Le Rouge et Le Noir Le voir, le tirer par sa grande jaquette, le faire tomber de son siège et l'accabler de coups de cravache ne fut que l'affaire d'un instant.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
scabreuses.
Il ne leur manque absolument que le raisonnement sur la chose politique, et ce manque-là est plus
que compensé par la grâce de leur ton et la parfaite justesse de leurs expressions.
"Julien se sentait une vive
inclination pour eux.
"Que je serais heureux de les voir souvent!"
A peine se fut-on quitté, que le chevalier de Beauvoisis courut aux informations .
elles ne furent pas
brillantes.
Il était fort curieux de connaître son homme; pouvait-il décemment lui faire une visite? Le peu de
renseignements qu'il put obtenir n'étaient pas d'une nature encourageante.
\24Tout cela est affreux! dit-il à son témoin.
Il est impossible que j'avoue m'être battu avec un simple secrétaire
de M.
de La Mole, et encore parce que mon cocher m'a volé mes cartes de visite.
\24Il est sûr qu'il y aurait dans tout cela possibilité de ridicule.
Le soir même, le chevalier de Beauvoisis et son ami dirent partout que ce M.
Sorel, d'ailleurs un jeune homme
parfait, était fils naturel d'un ami intime du marquis de La Mole.
Ce fait passa sans difficulté.
Une fois qu'il fut
établi, le jeune diplomate et son ami daignèrent faire quelques visites à Julien, pendant les quinze jours qu'il
passa dans sa chambre.
Julien leur avoua qu'il n'était allé qu'une fois en sa vie à l'Opéra.
\24Cela est épouvantable, lui dit-on, on ne va que là; il faut que votre première sortie soit pour le Comte Ory.
A l'Opéra, le chevalier de Beauvoisis le présenta au fameux chanteur Geronimo, qui avait alors un immense
succès.
Julien faisait presque la cour au chevalier; ce mélange de respect pour soi-même, d'importance mystérieuse et
de fatuité de jeune homme l'enchantait.
Par exemple le chevalier bégayait un peu, parce qu'il avait l'honneur
de voir souvent un grand seigneur qui avait ce défaut.
Jamais Julien n'avait trouvé réunis dans un seul être le
ridicule qui amuse et la perfection des manières qu'un pauvre provincial doit chercher à imiter.
On le voyait à l'Opéra avec le chevalier de Beauvoisis; cette liaison fit prononcer son nom.
\24Eh bien! lui dit un jour M.
de La Mole, vous voilà donc le fils naturel d'un riche gentilhomme de
Franche-Comté, mon ami intime?
Le marquis coupa la parole à Julien, qui voulait protester qu'il n'avait contribué en aucune façon à accréditer
ce bruit.
\24M.
de Beauvoisis n'a pas voulu s'être battu contre le fils d'un charpentier.
\24Je le sais, je le sais, dit M.
de La Mole; c'est à moi maintenant de donner de la consistance à ce récit, qui me
convient.
Mais j'ai une grâce à vous demander, et qui ne vous coûtera qu'une petite demi-heure de votre
temps: tous les jours d'Opéra, à onze heures et demie, allez assister dans le vestibule à la sortie du beau
monde.
Je vous vois encore quelquefois des façons de province, il faudrait vous en défaire, d'ailleurs il n'est
pas mal de connaître, au moins de vue, de grands personnages auprès desquels je puis un jour vous donner
quelque mission.
Passez au bureau de location pour vous faire reconnaître; on vous a donné les entrées.
CHAPITRE VII.
UNE ATTAQUE DE GOUTTE
Et j'eus de l'avancement, non pour mon mérite, mais parce que mon maître avait la goutte.
Le Rouge et Le Noir
CHAPITRE VII.
UNE ATTAQUE DE GOUTTE 155.
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