Les Bijoux Indiscrets mettent, interrompit Mirzoza ; et, s'imaginant que c'était
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
adieux fort tendres à Elvire, dont je reçus le diamant que vous voyez.
" Le bâtiment que nous montions était chargé de marchandises ; mais la femme du capitaine était la plus
précieuse à mon gré : elle avait à peine vingt ans ; son mari en était jaloux comme un tigre, et ce n'était pas
tout à fait sans raison.
Nous ne tardâmes pas à nous entendre tous : Dona Velina conçut tout d'un coup
qu'elle me plaisait, moi que je ne lui étais pas indifférent, et son époux qu'il nous gênait ; le marin résolut
aussitôt de ne pas désemparer que nous ne fussions au port de Lisbonne ; je lisais dans les yeux de sa chère
épouse combien elle enrageait des assiduités de son mari ; les miens lui déposaient les mêmes choses, et
l'époux nous comprenait à merveille.
Nous passâmes deux jours entiers dans une soif de plaisir
inconcevable ; et nous en serions morts à coup sûr, si le ciel ne s'en fût mêlé ; mais il aide toujours les âmes
en peine.
A peine avions-nous passé le détroit de Gibraltar, qu'il s'éleva une tempête furieuse.
Je ne
manquerais pas, madame, de faire siffler les vents à vos oreilles, et gronder la foudre sur votre tête,
d'enflammer le -ciel d'éclairs, de soulever les flots jusqu'aux nues, et de vous décrire la tempête la plus
effrayante que vous ayez jamais rencontrée dans aucun roman, si je ne vous faisais une histoire ; je vous
dirai seulement que le capitaine fut forcé, parles cris des matelots, de quitter sa chambre, et de s'exposer à un
danger par la crainte d'un autre : il sortit avec mon gouverneur, et je me précipitai sans hésiter entre les bras
de ma belle portugaise, oubliant tout à fait qu'il y eût une mer, des orages, des tempêtes ; que nous étions
portés sur un frêle vaisseau, et m'abandonnant sans réserve à l'élément perfide.
Notre course fut prompte ; et
vous jugez bien, madame, que, par le temps qu'il faisait, je vis bien du pays en peu d'heures : nous
relâchâmes à Cadix, où je laissai à la signora une promesse de la rejoindre à Lisbonne, s'il plaisait à mon
mentor, dont le dessein était d'aller droit à Madrid.
" Les Espagnoles sont plus étroitement resserrées et plus amoureuses que nos femmes : l'amour se traite là
par des espèces d'ambassadrices qui ont l'ordre d'examiner les étrangers, de leur faire des propositions, de les
conduire, de les ramener, et les dames se chargent du soin de les rendre heureux.
Je ne passai point par ce
cérémonial, grâce à la conjoncture.
Une grande révolution venait de placer sur le trône de ce royaume un
prince du sang de France ; son arrivée et son couronnement donnèrent lieu à des fêtes à la cour, où je parus
alors : je fus accosté dans un bal ; on me proposa un rendez-vous pour le lendemain ; je l'acceptai, et je me
rendis dans une petite maison, où je ne trouvai qu'un hommc masqué, le nez enveloppé dans un manteau, qui
me rendit un billet par lequel dona Oropeza remettait la partie au jour suivant, à pareille heure.
Je revins, et
l'on m'introduisit dans un appartement assez somptueusement meublé, et éclairé par des bougies : ma déesse
ne se fit point attendre ; elle entra sur mes pas, et se précipita dans mes bras sans dire mot, et sans quitter son
masque.
Était-elle laide ? était-elle jolie ? c'est ce que j'ignorais ; je m'aperçus seulement, sur le canapé où
elle m'entraîna, qu'elle était jeune, bien faite, et qu'elle aimait le plaisir : lorsqu'elle se crut satisfaite de mes
éloges, elle se démasqua, et me montra l'original du portrait que vous voyez dans cette tabatière.
"
Sélim ouvrit et présenta en même temps à la favorite une boite d'or d'un travail exquis, et enrichie de
pierreries.
" Le présent est galant ! dit Mangogul.
Ce que j'en estime le plus, ajouta la favorite, c'est le portrait.
Quels yeux ! quelle bouche ! quelle gorge !
mais tout cela n'est-il point flatté ?\24Si peu, madame, répondit Sélim, qu'Oropeza m'aurait peut-être fixé à
Madrid, si son époux, informé de notre commerce, ne l'eût troublé par ses menaces.
J'aimais Oropeza, mais
j'aimais encore mieux la vie ; ce n'était pas non plus l'avis du gouverneur, que je m'exposasse à être
poignardé du mari, pour jouir quelques mois de plus de la femme : j'écrivis donc à la belle Espagnole une
lettre d'adieux fort touchants que je tirai de quelque roman du pays, et je partis pour la France.
" Le monarque qui régnait alors en France était grand-père du roi d'Espagne, et sa cour passait avec raison
pour la plus magnifique, la plus polie et la plus galante de l'Europe : j'y parus comme un phénomène.
Les Bijoux Indiscrets
CHAPITRE XLIV.
HISTOIRE DES VOYAGES DE SÉLIM.
115.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- BIJOUX INDISCRETS (les), de Diderot
- BIJOUX INDISCRETS (Les) Denis Diderot - résumé de l'œuvre
- BIJOUX INDISCRETS (Les). Denis Diderot (résumé & analyse)
- Les Bijoux Indiscrets trouverez bon que je les suive.
- Les Bijoux Indiscrets réduite ici ?