LE SENS DE LA VIE (extraits)
Publié le 26/06/2012
Extrait du document
Sentiment d'infériorité, tendance à la compensation et sentiment social sont les piliers de notre recherche psychologique... La solution des problèmes de la vie exige un certain degré de sentiment social, une aptitude à la fréquentation des autres personnes et à la coopération avec elles.
Si cette aptitude manque, on pourra constater un sentiment accentué d'infériorité, avec toutes ses variantes et toutes ses conséquences, généralement sous l'apparence d'une attitude hésitante et évasive, ensemble que j'ai désigné sous le terme de « complexe d'infériorité «. La tendance infatigable à la supériorité essaie de cacher ce complexe par un « complexe de supériorité « qui, toujours en dehors du sentiment social, vise à l'apparence d'une supériorité personnelle.
Si l'on voit clair dans toutes les manifestations qui apparaissent en cas d'insuccès, il faut en rechercher les causes dans une préparation imparfaite datant de la première enfance... (p. 30).
La tâche qui s'impose à l'éducateur, à l'instituteur, au médecin, au conseiller psychologique est la suivante : augmenter le sentiment social et, par là, renforcer le courage de l'individu par la compréhension des véritables causes de son insuccès, par la mise au jour de l'opinion inexacte, du sens erroné de la vie que l'individu avait substitué au véritable, et pour le rapprocher du sens que la vie a imposé aux êtres humains... (p. 31).
Chacun porte en soi une « opinion « sur lui-même et sur les problèmes de la vie, une ligne de vie et une loi dynamique, qui le régit sans qu'il le comprenne, sans qu'il puisse s'en rendre compte. Cette loi dynamique naît dans le cadre étroit de l'enfance et se développe suivant un choix à peine déterminé, en utilisant librement les forces innées et les impressions du monde extérieur, sans qu'on puisse l'exprimer ou la définir par une formule mathématique.
Voici quelques exemples schématiques qui doivent illustrer ces faits.
Un enfant, qui souffre depuis sa naissance de difficultés gastro-intestinales, donc d'une infériorité innée du tractus digestif et qui ne reçoit pas la nourriture absolument convenable (ce qui n'arrive à peu près jamais d'une façon idéale), sera amené facilement à un intérêt particulier à l'égard de la nourriture et de tout ce qui a trait à cette question. Son opinion de lui-même et de la vie est, par ce fait, davantage liée à l'intérêt pour l'alimentation ; plus tard, grâce à la compréhension des rapports qui les relient, dirigée sur l'argent.
Un enfant, libéré de tout effort par sa mère depuis le début de son existence, donc un enfant gâté, sera plus tard rarement disposé à tenir ses affaires en ordre. Il vivra dans l'opinion que tout doit être effectué par les autres.
Un enfant à qui on donne tôt la possibilité d'imposer sa volonté aux parents laissera deviner l'opinion qu'il voudra toujours dominer les autres dans la vie ; ce qui, à la suite d'expériences décevantes dans le monde environnant, finit par montrer chez l'enfant une « attitude hésitante « à l'égard de son entourage ; l'enfant se retire dans la famille avec tous ses désirs, y compris les désirs sexuels, sans effectuer la correction nécessaire dans le sens du sentiment social. La fille d'un père qui néglige sa famille développera facilement l'opinion que tous les hommes sont de la même sorte, surtout s'il s'y ajoute des expériences semblables avec un frère, des parents proches, des voisins ou des impressions suggérées par des lectures, d'autant plus qu'après peu de temps d'autres expériences n'auront plus de poids en face de cette opinion préconçue (p. 22).
L'opinion erronée d'un être humain sur lui-même et les problèmes de la vie se heurte tôt ou tard à l'opposition inexorable de la réalité, qui exige des solutions dans le sens du sentiment social. Ce qui se passe à l'occasion de ce heurt peut être comparé à un effet de choc. L'opinion du fautif, dont le style de vie ne résiste pas à l'exigence du facteur exogène, ne l'amènera pourtant pas à en rechercher une modification. La recherche de la supériorité personnelle continue son chemin. Par la suite, il persiste une limitation plus ou moins importante à un petit champ d'action, l'exclusion du devoir lié à la possibilité d'une défaite du style de vie, la retraite devant le problème dont la solution réclamait une meilleure préparation de sa loi dynamique. L'effet de choc se manifeste dans le domaine psychique et somatique. Il produit toutes sortes d'échecs dans la vie en obligeant l'individu soit à rechercher l'isolement, comme dans la névrose soit à se laisser glisser avec l'activité encore existante, qui ne signifie nullement courage, dans la voie de l'action antisociale (p. 24).
Payot, 1950, trad. Dr H. Schaffer.
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