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Le Meschacebé (1801). Chateaubriand

Publié le 14/06/2011

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chateaubriand

Le Prologue d'Atala contient une description dans laquelle Chateaubriand semble avoir réuni et combiné de nombreuses notes de son Voyage en Amérique. On remarquera dans cette description l'accumulation des détails pittoresques, la juxtaposition des taches de couleur, le souci de placer les plantes et les animaux là où ils doivent produire leur effet. Si belle que soif cette page, elle sent trop l'artifice, et Chateaubriand y laisse paraître les défauts de ses qualités. Le Meschacebé, dans un cours de plus de mille lieues, arrose une délicieuse contrée, que les habitants des États-Unis appellent le nouvel Eden, et à laquelle les Français ont laissé le doux nom de Louisiane. Mille autres fleuves, tributaires du Meschacebé, le Missouri, l'Illinois, l'Akanza, l'Ohio, le Wabache, le Tenase, l'engraissent de leur limon et la fertilisent de leurs eaux. Quand tous ces fleuves se sont gonflés des déluges de l'hiver, quand les tempêtes ont abattu des pans entiers de forêts, les arbres déracinés s'assemblent sur les sources. Bientôt la vase les cimente, les lianes les enchaînent, et les plantes, y prenant racine de toutes parts, achèvent de consolider ces débris. Charriés par les vagues écumantes, ils descendent au Meschacebé : le fleuve s'en empare, les pousse au golfe Mexicain, les échoue sur des bancs de sable, et accroît ainsi le nombre de ses embouchures. Par intervalle, il élève sa voix en passant sur les monts, et répand ses eaux débordées autour des colonnades des forêts et des pyramides des tombeaux indiens ; c'est le Nil des déserts. Mais la grâce est toujours unie à la magnificence dans les scènes de la nature : tandis que le courant du milieu entraîne vers la mer les cadavres des pins et des chênes, on voit sur les deux courants latéraux remonter, le long des rivages, des îles flottantes de pistia et de nénuphar, dont les roses jaunes s'élèvent comme de petits pavillons. Des serpents verts, des hérons bleus, des flamants roses, de jeunes crocodiles, s'embarquent passagers sur ces vaisseaux de fleurs ; et la colonie déployant aux vents ses voiles d'or, va aborder endormie dans quelque anse retirée du fleuve. Les deux rives du Meschacebé présentent le tableau le plus extraordinaire. Sur le bord occidental, des savanes se déroulent à perte de vue ; leurs flots de verdure, en s'éloignant, semblent monter dans l'azur du ciel, où ils s'évanouissent. On voit dans ces prairies sans bornes errer à l'aventure des troupeaux de trois ou quatre mille buffles sauvages. Quelque bison chargé d'années, fendant les flots à la nage, se vient coucher, parmi de hautes herbes, dans une île du Meschacebé. A son front orné de deux croissants, à sa barbe antique et limoneuse, vous le prendriez pour le dieu du fleuve, qui jette un oeil satisfait sur la grandeur de ses ondes et la sauvage abondance de ses rives. Telle est la scène sur le bord occidental; mais elle change sur le bord opposé, et forme avec la première un admirable contraste. Suspendus sur le cours des eaux, groupés sur les rochers et sur les montagnes, dispersés dans les vallées, des arbres de toutes les formes, de toutes les couleurs, de tous les parfums, se mêlent, croissent ensemble, montent dans les airs à des hauteurs qui fatiguent les regards. Les vignes sauvages, les bignonias , les coloquintes, s'entrelacent au pied de ces arbres, escaladent leurs rameaux, grimpent à l'extrémité des branches, s'élancent de l'érable au tulipier, du tulipier à l'alcée, en formant mille grottes, mille voûtes, mille portiques. Souvent, égarées d'arbre en arbre, ces lianes traversent des bras de rivière, sur lesquels elles jettent des ponts de fleurs. Du sein de ces massifs, le magnolia élève son cône immobile; surmonté de ses larges roses blanches, il domine toute la forêt, et n'a d'autre rival que le palmier, qui balance légèrement auprès de lui ses éventails de verdure. Une multitude d'animaux placés dans ces retraites par la main du Créateur y répandent l'enchantement et la vie. De l'extrémité des avenues on aperçoit des ours enivrés de raisin qui chancellent sur les branches des ormeaux ; des cariboux se baignent dans un lac; des écureuils noirs se jouent dans l'épaisseur des feuillages; des oiseaux moqueurs, des colombes de Virginie, de la grosseur d'un passereau, descendent sur les gazons rougis par les fraises; des perroquets verts à tête jaune, des piverts empourprés, des cardinaux de feu, grimpent en circulant au haut des cyprès; des colibris étincellent sur le jasmin des Florides, et des serpents-oiseleurs sifflent suspendus aux dômes des bois, en s'y balançant comme des lianes.

(Atala. Prologue).

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Une description géographique. — Chateaubriand a-t-il fait cette description d'après des lectures et l'examen de cartes géographiques? (dire un mot de son voyage en Amérique); Ne se montre-t-il pas un merveilleux peintre de la nature? Faites ressortir la précision et le pittoresque de la description; N'offre-t-elle pas un peu de recherche? (dans quelles parties?) Quelle impression vous en laisse la lecture? II. — L'analyse du morceau. — Quelles sont les différentes parties de la description ? a) La contrée arrosée par le Meschacebé; rôle des affluents; b) Les arbres déracinés charriés par le fleuve; c) La grandeur unie à la magnificence; d) L'aspect des deux rives; — le bord occidental (savanes et troupeaux, — le bord oriental (arbustes, arbres et animaux); Pourquoi appelle-t-on Louisiane l'une des régions arrosées par le Meschacebé? Comment, sur le fleuve, la grâce est-elle unie à la magnificence? Faites ressortir le contraste qui existe entre le tableau des rives occidentales et celui des rives orientales; Quel est celui des deux tableaux qui vous parait le plus enchanteur ? Que forment les lianes en passant du sommet d'un arbre à celui (l'un autre arbre? Quels sont les arbustes, les arbres et les animaux que l'on voit sur les rives orientales du fleuve? III. — Le style ;— les expressions. — Le style de Chateaubriand, riche en images, est merveilleusement propre à représenter les aspects les plus brillants et les plus variés de la nature : indiquez quelques-unes des images que présente le morceau étudié (Par intervalle, le fleuve élève sa voix...; la colonie déploie aux vents ses voiles d'or...); Faites ressortir l'harmonie du style (rechercher quelques périodes sonores et rythmées), — la précision des termes (Mille autres fleuves... l'engraissent de leur limon et la fertilisent de leurs eaux.... Bientôt la vase les cimente, les lianes les enchaînent...);  Quel est le sens de ces expressions : un nouvel Éden, —les courants latéraux, — des piverts empourprés? IV. — La grammaire. — Indiquez la composition des mots : consolider, remonter, aborder; Trouvez quelques mots de la même famille que portique et bras; Distinguez les propositions contenues dans la première phrase du morceau ; Nature et fonction de chacun des adjectifs et des pronoms employés dans cette même phrase.

Rédaction. — Décrivez, en un lieu qui vous est familier, le cours d'un fleuve ou d'une rivière que vous connaissez.   

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