Le Docteur Pascal les siens, ne leur leguer que de la
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
taille mince et allongee, sa gorge ronde et menue, ses bras souples, d'une grace divine.
Maintenant, il s'en etait
alle, il dormait sous la terre, tandis qu'elle, habillee de noir, toute noire, ne montrant rien de sa nudite
triomphante, n'avait plus que l'enfant pour exprimer le don tranquille, absolu qu'elle avait fait de sa personne,
devant le peuple assemble, a la pleine lumiere du jour.
Doucement, Clotilde finit par s'asseoir pres du berceau.
Les fleches de soleil s'allongeaient d'un bout de la
piece a l'autre, la chaleur de l'ardente journee s'alourdissait, parmi l'ombre assoupie des volets clos; et le
silence de la maison semblait s'etre elargi encore.
Elle avait mis a part des petites brassieres, elle recousait des
cordons, d'une aiguille lente, peu a peu prise d'une songerie, au milieu de cette grande paix chaude qui
l'enveloppait, dans l'incendie du dehors.
Sa pensee, d'abord, retourna a ses pastels, les exacts et les
chimeriques, et elle se disait maintenant que toute sa dualite se trouvait dans cette passion de verite qui la
tenait parfois des heures entieres devant une fleur, pour la copier avec precision, puis dans son besoin d'au
dela qui, d'autres fois, la jetait hors du reel, l'emportait en reves fous, au paradis des fleurs increees.
Elle avait
toujours ete ainsi, elle sentait qu'au fond elle restait aujourd'hui ce qu'elle etait la veille, sous le flot de vie
nouveau qui la transformait sans cesse.
Et sa pensee, alors, sauta a la gratitude profonde qu'elle gardait a
Pascal de l'avoir faite ce qu'elle etait.
Jadis, lorsque, toute petite, l'enlevant a un milieu execrable, il l'avait
prise avec lui, il avait surement cede a son bon coeur, mais sans doute aussi etait-il desireux de tenter sur elle
l'experience de savoir comment elle pousserait dans un milieu autre, tout de verite et de tendresse.
C'etait,
chez lui, une preoccupation constante, une theorie ancienne, qu'il aurait voulu experimenter en grand: la
culture par le milieu, la guerison meme, l'etre ameliore et sauve, au physique et au moral.
Elle lui devait
certainement le meilleur de son etre, elle devinait la fantasque et la violente qu'elle aurait pu devenir, tandis
qu'il ne lui avait donne que de la passion et du courage.
Dans cette floraison, au libre soleil, la vie avait meme
fini par les jeter aux bras l'un de l'autre, et n'etait-ce pas comme l'effort dernier de la bonte et de la joie,
l'enfant qui etait venu et qui les aurait rejouis ensemble, si la mort ne les avait point separes?
Dans ce retour en arriere, elle eut la sensation nette du long travail qui s'etait opere en elle.
Pascal corrigeait
son heredite, et elle revivait la lente evolution, la lutte entre la reelle et la chimerique.
Cela partait de ses
coleres, d'enfant, d'un ferment de revolte, d'un desequilibre qui la jetait aux pires reveries.
Puis venaient ses
grands acces de devotion, son besoin d'illusion et de mensonge, de bonheur immediat, a la pensee que les
inegalites et les injustices de cette terre mauvaise devaient etre compensees par les eternelles joies d'un
paradis futur.
C'etait l'epoque de ses combats avec Pascal, des tourments dont elle l'avait torture, en revant
d'assassiner son genie.
Et elle tournait, a ce coude de la route, elle le retrouvait son maitre, la conquerant par
la terrible lecon de vie qu'il lui avait donnee, pendant la nuit d'orage.
Depuis, le milieu avait agi, l'evolution
s'etait precipitee: elle finissait par etre la ponderee, la raisonnable, acceptant de vivre l'existence comme il
fallait la vivre, avec l'espoir que la somme du travail humain libererait un jour le monde du mal et de la
douleur.
Elle avait aime, elle etait mere, et elle comprenait.
Brusquement, elle se rappela l'autre nuit, celle qu'ils avaient passee sur l'aire.
Elle entendait encore sa
lamentation sous les etoiles: la nature atroce, l'humanite abominable, et la faillite de la science, et la necessite
de se perdre en Dieu, dans le mystere.
En dehors de l'aneantissement, il n'y avait pas de bonheur durable.
Puis,
elle l'entendait, lui, reprendre son credo, le progres de la raison par la science, l'unique bienfait possible des
verites lentement acquises, a jamais, la croyance que la somme de ces verites, augmentees toujours, doit finir
par donner a l'homme un pouvoir incalculable, et la serenite, sinon le bonheur.
Tout se resumait dans la foi
ardente en la vie.
Comme il le disait, il fallait marcher avec la vie qui marchait toujours.
Aucune halte n'etait a
esperer, aucune paix dans l'immobilite de l'ignorance, aucun soulagement dans les retours en arriere.
Il fallait
avoir l'esprit ferme, la modestie de se dire que la seule recompense de la vie est de l'avoir vecue bravement, en
accomplissant la tache qu'elle impose.
Alors, le mal n'etait plus qu'un accident encore inexplique, l'humanite
apparaissait, de tres haut, comme un immense mecanisme en fonction, travaillant au perpetuel devenir.
Pourquoi l'ouvrier qui disparaissait, ayant termine sa journee, aurait-il maudit l'oeuvre, parce qu'il ne pouvait
en voir ni en juger la fin? Meme, s'il ne devait pas y avoir de fin, pourquoi ne pas gouter la joie de l'action,
l'air vif de la marche, la douceur du sommeil apres une longue fatigue? Les enfants continueront la besogne Le Docteur Pascal
XIV 172.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le Docteur Pascal de Zola (résumé)
- DOCTEUR PASCAL (Le) Émile Zola (résumé & analyse)
- PASCAL (le docteur). Personnage de la série romanesque d’Émile Zola
- DOCTEUR PASCAL (Le). d'Emile Zola
- Le Docteur Pascal La servante, a son tour, s'approcha du lit.