Le Jardin d'Epicure A Paul Hervieu.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
dans sa robe d'or, on frémit, on tremble qu'il ne succombe, on suit avec angoisse le spectacle de son trouble et
de sa détresse.
Nous nous reconnaissons tous en lui et, quand il a triomphé, nous nous associons tous à son triomphe.
C'est
celui de l'humanit tout entière dans sa lutte éternelle.
Saint-Antoine n'est un grand saint que parce qu'il a
résisté à la reine de Saba.
Or, il faut bien le reconnaître, en lui envoyant cette belle dame qui cache son pied
fourchu sous une longue robe brodée de perles, le diable fit une besogne nécessaire à la sainteté de l'ermite.
Ainsi le spectacle des marionnettes m'a confirmé dans cette idée que le mal est indispensable au bien et le
diable nécessaire à la beauté morale du monde.
*
* *
J'ai trouvé chez des savants la candeur des enfants, et l'on voit tous les jours des ignorants qui se croient l'axe
du monde.
Hélas! chacun de nous se voit le centre de l'univers.
C'est la commune illusion.
Le balayeur de la
rue n'y échappe pas.
Elle lui vient de ses yeux dont les regards, arrondissant autour de lui la voûte céleste, le
mettent au beau milieu du ciel et de la terre.
Peut-être cette erreur est-elle un peu ébranlée chez celui qui a
beaucoup médité.
L'humilité rare chez les doctes, l'est encore plus chez les ignares.
*
* *
Une théorie philosophique du monde ressemble au monde comme une sphère sur laquelle on tracerait
seulement les degrés de longitude et de latitude ressemblerait à la terre.
La métaphysique a cela d'admirable
qu'elle ôte au monde tout ce qu'il a et qu'elle lui donne ce qu'il n'avait pas, travail merveilleux sans doute, et
jeu plus beau, plus illustre incomparablement que les dames et que les échecs, mais, à tout prendre, de même
nature.
Le monde pensé se réduit à des lignes géométriques dont l'arrangement amuse.
Un système comme
celui de Kant ou de Hegel ne diffère pas essentiellement de ces réussites par lesquelles les femmes trompent,
avec des cartes, l'ennui de vivre.
*
* *
Peut-on, me dis-je, en lisant ce livre, nous charmer ainsi, non point avec des formes et des couleurs, comme
fait la nature en ses bons moments, qui sont rares, mais avec de petits signes empruntés au langage! Ces
signes éveillent en nous des images divines.
C'est là le miracle! Un beau vers est comme un archet promené
sur nos fibres sonores.
Ce ne sont pas ses pensées, ce sont les nôtres que la poète fait chanter en nous.
Quand
il nous parla d'une femme qu'il aime, ce sont nos amours et nos douleurs qu'il éveille délicieusement en notre
âme.
Il est un évocateur.
Quand nous le comprenons, nous sommes aussi poètes que lui.
Nous avons en nous,
tous tant que nous sommes, un exemplaire de chacun de nos poètes que personne ne connaît, et qui périra à
jamais avec toutes ses variantes lorsque nous ne sentirons plus rien.
Et croyez-vous que nous aimerions tant
nos lyriques s'ils nous parlaient d'autre chose que de nous? Quel heureux malentendu! Les meilleurs d'entre
eux sont des égoïstes.
Ils ne pensent qu' eux.
Ils n'ont mis qu'eux dans leurs vers et nous n'y trouvons que
nous.
Les poètes nous aident à aimer: ils ne servent qu' cela, Et c'est un assez bel emploi de leur vanité
délicieuse.
Aussi en est-il de leurs strophes comme des femmes; rien n'est plus vain que de les louer: la
mieux aimée sera toujours la plus belle.
Quant à faire confesser au public que celle qu'on a choisie est
incomparable, cela est plutôt d'un chevalier errant que d'un homme sage.
*
* * Le Jardin d'Epicure
Le Jardin d'Épicure 16.
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