Le Ventre de Paris Suresnes, etait si bas sur l'horizon, que leurs ombres colossales tachaient la blancheur du monument, tres-haut, plus haut que les statues enormes des groupes, de deux barres noires, pareilles a deux traits faits au fusain.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document


«
regarda la nef toute nue, haute et severe, entre les bas-cotes peints de couleurs vives; elle levait un peu le
menton, trouvant le maitre-autel trop simple, ne goutant pas cette grandeur froide de la pierre, preferant les
dorures et les bariolages des chapelles laterales.
Du cote de la rue du Jour, ces chapelles restaient grises,
eclairees par des fenetres poussiereuses; tandis que, du cote des Halles, le coucher du soleil allumait les
vitraux des verrieres, egayees de teintes tres-tendres, des verts et des jaunes surtout, si limpides, qu'ils lui
rappelaient les bouteilles de liqueur, devant la glace de monsieur Lebigre.
Elle revint de ce cote, qui semblait
comme attiedi par cette lumiere de braise, s'interessa un instant aux chasses, aux garnitures des autels, aux
peintures vues dans des reflets de prisme.
L'eglise etait vide, toute frissonnante du silence de ses voutes.
Quelques jupes de femmes faisaient des taches sombres dans l'effacement jaunatre des chaises; et, des
confessionnaux fermes, un chuchotement sortait.
Eu repassant devant la chapelle de sainte Agnes, elle vit que
la robe bleue etait toujours aux pieds de l'abbe Roustan.
Moi, j'aurais fini en dix secondes, si je voulais, pensa-t-elle avec l'orgueil de son honnetete.
Elle alla au fond.
Derriere le maitre-autel, dans l'ombre de la double rangee des piliers, la chapelle de la
Vierge est toute moite de silence et d'obscurite.
Les vitraux, tres-sombres, ne detachent que des robes de
saints, a larges pans rouges et violets, brulant comme des flammes d'amour mystique dans le recueillement,
l'adoration muette des tenebres.
C'est un coin de mystere, un enfoncement crepusculaire du paradis, ou
brillent les etoiles de deux cierges, ou quatre lustres a lampes de metal, tombant de la voute, a peine entrevus,
font songer aux grands encensoirs d'or que les anges balancent au coucher de Marie.
Entre les piliers, des
femmes sont toujours la, pamees sur des chaises retournees, abimees dans cette volupte noire.
Lisa, debout, regardait, tres-tranquillement.
Elle n'etait point nerveuse.
Elle trouvait qu'on avait tort de ne pas
allumer les lustres, que cela serait plus gai avec des lumieres.
Meme il y avait une indecence dans cette
ombre, un jour et un souffle d'alcove, qui lui semblaient peu convenables.
A cote d'elle, des cierges brulant
sur une herse lui chauffaient la figure, tandis qu'une vieille femme grattait avec un gros couteau la cire
tombee, figee en larmes pales.
Et, dans le frisson religieux de la chapelle, dans cette pamoison muette
d'amour, elle entendait tres-bien le roulement des fiacres qui debouchaient de la rue Montmartre, derriere les
saints rouges et violets des vitraux.
Au loin, les Halles grondaient, d'une voix continue.
Comme elle allait quitter la chapelle, elle vit entrer la cadette des Mehudin, Claire, la marchande de poissons
d'eau douce.
Elle fit allumer un cierge a la herse.
Puis, elle vint s'agenouiller derriere un pilier, les genoux
casses sur la pierre, si pale dans ses cheveux blonds mal attaches, qu'elle semblait une morte.
La, se croyant
cachee, elle agonisa, elle pleura a chaudes larmes, avec des ardeurs de prieres qui la pliaient comme sous un
grand vent, avec tout un emportement de femme qui se livre.
La belle charcutiere resta fort surprise, car les
Mehudin n'etaient guere devotes; Claire surtout parlait de la religion et des pretres, d'ordinaire, d'une facon a
faire dresser les cheveux sur la tete.
Qu'est-ce qu'il lui prend donc? se dit-elle en revenant de nouveau a la chapelle de Sainte-Agnes.
Elle aura
empoisonne quelque homme, cette gueuse.
L'abbe Roustan sortait enfin de son confessionnal.
C'etait un bel homme, d'une quarantaine d'annees, l'air
souriant et bon.
Quand il reconnut madame Quenu, il lui serra les mains, l'appela chere dame, l'emmena a
la sacristie, ou il ota son surplis, en lui disant qu'il allait etre tout a elle.
Ils revinrent, lui en soutane, tete nue,
elle se carrant dans son chale tapis, et ils se promenerent le long des chapelles laterales, du cote de la rue du
Jour.
Ils parlaient a voix basse.
Le soleil se mourait dans les vitraux, l'eglise devenait noire, les pas des
dernieres devotes avaient un frolement doux sur les dalles.
Cependant, Lisa expliqua ses scrupules a l'abbe Roustan.
Jamais il n'etait question entre eux de religion.
Elle
ne se confessait pas, elle le consultait simplement dans les cas difficiles, a titre d'homme discret et sage,
qu'elle preferait, disait-elle parfois, a ces hommes d'affaires louches qui sentent le bagne.
Lui, se montrait Le Ventre de Paris
V 114.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le Ventre de Paris Il haussa les epaules, comme pour dire que tout cela etait bien ennuyeux.
- VENTRE DE PARIS (Le) d'Émile Zola : Fiche de lecture
- Le Ventre de Paris de Zola (résumé)
- VENTRE DE PARIS (Le). (résumé & analyse de l’oeuvre)
- VENTRE DE PARIS (Le). d’Émile Zola (résumé & analyse de l’oeuvre)