Le temps et les passe-temps
Publié le 28/04/2011
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Les loisirs, qui nous permettent des activités conformes à nos goûts et à nos désirs, devraient normalement accélérer le cours du temps vécu. Si, comme il arrive pour tant de désœuvrés, ils agissent à la façon des fontaines pétrifiantes d'où tombent l'immobilité et l'ennui, c'est l'indice d'une profonde dénutrition de l'âme qui ne sait plus trouver en elle ou dans des aliments dignes d'elle des sources de vie et de plénitude. J'ai parlé de l'âme. Ce mot n'a pas bonne presse aujourd'hui à cause de son arrière-goût religieux, sinon clérical. Par contre le mot « animation « qui en dérive est furieusement à la mode. Pas de réunion, de croisière ou d'excursion qui n'ait son animateur. Comme si l'âme, privée des vraies nourritures qui la font s'épanouir, avait sans cesse besoin d'être chatouillée du dehors pour reprendre quelque goût à l'existence ! Je lis, dans un dépliant publicitaire d'un grand hôtel multiétoilé, que les jeux et les danses y sont organisés par un « maître de plaisir «. Va-t-il donc falloir retourner à l'école pour y apprendre l'art de jouir de la vie comme nous épelions jadis l'alphabet ? Et qu'est-ce qu'un plaisir organisé ? Ce qui est vivant, organique, s'organise de soi-même et n'a pas besoin d'être programmé de l'extérieur. Ce que le travail professionnel a de plus contraignant — l'esclavage horaire, l'absence de fantaisie, la dépendance d'autrui, etc. — allons-nous le retrouver dans le loisir ? (...)
La « chasse au gaspi « est devenue le slogan de la nouvelle société. Le pire des gaspillages, ce n'est pas celui de l'énergie, mais du temps. Gaspillage par l'ennui et par les passe-temps dérisoires auxquels on a recours pour y échapper momentanément. Car ces passe-temps bouchent sans le combler le vide intérieur, et l'acide de l'ennui a tôt fait de les dissoudre, ce qui exige le renouvellement incessant de ces remèdes symptomatiques qui pallient un instant le mal dans ses effets et ne touchent pas à ses causes... Le loisir devrait nous permettre de retrouver, dans notre vie intérieure, quelque chose d'analogue à ce que les sportifs appellent le « second souffle «. Un souffle plus libre, car la contrainte du travail n'existe plus, et plus ample, car l'éventail de choix se déplie dans tous les sens. Mais à condition de mobiliser et d'entretenir nos meilleures facultés : l'attention et l'intérêt aux êtres et aux choses, et la soif de connaître, le bonheur d'aimer et de se donner à ce qu'on aime, la contemplation de la beauté — tout ce qui emplit et fait déborder l'âme. Alors, on n'a plus besoin de passe-temps : le temps passe tout seul et ne passe que trop vite... Gustave Thibon, Le Figaro, 2 janvier 1980. Questions : 1. Vous ferez un résumé du texte en une dizaine de lignes. 2. Expliquez : — l'indice, — passe-temps dérisoires, — le vide intérieur. 3. Gustave Thibon dénonce « ces passe-temps [qui] bouchent sans le combler le vide intérieur... à ses causes «, vous exprimerez les réflexions que vous inspire cette opinion et la manière dont vous concevez les passe-temps pour des loisirs agréables et bénéfiques.
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