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Le Corricolo Padre Rocco venait de queter pour les pauvres prisonniers.

Publié le 11/04/2014

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Le Corricolo Padre Rocco venait de queter pour les pauvres prisonniers. Quand le roi, la reine, le prince Francois, le duc de Salerne et les dix ou douze courtisans qui avaient suivi la famille royale a Capo-di-Monte eurent donne leur aumone, padre Rocco voulut se retirer, mais Ferdinand l'arreta. --Un instant, un instant, padre Rocco, dit le roi; on ne s'en va pas comme cela. --Et comment s'en va-t-on, sire? --Chacun son impot. Nous vous devions une aumone, nous vous l'avons donnee. Vous nous devez un sermon: donnez-nous-le. --Oh! oui, oui, un sermon! crierent la reine, le prince Francois et le duc de Salerne. --Oh! oui, oui, un sermon! repeterent en choeur tous les courtisans. --J'ai l'habitude de precher devant des lazzaroni, sire, et non devant des tetes couronnees, repondit padre Rocco: excusez-moi donc si je crois devoir recuser l'honneur que vous me faites. --Oh! non pas, non pas; vous ne vous en tirerez point ainsi: nous vous avons donne votre aumone, il nous faut notre sermon; je ne sors pas de la. --Mais quel genre de sermon? demanda le pretre. --Faites-nous un sermon pour amuser les enfans. Le pretre se mordit les levres; puis, s'adressant au roi: --Vous le voulez donc absolument, sire? --Oui, certes, je le veux. --Ce sermon etant fait pour les enfans, ne vous etonnez point qu'il commence comme un conte de fee. --Qu'il commence comme il voudra, mais que nous l'ayons. --A vos ordres, sire. Et padre Rocco monta sur une chaise pour mieux dominer son auguste auditoire. --Au nom du Pere, du Fils et du Saint-Esprit! commenca padre Rocco. --Amen! interrompit le roi. --Il y avait une fois, continua le pretre en saluant le roi, comme pour le remercier de ce qu'il avait bien voulu lui servir de sacristain, il y avait une fois un crabe et une crabe... --Comment dites-vous cela? s'ecria Ferdinand, qui croyait avoir mal entendu. --Il y avait une fois un crabe et une crabe, reprit gravement padre Rocco, lesquels avaient eu en legitime mariage trois fils et deux filles qui donnaient les plus belles esperances. Aussi le pere et la mere avaient-ils place pres de leurs enfans les professeurs les plus distingues et les gouvernantes les plus instruites qu'ils XIII. Anecdotes. 90 Le Corricolo avaient pu trouver a trois lieues a la ronde: ils avaient surtout recommande aux instituteurs et aux institutrices d'apprendre a leurs enfans a marcher droit. Quand l'education des trois enfans males fut finie, le pere les convoqua devant lui, et ayant laisse le professeur a la porte, afin que, les eleves n'etant pas soutenus par sa presence, il put mieux juger de l'education qu'ils avaient recue: --Mon cher fils, dit-il a l'aine, j'ai recommande entre autres choses que l'on vous apprit a marcher droit. Marchez un peu, que je voie comment mes instructions ont ete suivies. --Volontiers, mon pere, dit le fils aine. Regardez, et vous allez voir. Et aussitot il se mit en mouvement. --Mais, dit le pere, que diable fais-tu donc la? --Ce que je fais? je vous obeis: je marche. --Oui, tu marches, mais tu marches de travers. Est-ce que cela s'appelle marcher? Voyons, recommencons. --Recommencons, mon pere. Et le fils aine se remit en mouvement. Le pere jeta un cri de douleur. La premiere fois son enfant avait marche de droite a gauche; la seconde fois il marchait de gauche a droite. --Mais ne peux-tu donc pas aller droit? s'ecria le pere. --Est-ce que je ne vais pas droit? demanda le fils. --Il ne voit pas son infirmite! s'ecria le malheureux crabe en joignant ses deux grosses pinces et en les elevant avec douleur vers le ciel. Puis, se retournant vers son fils cadet: --Viens ici, toi, lui dit-il, et montre a ton frere aine comment on marche. --Volontiers, mon pere, dit le second. Et il recommenca exactement la meme manoeuvre qu'avait faite son frere aine, si ce n'est qu'au lieu d'aller la premiere fois de droite a gauche et la seconde fois de gauche a droite, il alla la premiere fois de gauche a droite et la seconde fois de droite a gauche. --Toujours de travers! toujours de travers! s'ecria le pere au desespoir. Puis, se retournant, les larmes aux yeux, vers le plus jeune de ses fils: --Voyons, toi, lui dit-il, a ton tour, et donne l'exemple a tes freres. --Mon pere, reprit le troisieme, qui etait un jeune crabe plein de sens, il me semble que l'exemple serait bien autrement profitable pour nous si vous nous le donniez vous-meme. Marchez donc, et montrez-nous comment il faut faire. Ce que vous ferez, nous le ferons! Alors, continua padre Rocco, alors le pere... XIII. Anecdotes. 91

« avaient pu trouver a trois lieues a la ronde: ils avaient surtout recommande aux instituteurs et aux institutrices d'apprendre a leurs enfans a marcher droit. Quand l'education des trois enfans males fut finie, le pere les convoqua devant lui, et ayant laisse le professeur a la porte, afin que, les eleves n'etant pas soutenus par sa presence, il put mieux juger de l'education qu'ils avaient recue: —Mon cher fils, dit-il a l'aine, j'ai recommande entre autres choses que l'on vous apprit a marcher droit. Marchez un peu, que je voie comment mes instructions ont ete suivies. —Volontiers, mon pere, dit le fils aine.

Regardez, et vous allez voir.

Et aussitot il se mit en mouvement. —Mais, dit le pere, que diable fais-tu donc la? —Ce que je fais? je vous obeis: je marche. —Oui, tu marches, mais tu marches de travers.

Est-ce que cela s'appelle marcher? Voyons, recommencons. —Recommencons, mon pere. Et le fils aine se remit en mouvement.

Le pere jeta un cri de douleur.

La premiere fois son enfant avait marche de droite a gauche; la seconde fois il marchait de gauche a droite. —Mais ne peux-tu donc pas aller droit? s'ecria le pere. —Est-ce que je ne vais pas droit? demanda le fils. —Il ne voit pas son infirmite! s'ecria le malheureux crabe en joignant ses deux grosses pinces et en les elevant avec douleur vers le ciel. Puis, se retournant vers son fils cadet: —Viens ici, toi, lui dit-il, et montre a ton frere aine comment on marche. —Volontiers, mon pere, dit le second. Et il recommenca exactement la meme manoeuvre qu'avait faite son frere aine, si ce n'est qu'au lieu d'aller la premiere fois de droite a gauche et la seconde fois de gauche a droite, il alla la premiere fois de gauche a droite et la seconde fois de droite a gauche. —Toujours de travers! toujours de travers! s'ecria le pere au desespoir.

Puis, se retournant, les larmes aux yeux, vers le plus jeune de ses fils: —Voyons, toi, lui dit-il, a ton tour, et donne l'exemple a tes freres. —Mon pere, reprit le troisieme, qui etait un jeune crabe plein de sens, il me semble que l'exemple serait bien autrement profitable pour nous si vous nous le donniez vous-meme.

Marchez donc, et montrez-nous comment il faut faire.

Ce que vous ferez, nous le ferons! Alors, continua padre Rocco, alors le pere...

Le Corricolo XIII.

Anecdotes.

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