Les Femmes savantes de Molière. ACTE PREMIER. SCENE PREMIERE
Publié le 12/07/2011
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HENRIETTE. Et qu'est-ce qu'à mon âge on a de mieux à faire Que d'attacher à soi, par le titre d'époux, Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous. Et de cette union, de tendresse suivie, Se faire les douceurs d'une innocente vie? Ce nœud, bien assorti, n'a-t-il pas des appas? ARMANDE. Mon Dieu, que votre esprit est d'un étabe bas! Que vous jouez au monde un petit personnage. De vous claquemurer aux choses du ménage, Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants Qu'un idole d'époux et des marmots d'enfants! Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires Les bas amusements de ces sortes d'affaires; A de plus hauts objets élevez vos désirs, Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs. Et traitant de mépris les sens et la matière, A l'esprit, comme nous, donnez-vous toute entière Vous avez notre mère en exemple à vos yeux, Que du nom de savante on honore en tous lieux ; Tâchez, ainsi que moi, de vous montrer sa fille. Aspirez aux clartés qui sont dans la famille, Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs Que l'amour de l'étude épanche dans les cœurs; Loin d'être aux lois d'un homme en esclave asservie, Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain, Et donne à la raison l'empire souverain, Soumettant à ses lois la partie animale, Dont l'appétit grossier aux bêtes nous ravale. Ce sont là les beaux feux, les doux attachements. Qui doivent de la vie occuper les moments: Et les soins où je vois tant de femmes sensibles Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles.
L'ensemble. — Les Femmes savantes sont une des « pièces pédagogiques « de Molière, c'est-à-dire qu'elles exposent les idées de Molière sur l'éducation des femmes. La pièce s'ouvre sur une discussion entre deux jeunes filles qui défendent, chacune, leur idéal de vie : l'une veut chercher son bonheur dans le mariage et les occupations du foyer, l'autre les méprise. Henriette se révèle simple, naturelle, pleine de bon sens et de cœur; Armande, au contraire, est sottement vaniteuse, manque de psychologie et de bonté. Elle est surtout fausse, car cet étalage d'idées n'est qu'un prétexte. Nous voyons, par là, Molière dévoiler son propre sentiment à ce sujet : il estime Henriette, qu'il nous peint charmante et sympathique; il blâme Armande, à laquelle il prête Un caractère hypocrite et jaloux. G est son procédé coutumier : il fait dire ce qu'il pense par la bouche des personnages qui plaisent au public. Par rapport à l'époque, nous nous rendons compte qu'il existait au XVIIe siècle une question « féministe « comme de nos jours.
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