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Les droits de la critique (1607). Boileau (Satire IX)

Publié le 22/06/2011

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boileau

Dans la satire IX, A son Esprit, Boileau pose et résout avec une parfaite clarté la question des droits de la critique. Du moment qu'un auteur s'expose au public, il doit s'attendre tout aussi bien au blâme qu'el la louange. On permet aux spectateurs de siffler, aux gens du monde de juger à tort et à travers; pourquoi le critique ne pourrait-il donner son avis sur un ouvrage imprimé? Mais aussi, c'est l'écrivain seul qui est justiciable de la satire; l'homme doit être respecté. Ainsi compris, le rôle du critique est moral et nécessaire. Tous les jours, à la cour, un sot de qualité Peut juger de travers avec impunité : A Malherbe, à Racan, préférer Théophile, Et le clinquant du Tasse à tout l'or de Virgile. Un clerc, pour quinze sous, sans craindre le holà, Peut aller au parterre attaquer Attila : Et, si le roi des Huns ne lui charme l'oreille, Traiter de Visigoths tous les vers de Corneille. Il n'est valet d'auteur, ni copiste, à Paris, Qui, la balance en main, ne pèse les écrits. Dès que l'impression fait éclore un poète, Il est esclave-né de quiconque l'achète : Il se soumet lui-même aux caprices d'autrui, Et ses écrits tout seuls doivent parler pour lui. Un auteur à genoux, dans une humble préface, Au lecteur qu'il ennuie a beau demander grâce, Il ne gagnera rien sur ce juge irrité Qui lui fait son procès de pleine autorité. Et je serai le seul qui ne pourrai rien dire! On sera ridicule, et je n'oserai rire! Et qu'ont produit mes vers de si pernicieux, Pour armer contre moi tant d'auteurs furieux? Loin de les décrier, je les ai fait paraître, Et souvent, sans ces vers qui les ont fait connaître, Leur talent dans l'oubli demeurerait caché; Et qui saurait, sans moi, que Cotin a prêché? La satire ne sert qu'à rendre un fat illustre : C'est une ombre au tableau qui lui donne du lustre. En le blâmant enfin, j'ai dit ce que j'en croi; Et tel qui m'en reprend en pense autant que moi. « Il a tort, dira l'un; pourquoi faut-il qu'il nomme? Attaquer Chapelain! ah! c'est un si bon homme! Balzac en fait l'éloge en cent endroits divers. Il est vrai, s'il m'eût cru, qu'il n'eût point fait de vers. Il se tue à rimer : que n'écrit-il en prose? « Voilà ce que l'on dit. Et que dis-je autre chose? En blâmant ses écrits, ai-je d'un style affreux, Distillé sur sa vie un venin dangereux? Ma muse en l'attaquant, charitable et discrète, Sait de l'homme d'honneur distinguer le poète. Qu'on vante en lui la foi, l'honneur, la probité; Qu'on prise sa candeur et sa civilité; Qu'il soit doux, complaisant, officieux, sincère; On le veut, j'y souscris, et suis prêt à me taire. Mais que pour un modèle on montre ses écrits, Qu'il soit le mieux renté de tous les beaux esprits, Comme roi des auteurs qu'on l'élève à l'empire, Ma bile alors s'échauffe, et je brûle d'écrire; Et, s'il ne m'est permis de le dire au papier, J'irai creuser la terre, et, comme ce barbier, Faire dire aux roseaux, par un nouvel organe : « Midas, le roi Midas, a des oreilles d'âne. « Quel tort lui fais-je enfin! Ai-je par un écrit Pétrifié sa veine et glacé son esprit? Quand un livre au Palais se vend et se débite, Que chacun par ses yeux juge de son mérite, Que Bilaine l'étale au deuxième pilier, Le dégoût d'un censeur peut-il le décrier? En vain contre le Cid un ministre se ligue : Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue. L'Académie en corps a beau le censurer : Le public révolté s'obstine à l'admirer. La satire en leçons, en nouveautés fertile, Sait seule assaisonner le plaisant et l'utile, Et, d'un vers qu'elle épure aux rayons du bon sens, Détromper les esprits 'des erreurs de leur temps. Elle seule, bravant l'orgueil et l'injustice, Va jusque sous le dais faire pâlir le vice, Et souvent sans' rien craindre, à l'aide d'un bon mot. Va venger la raison des attentats d'un sot. C'est ainsi que Lucile, appuyé de Lélie, Fit justice en son temps des Cotins d'Italie, Et qu'Horace, jetant le sel à pleines mains, Se jouait aux dépens des Pelletiers romains. C'est elle qui, m'ouvrant le chemin qu'il faut suivre, M'inspira, dès quinze ans, la haine d'un sot livre, Et, sur ce mont fameux où j'osai la chercher, Fortifia mes pas et m'apprit à marcher. C'est pour elle, en un mot, que j'ai fait voeu d'écrire.

(Satire IX.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Une pièce satirique : un passage de la satire IX, A son Esprit.— Quel important sujet traite Boileau dans cette pièce de vers ? Un auteur peut-il songer à se soustraire à la critique de quiconque lit ses écrits? La critique ne comporte-t-elle pas à la fois la louange et le blâme? Pourrait-on refuser au critique littéraire le droit qu'a tout lecteur ou tout spectateur, — fût-il le plus ignorant, — de formuler son avis sur l'oeuvre qu'il lit ou à la représentation de laquelle il assiste ? Si le critique a le droit de juger toute oeuvre littéraire, n'a-t-il pas aussi un devoir ? — Lequel ? (Distinction importante à faire : l'homme et l'écrivain); La lecture de la pièce étudiée vous intéresse-t-elle ? (dire en quoi) : Quel en est le ton général ?

II. — L'analyse du morceau. — Distinguez les différentes parties du morceau : a) Ce que peut faire impunément le sot de qualité, le clerc, le valet d'auteur, le copiste; b) Seul, le critique littéraire ne pourrait-il rien dire? c) Distinction entre l'homme et l'écrivain; d) Utilité de la satire; qualités distinctives du poète satirique; Quelle oeuvre littéraire peut, chaque jour, juger impunément le sot de qualité ? — le clerc ? De qui le poète naissant est-il l'esclave-né ? Quel service Boileau prétend-il avoir rendu à un grand nombre d'auteurs, pourtant furieux contre lui ? (souligner l'ironie des vers); Quel reproche lui adresse-t-on, — et quel nom lui cite-t-on à l'appui ? Quelle est sa réponse? (l'indiquer avec précision); Si un auteur a vraiment du talent, que peuvent contre lui les critiques d'un censeur ? Quelle est l'utilité de la satire? Quelles sont les qualités propres du poète satirique ? Boileau a-t-il réuni ces qualités?

III. - Le style; — les expressions. — Quelles vous paraissent être les qualités distinctives du style de Boileau, satirique? (correction, concision, verve, ironie...) ; Faites ressortir ces qualités par l'étude de quelques passages; On a dit parfois de la langue de Boileau qu'elle est raide et contrainte : ce reproche est-il exact ici ? — Montrez le mouvement et l'aisance des vers : (Et je serai le seul qui ne pourrai rien dire!... Qu'on vante en lui la foi, l'honneur, la probité...); N'y a-t-il pas, dans la pièce étudiée, de beaux vers, qui se fixent aisément dans la mémoire? Citez-en quelques-uns; Quel est le sens des expressions suivantes : un sot de qualité, — Horace, jetant le sel à pleines mains ?

IV. — La grammaire. — Quelle est la composition des mots : décrier et détromper? Indiquez un synonyme de fat, — de lustre ? A quel temps et à quel mode est chacun des verbes contenus dans les cinq derniers vers ? Nature et fonction de chacun des mots suivants qu'il faut suivre.

Rédaction. — Boileau dit qu'en critiquant un mauvais écrivain, il sait de l'homme d'honneur distinguer le poète. Expliquez ces paroles.   

boileau

« Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.L'Académie en corps a beau le censurer :Le public révolté s'obstine à l'admirer.La satire en leçons, en nouveautés fertile,Sait seule assaisonner le plaisant et l'utile,Et, d'un vers qu'elle épure aux rayons du bon sens,Détromper les esprits 'des erreurs de leur temps.Elle seule, bravant l'orgueil et l'injustice,Va jusque sous le dais faire pâlir le vice,Et souvent sans' rien craindre, à l'aide d'un bon mot.Va venger la raison des attentats d'un sot.C'est ainsi que Lucile, appuyé de Lélie,Fit justice en son temps des Cotins d'Italie,Et qu'Horace, jetant le sel à pleines mains,Se jouait aux dépens des Pelletiers romains.C'est elle qui, m'ouvrant le chemin qu'il faut suivre,M'inspira, dès quinze ans, la haine d'un sot livre,Et, sur ce mont fameux où j'osai la chercher,Fortifia mes pas et m'apprit à marcher.C'est pour elle, en un mot, que j'ai fait voeu d'écrire. (Satire IX.) QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble.

— Une pièce satirique : un passage de la satire IX, A son Esprit.— Quel important sujet traiteBoileau dans cette pièce de vers ? Un auteur peut-il songer à se soustraire à la critique de quiconque lit ses écrits?La critique ne comporte-t-elle pas à la fois la louange et le blâme? Pourrait-on refuser au critique littéraire le droitqu'a tout lecteur ou tout spectateur, — fût-il le plus ignorant, — de formuler son avis sur l'oeuvre qu'il lit ou à lareprésentation de laquelle il assiste ? Si le critique a le droit de juger toute oeuvre littéraire, n'a-t-il pas aussi undevoir ? — Lequel ? (Distinction importante à faire : l'homme et l'écrivain); La lecture de la pièce étudiée vousintéresse-t-elle ? (dire en quoi) : Quel en est le ton général ? II.

— L'analyse du morceau.

— Distinguez les différentes parties du morceau : a) Ce que peut faire impunément lesot de qualité, le clerc, le valet d'auteur, le copiste; b) Seul, le critique littéraire ne pourrait-il rien dire? c)Distinction entre l'homme et l'écrivain; d) Utilité de la satire; qualités distinctives du poète satirique; Quelle oeuvrelittéraire peut, chaque jour, juger impunément le sot de qualité ? — le clerc ? De qui le poète naissant est-ill'esclave-né ? Quel service Boileau prétend-il avoir rendu à un grand nombre d'auteurs, pourtant furieux contre lui ?(souligner l'ironie des vers); Quel reproche lui adresse-t-on, — et quel nom lui cite-t-on à l'appui ? Quelle est saréponse? (l'indiquer avec précision); Si un auteur a vraiment du talent, que peuvent contre lui les critiques d'uncenseur ? Quelle est l'utilité de la satire? Quelles sont les qualités propres du poète satirique ? Boileau a-t-il réunices qualités? III.

- Le style; — les expressions.

— Quelles vous paraissent être les qualités distinctives du style de Boileau,satirique? (correction, concision, verve, ironie...) ; Faites ressortir ces qualités par l'étude de quelques passages;On a dit parfois de la langue de Boileau qu'elle est raide et contrainte : ce reproche est-il exact ici ? — Montrez lemouvement et l'aisance des vers : (Et je serai le seul qui ne pourrai rien dire!...

Qu'on vante en lui la foi, l'honneur,la probité...); N'y a-t-il pas, dans la pièce étudiée, de beaux vers, qui se fixent aisément dans la mémoire? Citez-enquelques-uns; Quel est le sens des expressions suivantes : un sot de qualité, — Horace, jetant le sel à pleinesmains ? IV.

— La grammaire.

— Quelle est la composition des mots : décrier et détromper? Indiquez un synonyme de fat, —de lustre ? A quel temps et à quel mode est chacun des verbes contenus dans les cinq derniers vers ? Nature etfonction de chacun des mots suivants qu'il faut suivre. Rédaction.

— Boileau dit qu'en critiquant un mauvais écrivain, il sait de l'homme d'honneur distinguer le poète.Expliquez ces paroles.. »

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