LE MONDE COMME IL VA de dissimulation que les mages, parce qu'ils n'avaient pas de si grands objets d'ambition.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
parce qu'ils n'avaient consulté que leurs livres.
Babouc conclut qu'il y avait souvent de très bonnes choses
dans les abus.
Il vit dès le jour même que les richesses des financiers, qui l'avaient tant révolté, pouvaient
produire un effet excellent; car, l'empereur ayant eu besoin d'argent, il trouva en une heure, par leur moyen,
ce qu'il n'aurait pas eu en six mois par les voies ordinaires; il vit que ces gros nuages, enflés de la rosée de la
terre, lui rendaient en pluie ce qu'ils en recevaient.
D'ailleurs les enfants de ces hommes nouveaux, souvent
mieux élevés que ceux des familles plus anciennes, valaient quelquefois beaucoup mieux; car rien n'empêche
qu'on ne soit un bon juge, un brave guerrier, un homme d'Etat habile, quand on a eu un père bon calculateur.
Insensiblement Babouc faisait grâce à l'avidité du financier, qui n'est pas au fond plus avide que les autres
hommes, et qui est nécessaire.
Il excusait la folie de se ruiner pour juger et pour se battre, folie qui produit de
grands magistrats et des héros.
Il pardonnait à l'envie des lettrés, parmi lesquels il se trouvait des hommes qui
éclairaient le monde; il se réconciliait avec les mages ambitieux et intrigants, chez lesquels il y avait plus de
grandes vertus encore que de petits vices; mais il lui restait bien des griefs, et surtout les galanteries des
dames, et les désolations qui en devaient être la suite, le remplissaient d'inquiétude et d'effroi.
Comme il
voulait pénétrer dans toutes les conditions humaines, il se fit mener chez un ministre; mais il tremblait
toujours en chemin que quelque femme ne fût assassinée en sa présence par son mari.
Arrivé chez l'homme
d'Etat, il resta deux heures dans l'antichambre sans être annoncé, et deux heures encore après l'avoir été.
Il se
promettait bien, dans cet intervalle, de recommander à l'ange Ituriel et le ministre et ses insolents huissiers.
L'antichambre était remplie de dames de tout étage, de mages de toutes couleurs, de juges, de marchands,
d'officiers, de pédants; tous se plaignaient du ministre.
L'avare et l'usurier disaient : "Sans doute cet
homme-là pille les provinces"; le capricieux lui reprochait d'être bizarre; le voluptueux disait : "Il ne songe
qu'à ses plaisirs"; l'intrigant se flattait de le voir bientôt perdu par une cabale; les femmes espéraient qu'on
leur donnerait bientôt un ministre plus jeune.
Babouc entendait leurs discours; il ne put s'empêcher de dire :
"Voilà un homme bien heureux; il a tous ses ennemis dans son antichambre; il écrase de son pouvoir ceux qui
l'envient; il voit à ses pieds ceux qui le détestent." Il entra enfin : il vit un petit vieillard courbé sous le poids
des années et des affaires, mais encore vif et plein d'esprit.
Babouc lui plut, et il parut à Babouc un homme
estimable.
La conversation devint intéressante.
Le ministre lui avoua qu'il était un homme très malheureux;
qu'il passait pour riche, et qu'il était pauvre; qu'on le croyait tout-puissant, et qu'il était toujours contredit;
qu'il n'avait guère obligé que des ingrats, et que, dans un travail continuel de quarante années, il avait eu à
peine un moment de consolation.
Babouc en fut touché, et pensa que si cet homme avait fait des fautes, et si
l'ange Ituriel voulait le punir, il ne fallait pas l'exterminer, mais seulement lui laisser sa place.
Tandis qu'il parlait au ministre entra brusquement la belle dame chez qui Babouc avait dîné.
On voyait dans
ses yeux et sur son front les symptômes de la douleur et de la colère.
Elle éclata en reproches contre l'homme
d'Etat; elle versa des larmes; elle se plaignit avec amertume de ce qu'on avait refusé à son mari une place où
sa naissance lui permettait d'aspirer, et que ses services et ses blessures méritaient; elle s'exprima avec tant de
force, elle mit tant de grâces dans ses plaintes, elle détruisit les objections avec tant d'adresse, elle fit valoir
les raisons avec tant d'éloquence, qu'elle ne sortit point de la chambre sans avoir fait la fortune de son mari.
Babouc lui donna la main.
"Est-il possible, Madame, lui dit-il, que vous vous soyez donné toute cette peine
pour un homme que vous n'aimez point, et dont vous avez tout à craindre?\24 Un homme que je n'aime point?
s'écria-t-elle.
Sachez que mon mari est le meilleur ami que j'aie au monde, qu'il n'y a rien que je ne lui
sacrifie, hors mon amant, et qu'il ferait tout pour moi, hors de quitter sa maîtresse.
Je veux vous la faire
connaître; c'est une femme charmante, pleine d'esprit et du meilleur caractère du monde; nous soupons
ensemble ce soir avec mon mari et mon petit mage : venez partager notre joie." La dame mena Babouc chez
elle.
Le mari, qui était enfin arrivé plongé dans la douleur, revit sa femme avec des transports d'allégresse et
de reconnaissance; il embrassait tour à tour sa femme, sa maîtresse, le petit mage et Babouc.
L'union, la
gaieté, l'esprit et les grâces furent l'âme de ce repas.
"Apprenez, lui dit la belle dame chez laquelle il soupait,
que celles qu'on appelle quelquefois de malhonnêtes femmes ont presque toujours le mérite d'un très honnête
homme; et, pour vous en convaincre, venez demain dîner avec moi chez la belle Téone.
Il y a quelques
vieilles vestales qui la déchirent; mais elle fait plus de bien qu'elles toutes ensemble.
Elle ne commettrait pas
une légère injustice pour le plus grand intérêt; elle ne donne à son amant que des conseils généreux; elle n'est LE MONDE COMME IL VA
LE MONDE COMME IL VA 6.
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