Le Corricolo Neanmoins, je crus m'etre trompe un instant, et j'allais lui rendre mon estime en le voyant revenir a des sentimens plus pieux.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Il y a, excellence, que vous vous ecorcherez les pieds sur la lave, et que vous vous brulerez les mains dans
les cendres.
Reste l'ane.
C'est aussi ce que j'allais vous conseiller, vu la grande habitude qu'a cet animal de marcher a quatre pattes
depuis sa creation, et la sage precaution qu'ont ses maitres de le chausser de fers tres solides; mais il y a aussi
un petit inconvenient.
Lequel? repris-je impatiente de ces objections flegmatiques.
Voyez-vous ces braves gens, excellence? me dit Francesco, en me montrant du bout de son index un
groupe de lazzaroni qui se tenaient sournoisement a l'ecart pendant notre entretien, guettant du coin de l'oeil le
moment favorable pour fondre sur leur proie.
Eh bien?
Ces gens-la vous sont tous indispensables pour monter au Vesuve.
Les guides vous montreront le chemin;
les ciceroni vous expliqueront la nature du volcan; les paysans vous vendront leur baton ou vous loueront leur
ane.
Mais ce n'est pas tout que de louer un ane, il faut encore le faire marcher.
Comment, drole, tu crois que, quand j'aurai enfourche ma monture, et que je pourrai manier a mon aise un
de ces bons batons de chene, que je guigne du coin de l'oeil, je ne viendrai pas a bout de faire marcher mon
ane?
Pardon, excellence; ce n'est pas un reproche que je vous fais; mais vous aviez cru aussi pouvoir faire aller
mes chevaux; et pourtant un cheval est bien moins entete qu'un ane!...
Quel sera donc ce prodigieux dompteur de betes que je dois appeler a mon secours?
Moi, excellence, si vous le permettez.
Je vais recommander la voiture a Tonio, un ancien camarade, et je
suis a vos ordres.
J'accepte, a la condition que tu me debarrasseras de tout ce monde.
Vous etes parfaitement libre de les laisser ici; seulement, que vous les ameniez ou non, il faudra toujours les
payer.
Voyons, tache de t'arranger avec eux, et que je sois au moins delivre de leur presence.
En moins d'un quart d'heure, Francesco fit si bien les choses, que le corricolo etait remise, que les chevaux se
prelassaient a l'ecurie, que les lazzaroni avaient disparu, et que je montais sur mon ane.
Tout cela me coutait
deux piastres.
Pauvre animal! il suffisait de le voir pour se convaincre qu'on l'avait indignement calomnie.
Quand je me fus
bien assure de la docilite de ma bete et de la solidite de mon baton, je voulus donner une petite lecon de
savoir-vivre a mon impertinent conducteur, et j'appliquai un tel coup sur la croupe de ma monture, que je
crus, pour le moins, qu'elle allait prendre le galop.
L'ane s'arreta court; je redoublai, et il ne bougea pas plus
que si, comme le chien de Cephale, il eut ete change en pierre.
Je repetai mon avertissement de droite a
gauche, comme je l'avais fait une premiere fois de gauche a droite.
L'animal tourna sur lui-meme par un
mouvement de rotation si rapide et si exact, qu'avant que j'eusse releve mon baton il etait retombe dans sa Le Corricolo
XXIV.
Le Capucin de Resina.
169.
»
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