Le nabab, tome II XXIII.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
une certaine façon insolente de me dire: «Ne faites pas de phrases,» d'autant plus blessante à entendre, à mon
âge, avec ma réputation de beau diseur, que nous n'étions pas seuls dans son cabinet.
Un greffier assis prés de
moi écrivait ma déposition, et derrière, j'entendais le bruit de gros feuillets qu'on retournait.
Le juge m'adressa
toutes sortes de questions sur le Nabab, l'époque à laquelle il avait fait ses versements, l'endroit où nous
tenions nos livres, et tout à coup, s'adressant à la personne que je ne voyais pas:
«Montrez-nous le livre de caisse, monsieur l'expert.»
Un petit homme en cravate blanche apporta le grand registre sur la table.
C'était M.
Joyeuse, l'ancien caissier
d'Hemerlingue et fils.
Mais je n'eus pas le temps de lui présenter mon hommage.
«Qui a fait ça? me demanda le juge en ouvrant le grand-livre à l'endroit d'une page arrachée...
Ne mentez pas,
voyons.»
Je ne mentais pas, je n'en savais rien, ne m'occupant jamais des écritures.
Pourtant je crus devoir signaler M.
de Géry, le secrétaire du Nabab, qui venait souvent le soir dans nos bureaux et s'enfermait tout seul pendant
des heures à la comptabilité.
Là-dessus, le petit père Joyeuse s'est fâché tout rouge:
«On vous dit là une absurdité, monsieur le juge d'instruction...
M.
de Géry est le jeune homme dont je vous ai
parlé...
Il venait à la Territoriale en simple surveillant et portait trop d'intérêt à ce pauvre M.
Jansoulet pour
faire disparaître les reçus de ses versements, la preuve de son aveugle, mais parfaite honnêteté...
Du reste, M.
de Géry, longtemps retenu à Tunis, est en route pour revenir, et pourra fournir, avant peu, toutes les
explications nécessaires.»
Je sentis que mon zèle allait me compromettre.
«Prenez garde, Passajon, me dit le juge très sévèrement...
Vous n'êtes ici que comme témoin; mais si vous
essayez d'égarer l'instruction, vous pourriez bien y revenir en prévenu...
(Il avait vraiment l'air de le désirer, ce
monstre d'homme!...) Allons, cherchez, qui a déchiré cette page?»
Alors, je me rappelai fort à propos que, quelques jours avant de quitter Paris, notre gouverneur m'avait fait
apporter les livres à son domicile, où ils étaient restés jusqu'au lendemain.
Le greffier prit note de ma
déclaration, après quoi le juge me congédia d'un signe, en m'avertissant d'avoir à me tenir à sa disposition.
Puis, sur la porte, il me rappela:
«Tenez, monsieur Passajon, remportez ceci.
Je n'en ai plus besoin.»
Il me tendait les papiers qu'il consultait, tout en m'interrogeant; et qu'on juge de ma confusion, quand j'aperçus
sur la couverture le mot «Mémoires» écrit de ma plus belle ronde.
Je venais de fournir moi-même des armes à
la justice, des renseignements précieux que la précipitation de notre catastrophe m'avait empêché de soustraire
à la rafle policière exécutée dans nos bureaux.
Mon premier mouvement, en rentrant chez nous, fut de mettre en morceaux ces indiscrètes paperasses; puis,
réflexion faite, après m'être assuré qu'il n'y avait dans ces Mémoires rien de compromettant pour moi, au lieu
de les détruire, je me suis décidé à les continuer, avec la certitude d'en tirer parti un jour ou l'autre.
Il ne
manque pas à Paris de faiseurs de romans sans imagination, qui ne savent mettre que des histoires vraies dans
leurs livres, et qui ne seront pas fâchés de m'acheter un petit cahier de renseignements.
Ce sera ma façon de
me venger de cette société de haute flibuste où je me suis trouvé mêlé pour ma honte et pour mon malheur.
Du reste, il faut bien que j'occupe mes loisirs.
Rien à faire au bureau, complètement désert depuis les
investigations de la justice, que d'empiler des assignations de toutes couleurs.
J'ai repris les écritures de la Le nabab, tome II
XXIII.
MÉMOIRES D'UN GARÇON DE BUREAU.DERNIERS FEUILLETS 94.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le nabab, tome II bey, lui, croyant qu'on avait voulu le mystifier, de le conduire ainsi devant le mercanti détesté, regarda l'inspecteur avec méfiance: «Jansoulet?
- Le nabab, tome II Joli monde vraiment pour une manifestation pareille!
- Le nabab, tome II place volée, dans quel enfer!
- Le nabab, tome II Il y eut un instant de silence.
- Le nabab, tome II villas, les hôtels semblaient morts, tous leurs stores et leurs jalousies étendus.