Le mythe de Sisyphe.
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
Tout l'artdeKafka estd'obliger lelecteur àrelire.
Sesdénouements, ouses absences dedénouement,
suggèrent desexplications, maisquinesont pasrévélées enclair etqui exigent, pourapparaître fondées,
que l'histoire soitrelue sousunnouvel angle.Quelquefois, ilyaune double possibilité d'interprétation,
d'où apparaît lanécessité dedeux lectures.
C'estceque cherchait l'auteur.Maisonaurait tortdevouloir
tout interpréter dansledétail chezKafka.
Unsymbole esttoujours danslegénéral et,siprécise quesoit
sa traduction, unartiste nepeut yrestituer quelemouvement : iln'y apas demot àmot.
Aureste, rien
n'est plusdifficile àentendre, qu'uneœuvresymbolique.
Unsymbole dépassetoujours celuiquienuse et
lui fait dire enréalité plusqu'il n'aconscience d'exprimer.
Acet égard, leplus sûrmoyen des'en saisir,
c'est denepas leprovoquer, d'entamerl'œuvreavecunesprit nonconcerté etde nepas chercher ses
courants secrets.PourKafka, enparticulier, ilest honnête deconsentir àson jeu, d'aborder ledrame par
l'apparence etleroman parlaforme.
À première vue,etpour unlecteur détaché, cesont desaventures inquiétantes quienlèvent des
personnages tremblantsetentêtés àla poursuite deproblèmes qu'ilsneformulent jamais.Dans Le
Procès, Joseph
K...est accusé.
Maisilne sait pasdequoi.
Iltient sansdoute àse défendre, maisilignore
pourquoi.
Lesavocats trouvent sacause difficile.
Entre-temps, ilne néglige pas,d'aimer, desenourrir ou
de lire sonjournal.
Puisilest jugé.
Maislasalle dutribunal esttrès sombre.
Ilne comprend pasgrand-
chose.
Ilsuppose seulement qu'ilestcondamné, maisàquoi, ilse ledemande àpeine.
Ilen doute
quelquefois aussibienetilcontinue àvivre.
Longtemps après,deuxmessieurs bienhabillés etpolis
viennent letrouver etl'invitent àles suivre.
Aveclaplus grande courtoisie, ilslemènent dansunebanlieue
désespérée, luimettent latête surune pierre etl'égorgent.
Avantdemourir, lecondamné ditseulement :
« comme unchien ».
On voit qu'il estdifficile deparler desymbole, dansunrécit oùlaqualité laplus sensible setrouve
être justement lenaturel.
Maislenaturel estune catégorie difficileàcomprendre.
Ilyades œuvres où
l'événement semblenaturel aulecteur.
Maisilen est d'autres (plusrares, ilest vrai) oùc'est le
personnage quitrouve naturel cequi luiarrive.
Parunparadoxe singuliermaisévident, pluslesaventures
du personnage serontextraordinaires, etplus lenaturel durécit sefera sensible : ilest proportionnel à
l'écart qu'onpeutsentir entrel'étrangeté d'unevied'homme etlasimplicité avecquoicethomme
l'accepte.
Ilsemble quecenaturel soitcelui deKafka.
Etjustement, onsent bienceque Le
Procès veut
dire.
Onaparlé d'une image delacondition humaine.Sansdoute.
Maisc'est àla lois plus simple etplus
compliqué.
Jeveux direquelesens duroman estplus particulier etplus personnel àKafka.
Dansune
certaine mesure,c'estluiqui parle, sic'est nousqu'ilconfesse.
Ilvit etilest condamné.
Ill'apprend aux
premières pagesduroman qu'ilpoursuit encemonde ets'il essaie d'yremédier, c'esttoutefois sans
surprise.
Ilne s'étonnera jamaisassezdecemanque d'étonnement.
C'estàces contradictions qu'on
reconnaît lespremiers signesdel'œuvre absurde.
L'espritprojette dansleconcret satragédie.
»
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