Le Corricolo Maintenant, que le doute dresse sa tete pour nier, que la science eleve sa voix pour contredire; voila ce qui est, voila ce qui se fait, ce qui se fait sans mystere, sans supercherie, sans substitution, ce qui se fait a la vue de tous.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Ce banquet rejouit beaucoup les lazzaroni, qui virent diner leurs representans, et qui s'assurerent que les
liberaux n'etaient point des anthropophages, comme on le leur avait dit.
Le lendemain, le general Championnet, suivi de tout son etat-major, se transporta en grande pompe dans la
cathedrale de Sainte-Claire, pour rendre graces a Dieu du retablissement de la paix, adorer les reliques de
saint Janvier, et implorer sa protection pour la ville de Naples, malgre son changement de gouvernement.
Cette ceremonie, a laquelle assista autant de peuple que l'eglise put en contenir, fut fort agreable aux
lazzaroni, qui reconnurent, vu le silence du saint et le recueillement du general et de son etat-major, que les
Francais n'etaient point des heretiques, comme on le leur avait assure.
Le surlendemain on planta des arbres de la Liberte sut toutes les places de Naples, au son de la musique
militaire francaise et de la musique civile napolitaine.
Cet essai d'horticulture championnienne mit le comble a l'enthousiasme des lazzaroni, qui aiment la musique
et qui adorent l'ombre.
Alors commencerent ce que l'on appelle les reformes; ce fut la pierre d'achoppement de la nouvelle
republique.
On abolit les droits sur le vin, et le peuple laissa faire sans rien dire.
On abolit les droits sur le tabac, et le peuple tolera encore cette abolition.
On abolit le droit sur le sel, et le peuple commenca a murmurer.
On abolit les droits sur le poisson, et le peuple cria plus fort.
Enfin, on abolit le titre d'excellence, et le peuple se facha tout a fait.
Bon et excellent peuple, qui regardait chaque abolition d'impot comme un outrage fait a ses droits, et qui
pourtant ne se revolta reellement que lorsqu'on abolit le titre d'excellence, qui cependant, comme il le disait
lui-meme, n'avait rien fait au nouveau gouvernement.
Malheureusement, le nouveau gouvernement ne tint aucun compte des reclamations des lazzaroni, et continua
ses reformes, fier et fort qu'il etait de l'appui de l'armee francaise.
Mais cet appui, comme on le comprend bien, revela aux Napolitains qu'il y avait connivence entre l'armee
francaise et le gouvernement qui les opprimait en leur enlevant les uns apres les autres leurs impots les plus
anciens et les plus sacres.
Des lors les Francais, d'abord combattus comme des heretiques, puis accueillis
comme des liberateurs, puis fetes comme des freres, furent regardes comme des ennemis, et le bruit
commenca a se repandre, du chateau de l'Oeuf a Capo-di-Monte, et du pont de la Maddalena a la grotte de
Pouzzoles, que saint Janvier, pour punir la ville de Naples de la confiance qu'elle avait eue en eux, ne ferait
point son miracle le premier dimanche du mois de mai, comme c'est son habitude de le faire depuis quatorze
siecles au jour sus-indique.
Cette desastreuse nouvelle fit grande sensation; chacun en s'abordant se demandait:Avez-vous entendu dire
que saint Janvier ne fera pas son miracle cette annee? On se repondait:Je l'ai entendu dire; et les
interlocuteurs, regardant le ciel en soupirant, secouaient la tete et se quittaient en murmurant:
C'est la faute de ces gueux de Francais! Le Corricolo
XXIII.
Saint Antoine usurpateur.
159.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Voix narrative et points de vue dans les Contes
- Le Corricolo Il n'y eut qu'une voix parmi les spectateurs.
- Le Corricolo --Ce que je veux savoir, dit-elle en essayant de donner a sa voix l'assurance de l'ironie; je desire savoir le passe: il m'indiquera la foi que je puis avoir dans l'avenir.
- Peut-on, sans se contredire, parler d'une « science de l'homme »?
- "L'histoire de la science est inséparable des mythes qui l'accompagnent et semblent la contredire" (Jean-Paul Dollé)