Les post-socratiques
Publié le 06/02/2011
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Après Aristote apparaissent des philosophes d'une inspiration différente qui renouent avec une idée fondamentale de Socrate : la pratique morale a beaucoup plus d'importance que la réflexion sur des problèmes théoriques : « A quoi bon, « dira Aristippe, les mathématiques, puisqu'elles ne parlent ni des biens ni des « maux ? «. Et les problèmes moraux devront être résolus par des méthodes de discussion plus courtes que celles dont usait Aristote. Cette évolution est due à diverses causes. 1° Parmi les successeurs immédiats d'Aristote, il n'y a pas de grand métaphysicien capable de vivifier la doctrine du maître. Pour que le péripatétisme retrouve une vie nouvelle, il faudra attendre la pensée médiévale des Arabes et le génie de saint Thomas d'Aquin. Mais, dans l'immédiat, le successeur d'Aristote, Théophraste, a seulement des dons éminents d'observateur (il écrit deux traités sur les Plantes qui font de lui le créateur de la botanique) et de psychologue (son livre des Caractères servira de modèle à La Bruyère). Mais, en métaphysique, sa contribution est purement critique ; il multiplie les objections contre la théorie aristotélicienne du mouvement, contre ses idées sur la finalité, contre l'ensemble du système. 2° L'expansion de la culture grecque, remarquable dans tout le monde méditerranéen depuis la mort d'Alexandre, exige une transformation de l'enseignement philosophique. Il faut se mettre à la portée d'un public plus vaste, plus divers : donc abaisser le niveau de la spéculation et répondre avant tout à des préoccupations pratiques. 3° Enfin, le déclin politique des cités grecques qui, conquises par Alexandre, passent des rois de Macédoine à ceux de Pergame, de Syrie ou d'Égypte, en attendant la domination finale de Rome, entraîne la décadence du patriotisme et met au premier plan le problème de la condition humaine privée, le problème du bonheur et du salut personnel. Ce qu'on attend principalement, pour ne pas dire uniquement, de la philosophie dans un monde voué à la décadence et au tourment, c'est un remède aux épreuves de la condition individuelle, c'est une morale pratique. C'est pourquoi les grandes philosophies de cette époque apparaissent avant tout comme un art de vivre : Le stoïcisme va répondre aux malheurs des temps par une philosophie de la volonté et de l'héroïsme ; l'épicurisme va nous proposer le refuge dans une vie privée prudente, assez égoïste et vouée à la pratique de plaisirs modérés. Le scepticisme qui est, lui aussi, une morale, nous invite — puisque les apparences ne sont que des illusions — à pratiquer le détachement systématique. t Stoïcisme, épicurisme, scepticisme, sont préfigurés d'ailleurs dans les doctrines de ceux qu'on appelle les petits socratiques : a ) Antisthène fonde l'école cynique dont le plus célèbre représentant est Diogène. A l'exemple du chien (cyôn ) qui se moque de la pudeur, Diogène le cynique rejette les conventions sociales et ne respecte guère les lois des États. Il se proclame citoyen du monde, la seule vraie constitution étant celle qui régit l'univers. Il enseigne que là vertu réside dans la seule volonté qui permet à l'homme, à l'imitation d'Hercule, de triompher de lui-même, d'assurer toujours son indépendance un peu dédaigneuse. Diogène mendiant pieds nus, avec son tonneau pour seule maison, sa lanterne — pour chercher un homme digne de ce nom ! — sa besace et son bâton, a exercé sur le paganisme finissant une immense influence. Il est le précurseur des stoïciens(1). b) Aristippe, fondateur de l'école cyrénaïque, annonce les épicuriens. Pour lui, il n'y a pas d'autre vérité que l'impression immédiate, il n'y a pas d'autre bonheur que le plaisir du moment : de cette philosophie du plaisir, Hégésias tirera, à la génération suivante, des conclusions désespérées : si le salut est dans le plaisir de l'instant, comme aucun plaisir n'est stable ni sûr, il ne reste plus qu'à se suicider. c) Enfin, l'école mégarique fondée par Euclide annonce le scepticisme ; on l'appelle parfois l'école éristique, c'est-à-dire l'école des disputeurs. Un des mégariques les plus célèbres est Diodore Cronos qui avait inventé contre la doctrine aristotélicienne du possible un argument saissisant qu'on appela le Dominateur. Tout ce qui est passé, dit Diodore, est objet de vérité nécessaire ; ici le possible n'a pas de sens, car le passé est, comme l'éternel, entièrement réalisé. Mais le présent et l'avenir résultent du passé ! Ils seront le passé un jour et sont donc aussi nécessaires que le passé lui-même : la notion aristotélicienne de « puissance « est vide. Entre le nécessaire et l'impossible, il n'y a pas de milieu. Ce paradoxe du temps, de Diodore « le roi des sophistes «, fut aussi célèbre que le paradoxe de l'espace de Zénon d'Élée. 1. Venseignement des cyniques est à base de scandale et de sarcasme, comme celui des maîtres japonais du bouddhisme Zen. Par exemple : Diogène invitait un disciple à le suivre dans la rue en traînant un hareng. Le cynique Cratès donna, dit-on, un pot de lentilles à Zénon pour qu'il le porte à travers le quartier de la Céramique. Comme Zénon refusait, Cratès lui vida le pot sur les jambes.
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