Le Grand Meaulnes Souvent nos dimanches d'hiver se passaient ainsi.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Ils étaient venus tous les deux, en voiture, de La Ferté-d'Angillon, à quatorze kilomètres de Sainte-Agathe.
Veuve\24et fort riche, à ce qu'elle nous fit comprendre\24elle avait perdu le cadet de ses deux enfants, Antoine,
qui était mort un soir au retour de l'école, pour s'être baigné avec son frère dans un étang malsain.
Elle avait
décidé de mettre l'aîné, Augustin, en pension chez nous pour qu'il pût suivre le Cours Supérieur.
Et aussitôt elle fit l'éloge de ce pensionnaire qu'elle nous amenait.
Je ne reconnaissais plus la femme aux
cheveux gris, que j'avais vue courbée devant la porte, une minute auparavant, avec cet air suppliant et hagard
de poule qui aurait perdu l'oiseau sauvage de sa couvée.
Ce qu'elle contait de son fils avec admiration était fort surprenant: il aimait à lui faire plaisir, et parfois il
suivait le bord de la rivière, jambes nues, pendant des kilomètres, pour lui rapporter des oeufs de poules
d'eau, de canards sauvages, perdus dans les ajoncs...
Il tendait aussi des nasses...
L'autre nuit, il avait
découvert dans le bois une faisane prise au collet...
Moi qui n'osais plus rentrer à la maison quand j'avais un accroc à ma blouse, je regardais Millie avec
étonnement.
Mais ma mère n'écoutait plus.
Elle fit même signe à la dame de se taire; et, déposant avec précaution son "ni"
sur la table, elle se leva silencieusement comme pour aller surprendre quelqu'un...
Au-dessus de nous, en effet, dans un réduit où s'entassaient les pièces d'artifice noircies du dernier Quatorze
Juillet, un pas inconnu, assuré, allait et venait, ébranlant le plafond, traversait les immenses greniers
ténébreux du premier étage, et se perdait enfin vers les chambres d'adjoints abandonnées où l'on mettait
sécher le tilleul et mûrir les pommes.
"Déjà, tout à l'heure, j'avais entendu ce bruit dans les chambres du bas, dit Millie à mi-voix, et je croyais que
c'était toi, François, qui étais rentré..."
Personne ne répondit.
Nous étions debout tous les trois, le coeur battant, lorsque la porte des greniers qui
donnait sur l'escalier de la cuisine s'ouvrit; quelqu'un descendit les marches, traversa la cuisine, et se présenta
dans l'entrée obscure de la salle à manger.
"C'est toi, Augustin?" dit la dame.
C'était un grand garçon de dix-sept ans environ.
Je ne vis d'abord de lui, dans la nuit tombante, que son
chapeau de feutre paysan coiffé en arrière et sa blouse noire sanglée d'une ceinture comme en portent les
écoliers.
Je pus distinguer aussi qu'il souriait...
Il m'aperçut, et, avant que personne eût pu lui demander aucune explication:
"Viens-tu dans la cour?" dit-il.
J'hésitai une seconde.
Puis, comme Millie ne me retenait pas, je pris ma casquette et j'allai vers lui.
Nous
sortîmes par la porte de la cuisine et nous allâmes au préau, que l'obscurité envahissait déjà.
A la lueur de la
fin du jour, je regardais, en marchant, sa face anguleuse au nez droit, à la lèvre duvetée.
"Tiens, dit-il, j'ai trouvé ça dans ton grenier.
Tu n'y avais donc jamais regardé?"
Il tenait à la main une petite roue en bois noirci; un cordon de fusées déchiquetées courait tout autour; ç'avait
dû être le soleil ou la lune au feu d'artifice du Quatorze Juilliet.
Le Grand Meaulnes
CHAPITRE PREMIER.
Le Pensionnaire.
5.
»
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