fantôme.

Pendantdeuxoutrois heures sonsang circula dans. »

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