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      Le mythe de Sisyphe.

Publié le 04/11/2013

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sisyphe
      Le mythe de Sisyphe. Essai sur l'absurde. (1942)   La création absurde   LA CRÉATION SANS LENDEMAIN           Retour à la table des matières J'aperçois donc ici que l'espoir ne peut être éludé pour toujours et qu'il peut assaillir ceux-là mêmes ui s'en voulaient délivrés. C'est l'intérêt que je trouve aux oeuvres dont il a été question jusqu'ici. Je ourrais, au moins dans l'ordre de la création, dénombrer quelques oeuvres vraiment absurdes  [24] . Mais il faut un commencement à tout. L'objet de cette recherche, c'est une certaine fidélité. L'Eglise 'a été si dure pour les hérétiques que parce qu'elle estimait qu'il n'est pas de pire ennemi qu'un enfant garé. Mais l'histoire des audaces gnostiques et la persistance des courants manichéens a plus fait, pour a construction du dogme orthodoxe, que toutes les prières. Toutes proportions gardées, il en est de même our l'absurde. On reconnaît sa voie en découvrant les chemins qui s'en éloignent. Au terme même du aisonnement absurde, dans l'une des attitudes dictées par sa logique, il n'est pas indifférent de etrouver l'espoir introduit encore sous l'un de ses visages les plus pathétiques. Cela montre la difficulté e l'ascèse absurde. Cela montre surtout la nécessité d'une conscience maintenue sans cesse et rejoint le adre général de cet essai. Mais s'il n'est pas encore question de dénombrer les oeuvres absurdes, on peut conclure au moins sur l'attitude créatrice, l'une de celles qui peuvent compléter l'existence absurde. L'art ne peut être si bien servi que par une pensée négative. Ses démarches obscures et humiliées sont aussi nécessaires à l'intelligence d'une grande oeuvre que le noir l'est au blanc. Travailler et créer « pour rien «, sculpter dans l'argile, savoir que sa création n'a pas d'avenir, voir son oeuvre détruite en un jour en étant conscient que, profondément, cela n'a pas plus d'importance que de bâtir pour des siècles, c'est la sagesse difficile que la pensée absurde autorise. Mener de front ces deux tâches, nier d'un côté et exalter de l'autre, c'est la voie qui s'ouvre au créateur absurde. Il doit donner au vide ses couleurs. Ceci mène à une conception particulière de l'oeuvre d'art. On considère trop souvent l'oeuvre d'un créateur comme une suite de témoignages isolés. On confond alors artiste et littérateur. Une pensée profonde est en continuel devenir, épouse l'expérience d'une vie et s'y façonne. De même, la création unique d'un homme se fortifie dans ses visages successifs et multiples que sont les oeuvres. Les unes complètent les autres, les corrigent ou les rattrapent, les contredisent aussi. Si quelque chose termine la création, ce n'est pas le cri victorieux et illusoire de l'artiste aveuglé : « J'ai tout dit «, mais la mort du créateur qui ferme son expérience et le livre de son génie. Cet effort, cette conscience surhumaine n'apparaissent pas forcément au lecteur. Il n'y a pas de mystère dans la création humaine. La volonté fait ce miracle. Mais du moins, il n'est pas de vraie création sans secret. Sans doute une suite d'oeuvres peut n'être qu'une série d'approximations de la même pensée. Mais on peut concevoir une autre espèce de créateurs qui procéderaient par juxtaposition. Leurs oeuvres peuvent sembler sans rapports entre elles. Dans une certaine mesure, elles sont contradictoires. Mais replacées dans leur ensemble, elles recouvrent leur ordonnance. C'est de la mort ainsi qu'elles reçoivent eur sens définitif. Elles acceptent le plus clair de leur lumière de la vie même de leur auteur. À ce moment, la suite de ses oeuvres n'est qu'une collection d'échecs. Mais si ces échecs gardent tous la même résonance, le créateur a su répéter l'image de sa propre condition, faire retentir le secret stérile dont il est détenteur. L'effort de domination est ici considérable. Mais l'intelligence humaine peut suffire à bien plus. Elle démontrera seulement l'aspect volontaire de la création. J'ai fait ressortir ailleurs que la volonté humaine n'avait d'autre fin que de maintenir la conscience. Mais cela ne saurait aller sans discipline. De toutes les écoles de la patience et de la lucidité, la création est la plus efficace. Elle est aussi le bouleversant témoignage de la seule dignité de l'homme : la révolte tenace contre sa condition, la persévérance dans un effort tenu pour stérile. Elle demande un effort quotidien, la maîtrise de soi, l'appréciation exacte des limites du vrai, la mesure et la force. Elle constitue une ascèse. Tout cela « pour rien «, pour répéter et piétiner. Mais peut-être la grande oeuvre d'art a moins d'importance en elle-même que dans l'épreuve qu'elle exige d'un homme et l'occasion qu'elle lui fournit de surmonter ses fantômes et d'approcher d'un peu plus près sa réalité nue. * Qu'on ne se trompe pas d'esthétique. Ce n'est pas l'information patiente, l'incessante et stérile illustration d'une thèse que j'invoque ici. Au contraire, si je me suis expliqué clairement. Le roman à thèse, l'oeuvre qui prouve, la plus haïssable de toutes, est celle qui le plus souvent s'inspire d'une pensée satisfaite. La vérité qu'on croit détenir, on la démontre. Mais ce sont là des idées qu'on met en marche, t les idées sont le contraire de la pensée. Ces créateurs sont des philosophes honteux. Ceux dont je parle ou que j'imagine sont au contraire des penseurs lucides. À un certain point où la pensée revient sur ellemême, ils dressent les images de leurs oeuvres comme les symboles évidents d'une pensée limitée, mortelle et révoltée. Elles prouvent peut-être quelque chose. Mais ces preuves, les romanciers se les donnent plus qu'ils ne les fournissent. L'essentiel est qu'ils triomphent dans le concret et que ce soit leur grandeur. Ce triomphe out charnel leur a été préparé par une pensée où les pouvoirs abstraits ont été humiliés. Quand ils le sont out à fait, la chair du même coup fait resplendir la création de tout son éclat absurde. Ce sont les hilosophies ironiques qui font les oeuvres passionnées. Toute pensée qui renonce à l'unité exalte la diversité. Et la diversité est le lieu de l'art. La seule ensée qui libère l'esprit est celle qui le laisse seul, certain de ses limites et de sa fin prochaine. Aucune octrine ne le sollicite. Il attend le mûrissement de l'oeuvre et de la vie. Détachée de lui, la première fera ntendre une fois de plus la voix à peine assourdie d'une âme pour toujours délivrée de l'espoir. Ou elle ne era rien entendre, si le créateur lassé de son jeu, prétend se détourner. Cela est équivalent. * Ainsi je demande à la création absurde ce que j'exigeais de la pensée, la révolte, la liberté et la iversité. Elle manifestera ensuite sa profonde inutilité. Dans cet effort quotidien où l'intelligence et la assion se mêlent et se transportent, l'homme absurde découvre une discipline qui fera l'essentiel de ses orces. L'application qu'il y faut, l'entêtement et la clairvoyance rejoignent ainsi l'attitude conquérante. réer, c'est ainsi donner une forme à son destin. Pour tous ces personnages, leur oeuvre les définit au oins autant qu'elle en est définie. Le comédien nous l'a appris : il n'y a pas de frontière entre le paraître t l'être.
sisyphe

« mystère danslacréation humaine.

Lavolonté faitcemiracle.

Maisdumoins, iln'est pasdevraie création sans secret.

Sansdoute unesuite d'œuvres peutn'être qu'une séried'approximations delamême pensée. Mais onpeut concevoir uneautre espèce decréateurs quiprocéderaient parjuxtaposition.

Leursœuvres peuvent sembler sansrapports entreelles.Dansunecertaine mesure,ellessontcontradictoires.

Mais replacées dansleurensemble, ellesrecouvrent leurordonnance.

C'estdelamort ainsiqu'elles reçoivent leur sens définitif.

Ellesacceptent leplus clair deleur lumière delavie même deleur auteur.

Àce moment, lasuite deses œuvres n'estqu'une collection d'échecs.Maissices échecs gardent touslamême résonance, lecréateur asu répéter l'imagedesapropre condition, faireretentir lesecret stérile dontil est détenteur. L'effort dedomination esticiconsidérable.

Maisl'intelligence humainepeutsuffire àbien plus.

Elle démontrera seulementl'aspectvolontaire delacréation.

J'aifaitressortir ailleursquelavolonté humaine n'avait d'autre finque demaintenir laconscience.

Maiscelanesaurait allersansdiscipline.

Detoutes les écoles delapatience etde lalucidité, lacréation estlaplus efficace.

Elleestaussi lebouleversant témoignage delaseule dignité del'homme : larévolte tenacecontresacondition, lapersévérance dansun effort tenupourstérile.

Elledemande uneffort quotidien, lamaîtrise desoi, l'appréciation exactedes limites duvrai, lamesure etlaforce.

Elleconstitue uneascèse.

Toutcela« pour rien », pourrépéter et piétiner.

Maispeut-être lagrande œuvred'artamoins d'importance enelle-même quedans l'épreuve qu'elle exiged'unhomme etl'occasion qu'elleluifournit desurmonter sesfantômes etd'approcher d'un peu plus près saréalité nue. * Qu'on nesetrompe pasd'esthétique.

Cen'est pasl'information patiente,l'incessante etstérile illustration d'unethèse quej'invoque ici.Aucontraire, sije me suis expliqué clairement.

Leroman àthèse, l'œuvre quiprouve, laplus haïssable detoutes, estcelle quileplus souvent s'inspire d'unepensée satisfaite . La vérité qu'oncroitdétenir, onladémontre.

Maiscesont làdes idées qu'on metenmarche, et les idées sontlecontraire delapensée.

Cescréateurs sontdesphilosophes honteux.Ceuxdontjeparle ou que j'imagine sontaucontraire despenseurs lucides.Àun certain pointoùlapensée revient surelle- même, ilsdressent lesimages deleurs œuvres commelessymboles évidentsd'unepensée limitée, mortelle et révoltée. Elles prouvent peut-être quelquechose.Maiscespreuves, lesromanciers seles donnent plusqu'ils ne les fournissent.

L'essentielestqu'ils triomphent dansleconcret etque cesoit leur grandeur.

Cetriomphe tout charnel leuraété préparé parune pensée oùles pouvoirs abstraits ontété humiliés.

Quandilslesont tout àfait, lachair dumême coupfaitresplendir lacréation detout sonéclat absurde.

Cesont les philosophies ironiquesquifont lesœuvres passionnées. Toute pensée quirenonce àl'unité exalteladiversité.

Etladiversité estlelieu del'art.

Laseule pensée quilibère l'esprit estcelle quilelaisse seul,certain deses limites etde safin prochaine.

Aucune doctrine nelesollicite.

Ilattend lemûrissement del'œuvre etde lavie.

Détachée delui, lapremière fera entendre unefois deplus lavoix àpeine assourdie d'uneâmepour toujours délivréedel'espoir.

Ouelle ne fera rienentendre, sile créateur lassédeson jeu, prétend sedétourner.

Celaestéquivalent. * Ainsi jedemande àla création absurdeceque j'exigeais delapensée, larévolte, laliberté etla diversité.

Ellemanifestera ensuitesaprofonde inutilité.Dansceteffort quotidien oùl'intelligence etla passion semêlent etse transportent, l'hommeabsurdedécouvre unediscipline quifera l'essentiel deses forces.

L'application qu'ilyfaut, l'entêtement etlaclairvoyance rejoignentainsil'attitude conquérante. Créer, c'estainsidonner uneforme àson destin.

Pourtouscespersonnages, leurœuvre lesdéfinit au moins autant qu'elle enest définie.

Lecomédien nousl'aappris : iln'y apas defrontière entreleparaître et l'être.. »

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