Le Jardin d'Epicure * ** Le monde est frivole et vain, tant qu'il vous plaira.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
est impossible de se faire une idée de ce qu'ils ont lu sont en état de rendre un compte assez exact de ce qu'ils
ont vu représenté.
Quand on lit un livre, on le lit comme on veut, on en lit ou plutôt on y lit ce qu'on veut.
Le
livre laisse tout à faire à l'imagination.
Aussi les esprits rudes et communs n'y prennent-ils pour la plupart
qu'un pâle et froid plaisir.
Le théâtre au contraire fait tout voir et dispense de rien imaginer.
C'est pourquoi il
contente le plus grand nombre.
C'est aussi pourquoi il plaît médiocrement aux esprits rêveurs et méditatifs.
Ceux-là n'aiment les idées que pour le prolongement qu'ils leur donnent et pour l'écho mélodieux qu'elles
éveillent en eux-mêmes.
Ils n'ont que faire dans un théâtre et préfèrent au plaisir passif du spectacle la joie
active de la lecture.
Qu'est-ce qu'un livre? Une suite de petits signes.
Rien de plus.
C'est au lecteur à tirer
lui-même les formes, les couleurs et les sentiments auxquels ces signes correspondent.
Il dépendra de lui que
ce livre soit terne ou brillant, ardent ou glacé.
Je dirai, si vous préférez, que chaque mot d'un livre est un doigt
mystérieux, qui effleure une fibre de notre cerveau comme la corde d'une harpe et éveille ainsi une note dans
notre âme sonore.
En vain la main de l'artiste sera inspirée et savante.
Le son qu'elle rendra dépend de la
qualité de nos cordes intimes.
Il n'en est pas tout à fait de même du théâtre.
Les petits signes noirs y sont
remplacés par des images vivantes.
Aux fins caractères d'imprimerie qui laissent tant à deviner sont substitués
des hommes et des femmes, qui n'ont rien de vague ni de mystérieux.
Le tout est exactement déterminé.
Il en
résulte que les impressions reçues par les spectateurs sont aussi peu dissemblables que possible, en égard à la
fatale diversité des sentiments humains.
Aussi voit-on, dans toutes les représentations (que des querelles
littéraires ou politiques ne troublent point), une véritable sympathie s'établir entre tous les assistants.
Si l'on
considère, d'ailleurs, que le théâtre est l'art qui s'éloigne le moins de la vie, on reconnaîtra qu'il est le plus
facile à comprendre et à sentir et l'on en conclura que c'est celui sur lequel le public est le mieux d'accord et
se trompe le moins.
*
* *
Que la mort nous fasse périr tout entiers, je n'y contredis point.
Cela est fort possible.
En ce cas, il ne faut pas
la craindre:
Je suis, elle n'est pas; elle est, je ne suis plus.
Mais si, tout en nous frappant, elle nous laisse subsister, soyez bien sûrs que nous nous retrouverons au delà
du tombeau tels absolument que nous étions sur la terre.
Nous en serons sans doute fort penauds.
Cette idée
est de nature à nous gâter par avance le paradis et l'enfer.
Elle nous ôte toute espérance, car ce que nous souhaitons le plus, c'est de devenir tout autres que nous ne
sommes.
Mais cela nous est bien défendu.
*
* *
Il y a un petit livre allemand qui s'appelle: Notes à ajouter au livre de la vie, et qui est signé Gerhard
d'Amyntor, livre assez vrai et par conséquent assez triste, où l'on voit décrite la condition ordinaire des
femmes.
«C'est dans les soucis quotidiens que la mère de famille perd sa fraîcheur et sa force et se consume
jusqu'à la moelle de ses os.
L'éternel retour de la question: «Que faut-il faire cuire aujourd'hui?» l'incessante
nécessité de balayer le plancher, de battre, de brosser les habits, d'épousseter, tout cela, c'est la goutte d'eau
dont la chute constante finit par ronger lentement, mais sûrement, l'esprit aussi bien que le corps.
C'est devant
le fourneau de cuisine que, par une magie vulgaire, la petite créature blanche et rose, au rire de cristal, se
change en une momie noire et douloureuse.
Sur l'autel fumeux où mijote le pot-au-feu, sont sacrifiées
jeunesse, liberté, beauté, joie.» Ainsi s'exprime peu près Gerhard d'Amyntor.
Tel est le sort, en effet, de l'immense majorité des femmes.
L'existence est dure pour elles comme pour Le Jardin d'Epicure
Le Jardin d'Épicure 8.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le Jardin d'Epicure A Paul Hervieu.
- Le Jardin d'Epicure avec leur couteau des figures dans des racines de buis, et les ménagères pétrissent, pour les fêtes religieuses, des pains en forme de colombes.
- Le Jardin d'Epicure s'enchanter soi-même.
- Le Jardin d'Epicure L'âme est incorporelle et immortelle.
- Jardin des Hespérides, Don Quichotte, Carmen, corrida et flamenco, âpreté de la Meseta aride, luxuriance des huertas, le Cid, les Maures et la Reconquista, l'Inquisition, l'or du Nouveau Monde, Guernica.