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Les Bijoux Indiscrets trouverez bon que je les suive.

Publié le 11/04/2014

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Les Bijoux Indiscrets trouverez bon que je les suive. - Des espérances ! reprit Alibeg. - Oui, des espérances... - Morbleu ! cela n'est point... - Je vous dis, monsieur, que cela. est, et que vous me ferez raison sur l'heure du démenti que vous me donnez. " À l'instant ils descendirent le grand perron ; ils avaient déjà le cimeterre tiré, et ils allaient finir leur démêlé d'une façon tragique, lorsque le sultan les arrêta, et leur défendit de se battre avant que d'avoir consulté leur Hélène. Ils obéirent et se rendirent chez Amine, où Mangogul les suivit de près. " Je suis excédée du bal, leur dit-elle ; les yeux me tombent. Vous êtes de cruelles gens, de venir au moment que j'allais me mettre au lit ; mais vous avez tous deux un air singulier. Pourrait on savoir ce qui vous amène ?... - C'est une bagatelle, lui répondit Alibeg : monsieur se vante, et même assez hautement, ajouta-t-il en montrant son ami, que vous lui donnez des espérances. Madame, qu'en est-il ?... " Amine ouvrait la bouche ; mais le sultan tournant sa bague dans le même instant, elle se tut, et son bijou répondit pour elle... " Il me semble que Nassès se trompe : non, ce n'est pas à lui que madame en veut. N'a-t-il pas un grand laquais qui vaut mieux que lui ? oh ! que ces hommes sont sots de croire que des dignités, des honneurs, des titres, des noms, des mots vides de sens, en imposent à des bijoux ! Chacun a sa philosophie, et la nôtre consiste principalement à distinguer le mérite de la personne, le vrai mérite, de celui qui n'est qu'imaginaire. N'en déplaise à M. de Claville, il en sait là-dessus moins que nous, et vous allez en avoir la preuve. " Vous connaissez tous deux, continua le bijou, la marquise Bibicosa. Vous savez ses amours avec Cléandor, et sa disgrâce, et la haute dévotion qu'elle professe aujourd'hui. Amine est bonne amie ; elle a conservé les liaisons qu'elle avait avec Bibicosa, et n'a point cessé de fréquenter dans sa maison, où l'on rencontre des brahmines de toute espèce. Un d'entre eux pressait un jour ma maîtresse de parler pour lui à Bibicosa. " Eh ! que voulez-vous que je lui demande ? lui répondit Amine. C'est une femme noyée, qui ne peut rien pour elle-même. Vraiment elle vous saurait bon gré de la traiter encore comme une personne de conséquence. Allez, mon ami, le prince Cléandor et Mangogul ne feront jamais rien pour elle ; et vous vous morfondriez dans les antichambres... " - Mais, répondit le brahmine, madame, il ne s'agit que d'une bagatelle, qui dépend directement de la marquise. Voici ce que c'est. Elle a fait construire un petit minaret dans son hôtel ; c'est sans doute pour la Sala, ce qui suppose un iman ; et c'est cette place que je demande... " - Que dites-vous ! reprit Amine. Un iman ! vous n'y pensez pas ; il ne faut à la marquise qu'un marabout qu'elle appellera de temps à autre lorsqu'il pleut, ou qu'on veut avoir fait la Sala, avant que de se mettre au lit : mais un iman logé, vêtu, nourri dans son hôtel, avec des appointements ! cela ne va point à Bibicosa. Je connais ses affaires. La pauvre femme n'a pas six mille sequins de revenu ; et vous prétendez qu'elle en donnera deux mille à un iman ? Voilà t-il pas qui est bien imaginé !... " - De par Brahma, j'en suis fâché, répliqua l'homme saint ; car voyez-vous, si j'avais été son iman, je CHAPITRE XLV. VINGT-QUATRIÈME ET VINGT-CINQUIÈME ESSAIS . DE L'ANNEAU.. BAL MASQUÉ, 120 Les Bijoux Indiscrets n'aurais pas tardé à lui devenir plus nécessaire : et quand on est là, il vous pleut de l'argent et des pensions. Tel que vous me voyez, je suis du Monomotapa, et je fais très bien mon devoir... " - Eh ! mais, lui répondit Amine d'une voix entrecoupée, votre affaire n'est pourtant pas impossible. C'est dommage que le mérite dont vous parlez ne se présume pas... " - On ne risque rien à s'employer pour les gens de mon pays, reprit l'homme du Monomotapa ; voyez plutôt... " " Il donna sur-le-champ à Amine la preuve complète d'un mérite si surprenant, que de ce moment vous perdîtes, à ses yeux, la moitié de ce qu'elle vous prisait. Ah ! vivent les gens du Monomotapa ! " Alibeg et Nassès avaient la physionomie allongée, et se regardaient sans mot dire ; mais, revenus de leur étonnement, ils s'embrassèrent : et jetant sur Amine un regard méprisant, ils coururent se prosterner aux pieds du sultan, et le remercier de les avoir détrompés de cette femme et de leur avoir conservé la vie et l'amitié réciproque. Ils arrivèrent dans le moment que Mangogul, de retour chez la favorite, lui faisait l'histoire d'Amine, Mirzoza en rit, et n'en estima pas davantage les femmes de cour et les brahmines. CHAPITRE XLVI. SÉLIM A BANZA. Mangogul alla se reposer au sortir du bal ; et la favorite, qui ne se sentait aucune disposition au sommeil, fit appeler Sélim, et le pressa de lui continuer son histoire amoureuse. Sélim obéit, et reprit en ces termes : " Madame, la galanterie ne remplissait pas tout mon temps : je dérobais au plaisir des instants que je donnais à des occupations sérieuses ; et les intrigues dans lesquelles je m'embarquai, ne m'empêchèrent pas d'apprendre les fortifications, le manège, les armés, la musique et la danse ; d'observer les usages et les arts des Européens, et d'étudier leur politique et leur milice. De retour dans le Congo, on me présenta à l'empereur aïeul du sultan, qui m'accorda un poste honorable dans ses troupes. Je parus à la cour, et bientôt je fus de toutes les parties du prince Erguebzed, et par conséquent intéressé dans les aventures des jolies femmes. J'en connus de toutes nations, de tout âge, de toutes conditions ; j'en trouvai peu de cruelles, soit que mon rang les éblouît, soit qu'elles aimassent mon jargon, ou que ma figure les prévînt. J'avais alors deux qualités avec lesquelles on va vite en amour, de l'audace et de la présomption. " Je pratiquai d'abord les femmes de qualité. Je les prenais le soir au cercle ou au jeu chez la Manimonbanda ; je passais la nuit avec elles ; et nous nous méconnaissions presque le lendemain. Une des occupations de ces dames, c'est de se procurer des amants, de les enlever même à leurs meilleures amies, et l'autre de s'en défaire. Dans la crainte de se trouver au dépourvu, tandis qu'elles filent une intrigue, elles en lorgnent deux ou trois autres. Elles possèdent je ne sais combien de petites finesses pour attirer celui qu'elles ont en vue et cent tracasseries en réserve pour se débarrasser de celui qu'elles ont. Cela a toujours été et cela sera toujours. Je ne nommerai personne ; mais je connus ce qu'il y avait de femmes à la cour d'Erguebzed en réputation de jeunesse et de beauté ; et tous ces engagements furent formés, rompus, renoués, oubliés en moins de six mois. " Dégoûté de ce monde, je me jetai dans ses antipodes : je vis des bourgeoises que je trouvai dissimulées, fières de leur beauté, toutes grimpées sur le ton de l'honneur et presque toujours obsédées par des maris sauvages et brutaux ou certains pieds-plats de cousins qui faisaient à jours entiers les passionnés auprès de leurs cousines et qui me déplaisaient grandement : on ne pouvait les tenir seules un moment ; ces animaux survenaient perpétuellement, dérangeaient un rendez-vous et se fourraient à tout propos dans la conversation. Malgré ces obstacles, j'amenai cinq ou six de ces bégueules au point où je les voulais avant que de les planter CHAPITRE XLVI. SÉLIM A BANZA. 121

« n'aurais pas tardé à lui devenir plus nécessaire : et quand on est là, il vous pleut de l'argent et des pensions. Tel que vous me voyez, je suis du Monomotapa, et je fais très bien mon devoir... " ­ Eh ! mais, lui répondit Amine d'une voix entrecoupée, votre affaire n'est pourtant pas impossible.

C'est dommage que le mérite dont vous parlez ne se présume pas... " ­ On ne risque rien à s'employer pour les gens de mon pays, reprit l'homme du Monomotapa ; voyez plutôt...

" " Il donna sur-le-champ à Amine la preuve complète d'un mérite si surprenant, que de ce moment vous perdîtes, à ses yeux, la moitié de ce qu'elle vous prisait.

Ah ! vivent les gens du Monomotapa ! " Alibeg et Nassès avaient la physionomie allongée, et se regardaient sans mot dire ; mais, revenus de leur étonnement, ils s'embrassèrent : et jetant sur Amine un regard méprisant, ils coururent se prosterner aux pieds du sultan, et le remercier de les avoir détrompés de cette femme et de leur avoir conservé la vie et l'amitié réciproque.

Ils arrivèrent dans le moment que Mangogul, de retour chez la favorite, lui faisait l'histoire d'Amine, Mirzoza en rit, et n'en estima pas davantage les femmes de cour et les brahmines. CHAPITRE XLVI.

SÉLIM A BANZA. Mangogul alla se reposer au sortir du bal ; et la favorite, qui ne se sentait aucune disposition au sommeil, fit appeler Sélim, et le pressa de lui continuer son histoire amoureuse.

Sélim obéit, et reprit en ces termes : " Madame, la galanterie ne remplissait pas tout mon temps : je dérobais au plaisir des instants que je donnais à des occupations sérieuses ; et les intrigues dans lesquelles je m'embarquai, ne m'empêchèrent pas d'apprendre les fortifications, le manège, les armés, la musique et la danse ; d'observer les usages et les arts des Européens, et d'étudier leur politique et leur milice.

De retour dans le Congo, on me présenta à l'empereur aïeul du sultan, qui m'accorda un poste honorable dans ses troupes.

Je parus à la cour, et bientôt je fus de toutes les parties du prince Erguebzed, et par conséquent intéressé dans les aventures des jolies femmes.

J'en connus de toutes nations, de tout âge, de toutes conditions ; j'en trouvai peu de cruelles, soit que mon rang les éblouît, soit qu'elles aimassent mon jargon, ou que ma figure les prévînt.

J'avais alors deux qualités avec lesquelles on va vite en amour, de l'audace et de la présomption. " Je pratiquai d'abord les femmes de qualité.

Je les prenais le soir au cercle ou au jeu chez la Manimonbanda ; je passais la nuit avec elles ; et nous nous méconnaissions presque le lendemain.

Une des occupations de ces dames, c'est de se procurer des amants, de les enlever même à leurs meilleures amies, et l'autre de s'en défaire.

Dans la crainte de se trouver au dépourvu, tandis qu'elles filent une intrigue, elles en lorgnent deux ou trois autres.

Elles possèdent je ne sais combien de petites finesses pour attirer celui qu'elles ont en vue et cent tracasseries en réserve pour se débarrasser de celui qu'elles ont.

Cela a toujours été et cela sera toujours.

Je ne nommerai personne ; mais je connus ce qu'il y avait de femmes à la cour d'Erguebzed en réputation de jeunesse et de beauté ; et tous ces engagements furent formés, rompus, renoués, oubliés en moins de six mois. " Dégoûté de ce monde, je me jetai dans ses antipodes : je vis des bourgeoises que je trouvai dissimulées, fières de leur beauté, toutes grimpées sur le ton de l'honneur et presque toujours obsédées par des maris sauvages et brutaux ou certains pieds-plats de cousins qui faisaient à jours entiers les passionnés auprès de leurs cousines et qui me déplaisaient grandement : on ne pouvait les tenir seules un moment ; ces animaux survenaient perpétuellement, dérangeaient un rendez-vous et se fourraient à tout propos dans la conversation. Malgré ces obstacles, j'amenai cinq ou six de ces bégueules au point où je les voulais avant que de les planter Les Bijoux Indiscrets CHAPITRE XLVI.

SÉLIM A BANZA.

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