Devoir de Philosophie

LE SECRET DE BOILEAU

Publié le 28/04/2011

Extrait du document

boileau

   Cette page, capitale pour comprendre Boileau, est extraite de l'Epitre IX, à Colbert de Seignelay. Boileau y expose le principe fondamental qui a guidé toute sa vie et servi de règle à toute sa critique.    Un cœur noble est content de ce qu'il trouve en lui, Et ne s'applaudit pas des qualités d'autrui. Que me sert, en effet, qu'un admirateur fade Vante mon embonpoint, si je me sens malade ? Si, dans cet instant même, un feu  séditieux 5    Fait bouillonner mon sang et pétiller mes yeux ? Rien n'est beau que le vrai le vrai seul est aimable. Il doit régner partout, et même dans la fable . De toute fiction l'adroite fausseté    Ne tend qu'à faire aux yeux briller la vérité. 10    Sais-tu pourquoi mes vers sont lus dans les provinces, Sont recherchés du peuple et reçus chez les princes ? Ce n'est pas que leurs sons, agréables, nombreux , Soient toujours à l'oreille également heureux ; Qu'en plus d'un lieu le sens n'y gêne la mesure , 15 Et qu'un mot quelquefois n'y brave la césure. Mais c'est qu'en eux le vrai, du mensonge vainqueur, Partout se montre aux yeux et va saisir le cœur  ; Que le bien et le mal y sont prisés au juste ; Que jamais un faquin  n'y tint un rang auguste, 20 Et que mon cœur, toujours conduisant mon esprit, Ne dit rien aux lecteurs qu'à soi-même il n'ai dit. Ma pensée au grand jour partout s'offre et s'expose Et mon vers, bien ou mal, dit toujours quelque chose. ... Mais peut-être, enivré des vapeurs de ma Muse, 25 Moi-même, en ma faveur, Seignelay, je m'abuse. Cessons de nous flatter : il n'est esprit si droit Qui ne soit imposteur et faux par quelque endroit. Sans cesse on prend le masque, et, quittant la nature , On craint de se montrer sous sa propre figure. 30    Par là, le plus sincère assez souvent déplaît. Rarement un esprit ose être ce qu'il est. Vois-tu cet importun que tout le monde évite, Cet homme à toujours fuir, qui jamais ne vous quitte ?  Il n'est pas sans esprit ; mais, né triste et pesant, 35    Il vent être folâtre, évaporé, plaisant ;    Il s'est fait de sa joie une loi nécessaire    Et ne déplaît enfin que pour vouloir trop plaire *.    La simplicité plaît sans étude et sans art.    Tout charme en un enfant, dont la langue sans fard, 40    A peine du filet * encor débarrassée,    Sait d'un air innocent bégayer sa pensée,    Le faux est toujours fade, ennuyeux, languissant,    Mais la nature * est vraie, et d'abord on la sent.    C'est elle seule en tout qu'on admire et qu'on aime. 45    Un esprit né chagrin plaît par son chagrin même.    Chacun pris dans son air est agréable en soi ;    Ce n'est que l'air d'autrui qui peut déplaire en moi.    Boileau.   

Liens utiles