Le Grand Meaulnes On dut pourtant commencer sans lui.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Il sifflait quelque chose entre ses dents, une espèce d'air marin, comme en chantent, pour s'égayer le coeur,
les matelots et les filles dans les cabarets des ports...
Un instant, au milieu de sa promenade agitée, il s'arrêta et se pencha sur la table, chercha dans une boîte, en
sortit plusieurs feuilles de papier...
Meaulnes vit, de profil, dans la lueur de la bougie, un très fin, très aquilin
visage sans moustache sous une abondante chevelure que partageait une raie de côté.
Il avait cessé de siffler.
Très pâle, les lèvres entr'ouvertes, il paraissait à bout de souffle, comme s'il avait reçu au coeur un coup
violent.
Meaulnes hésitait s'il allait, par discrétion, se retirer, ou s'avancer, lui mettre doucement, en camarade, la
main sur l'épaule, et lui parler.
Mais l'autre leva la tête et l'aperçut.
Il le considéra une seconde, puis, sans
s'étonner, s'approcha et dit, affermissant sa voix:
"Monsieur, je ne vous connais pas.
Mais je suis content de vous voir.
Puisque vous voici, c'est à vous que je
vais expliquer...
Voilà!..."
Il paraissait complètement désemparé.
Lorsqu'il eut dit: "Voilà", il prit Meaulnes par le revers de sa jaquette,
comme pour fixer son attention.
Puis il tourna la tête vers la fenêtre, comme pour réfléchir à ce qu'il allait
dire, cligna des yeux\24et Meaulnes comprit qu'il avait une forte envie de pleurer.
Il ravala d'un coup toute cette peine d'enfant, puis, regardant toujours fixement la fenêtre, il reprit d'une voix
altérée:
"Eh bien, voilà: c'est fini; la fête est finie.
Vous pouvez descendre le leur dire.
Je suis rentré tout seul.
Ma
fiancée ne viendra pas.
Par scrupule, par crainte, par manque de foi...
d'ailleurs, monsieur, je vais vous
expliquer..."
Mais il ne put continuer; tout son visage se plissa.
Il n'expliqua rien.
Se détournant soudain, il s'en alla dans
l'ombre ouvrir et refermer des tiroirs pleins de vêtements et de livres.
"Je vais m'apprêter pour repartir, dit-il.
Qu'on ne me dérange pas".
Il plaça sur la table divers objets, un nécessaire de toilette, un pistolet...
Et Meaulnes, plein de désarroi, sortit sans oser lui dire un mot ni lui serrer la main.
En bas, déjà, tout le monde semblait avoir pressenti quelque chose.
Presque toutes les jeunes filles avaient
changé de robe.
Dans le bâtiment principal le dîner avait commencé, mais hâtivement, dans le désordre,
comme à l'instant d'un départ.
Il se faisait un continuel va-et-vient de cette grande cuisine-salle à manger aux chambres du haut et aux
écuries.
Ceux qui avaient fini formaient des groupes où l'on se disait au revoir.
"Que se passe-t-il? demanda Meaulnes à un garçon de campagne, qui se hâtait de terminer son repas, son
chapeau de feutre sur la tête et sa serviette fixée à son gilet.
\24 Nous partons, répondit-il.
Cela s'est décidé tout d'un coup.
A cinq heures, nous nous sommes trouvés seuls,
tous les invités ensemble.
Nous avions attendu jusqu'à la dernière limite.
Les fiancés ne pouvaient plus venir? Quelqu'un a dit: "Si
nous partions..." Et tout le monde s'est apprêté pour le départ".
Le Grand Meaulnes
CHAPITRE XVI.
Frantz de Galais.
37.
»
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