Les sept femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux et à son équipement.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
généreuses.
Quelque honneur en rejaillissait sur le roi Christophe.
Le paysan le rendait responsable des mauvaises récoltes ; mais elles étaient rares.
La fertilité du sol et la
patience des laboureurs faisaient ce pays abondant en fruits, en blés, en vins, en troupeaux.
Les ouvriers des
usines, par leurs revendications continues et violentes effrayaient les bourgeois qui comptaient sur le roi pour
les protéger contre la révolution sociale, les ouvriers de leur côté, ne pouvaient point le renverser, car ils
étaient les plus faibles, et n'en avaient guère envie, ne voyant pas ce qu'ils gagneraient à sa chute .Il ne les
soulageait point ni ne les opprimait davantage afin qu'ils fussent toujours une menace et jamais un danger.
Ce prince pouvait compter sur l'armée: elle avait un bon esprit.
L'armée a toujours un bon esprit ; toutes les
mesures sont prises pour qu'elle le garde ; c'est la première nécessité de l'État.
Car, si elle le perdait, le
gouvernement serait aussitôt renversé.
Le roi Christophe protégeait la religion.
A vrai dire, il n'était pas dévôt
et, pour ne point penser contrairement à la foi, il prenait l'utile précaution de n'en examiner jamais aucun
article.
Il entendait la messe dans sa chapelle et n'avait que des égards et des faveurs pour ses évêques, parmi
lesquels se trouvaient trois ou quatre ultramontains qui l'abreuvaient d'outrages.
La bassesse et la servilité de
sa magistrature lui inspiraient un insurmontable dégoût.
Il ne concevait pas que ses sujets pussent supporter
une si injuste justice ; mais ces magistrats achetaient leur honteuse faiblesse envers les forts par une inflexible
dureté a l'égard des faibles.
Leur sévérité rassurait les intérêts et commandait le respect.
Christophe V avait remarqué que ses actes ou ne produisaient pas d'effet appréciable ou produisaient des
effets contraires à ceux qu'il en attendait.
Aussi agissait-il peu.
Ses ordres et ses décorations étaient son
meilleur instrument de règne.
Il les décernait à ses adversaires, qui en étaient avilis et satisfaits.
La reine lui avait donné trois fils.
Elle était laide, acariâtre, avare et stupide, mais le peuple, qui la savait
délaissée et trompée par le roi, la poursuivait de louanges et d'hommages.
Après avoir recherché une
multitude de femmes de toutes les conditions, le roi se tenait le plus souvent auprès de madame de la Poule,
avec laquelle il avait des habitudes.
En femmes il eût toujours aimé la nouveauté ; mais une femme nouvelle
n'était plus une nouveauté pour lui et la monotonie du changement lui pesait.
De dépit, il retournait à madame
de la Poule et ce « déjà vu » qui lui était fastidieux chez celles qu'il voyait pour la première fois, il le
supportait moins mal chez une vieille amie.
Cependant elle l'ennuyait avec force et continuité.
Parfois, excédé
de ce qu'elle se montrât toujours fadement la même, il essayait de la varier par des déguisements et la faisait
habiller en Tyrolienne, en Andalouse, en capucin, en capitaine de dragons, en religieuse, sans cesser un
moment de la trouver insipide.
Sa grande occupation était la chasse, fonction héréditaire des rois et des princes qui leur vient des premiers
hommes, antique nécessité devenue un divertissement, fatigue dont les grands font un plaisir.
Il n'est plaisir
que de fatigue.
Christophe V chassait six fois par semaine.
Un jour, en forêt, il dit à M.
de Quatrefeuilles, son premier écuyer:
\24 Quelle misère de courre le cerf !
\24 Sire, lui répondit l'écuyer, vous serez bien aise de vous reposer après la chasse.
\24 Quatrefeuilles, soupira le roi, je me suis plu d'abord à me fatiguer, puis à me reposer.
Main tenant je ne
trouve d'agrément ni à l'un ni à l'autre.
Toute occupation a pour moi le vide de l'oisiveté, et le repos me lasse
comme un pénible travail.
Après dix ans d'un règne sans révolutions ni guerres, tenu enfin par ses sujets pour un habile politique, érigé
en arbitre des rois, Christophe V ne goûtait nulle joie au monde.
Plongé dans un abattement profond, il lui
arrivait souvent de dire: Les sept femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux
LA CHEMISE 34.
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