Devoir de Philosophie

Le Corricolo Et Mirelli, au lieu de chercher a fuir la

Publié le 11/04/2014

Extrait du document

Le Corricolo Et Mirelli, au lieu de chercher a fuir la terrible vision, s'approchait au bord de son lit comme pour entendre ses paroles; mais au bout de quelques secondes d'attention, pendant lesquelles il resta dans la pose d'un homme qui ecoute, il poussa un profond soupir et tomba sur son lit en murmurant: --Le moine de Sant'Antimo! C'est alors qu'on se rappela seulement cet evenement arrive le jour de sa naissance, c'est-a-dire vingt-cinq ans auparavant, et qui, conserve toujours vivant dans la pensee du jeune homme, prenait un corps au milieu de son delire. Le lendemain, soit que Mirelli eut oublie l'apparition, soit qu'il ne voulut donner aucun detail, il repondit a toutes les questions qui lui furent faites qu'il ignorait completement ce qu'on voulait lui dire. Pendant trois mois l'apparition infernale se renouvela chaque nuit, detruisant ainsi en quelques minutes les progres que le reste du temps le blesse faisait vers la guerison. Mirelli ressemblait a un spectre lui-meme. Enfin, une nuit il demanda instamment a rester seul, avec tant d'insistance, que sa mere et ses amis ne purent s'opposer a sa volonte. A neuf heures, tout le monde ayant quitte sa chambre, il mit son epee sous le chevet de son lit et attendit. Sans qu'il le sut, un de ses amis etait cache dans une chambre voisine, voyant par une porte vitree et pret a porter secours au malade s'il en avait besoin. A dix heures il s'endormit comme d'habitude, mais au premier coup de minuit il s'eveilla. Aussitot on le vit se soulever sur son lit et regarder la porte de son regard fixe et ardent; un instant apres il essuya son front, d'ou la sueur ruisselait; ses cheveux se dresserent sur sa tete, un sourire passa sur ses levres: puis saisissant son epee, il la tira hors du fourreau, bondit hors de son lit, frappa deux fois comme s'il eut voulu poignarder quelqu'un avec la pointe de sa lame, et, jetant un cri, il tomba evanoui sur le plancher. L'ami qui etait en sentinelle accourut et porta Mirelli sur son lit; celui-ci serrait si fortement la garde de son epee qu'on ne put la lui arracher de la main. Le lendemain, il fit venir le superieur de Sant'Antimo et lui demanda, dans le cas ou il mourrait des suites de sa blessure, a etre enterre dans le cloitre du couvent, reclamant la meme faveur, en supposant qu'il en echappat cette fois, pour l'epoque ou sa mort arriverait, quelle que fut cette epoque et en quelque lieu qu'il expirat. Puis il raconta a ses amis qu'il avait resolu la veille de se debarrasser du fantome en luttant corps a corps, mais qu'ayant ete vaincu, il lui avait promis enfin de se faire enterrer dans son couvent: promesse qu'il n'avait pas voulu lui accorder jusque-la, tant il lui repugnait de paraitre ceder a une crainte, meme religieuse et surnaturelle. A partir de ce moment, la vision disparut, et neuf mois apres Mirelli etait completement gueri. Nous avons raconte en detail cette anecdote, d'abord parce que de pareilles legendes, surtout parmi les contemporains, sont rares en Italie, le pays le moins fantastique de la terre; et ensuite parce qu'elle nous a paru developper dans un seul homme trois courages bien differens: le courage patriotique, qui consiste a risquer froidement sa vie pour la cause de la patrie; le courage physique, qui consiste a supporter stoiquement la douleur; et enfin le courage moral, qui consiste a reagir contre l'invisible et a lutter contre l'inconnu. Bayard eut certainement eu les deux premiers, mais il est douteux qu'il eut eu le troisieme. Maintenant passons au courage civil. Nous sommes en 99: les Francais ont evacue la ville des delices. Le cardinal Ruffo, parti de Palerme, descendu de la Calabre et soutenu par les flottes turque, russe et anglaise, qui bloquent le fort, a assiege Naples, et, voyant l'impossibilite de prendre la ville defendue du cote de la mer par Caracciolo, et du cote de la terre par Manthony, Caraffa et Schiappani, a signe une capitulation qui assure aux patriotes la vie et la III. Chiaja. 26 Le Corricolo fortune sauves: pres de sa signature on lit celle de Foote, commandant la flotte britannique; de Keraudy, commandant la flotte russe; et de Bonnieu, commandant la flotte ottomane. Mais, dans une nuit de debauche et d'orgie, Nelson a dechire le traite. Le lendemain, il declare que la capitulation est nulle, que Bonnieu, Keraudy et Foote ont outre-passe leurs pouvoirs en transigeant avec les rebelles, et il livre a la haine de la cour, en echange de l'amour de lady Hamilton, les troupeaux de victimes qu'on lui demande. Alors il y eut spectacle et joie pour bien des jours, car on avait a peu pres vingt mille tetes a faire tomber. Eh bien! toutes ces tetes tomberent, et pas une seule ne tomba deshonoree par une larme ou par un soupir. Citons au hasard quelques exemples. Cyrillo et Pagano sont condamnes a etre pendus. Comme Andre Chenier et Roucher, ils se rencontrent au pied de l'echafaud; la ils se disputent a qui mourra le premier; et comme aucun des deux ne veut ceder sa place a l'autre, ils tirent a la courte paille. Pagano gagne, tend la main a Cyrillo, met la courte paille entre ses dents, et monte l'echelle infame, le sourire sur les levres et la serenite sur le front. Hector Caraffa, l'oncle du compositeur, est condamne a avoir la tete tranchee; il arriva sur l'echafaud; on s'informe s'il n'a pas quelque desir a exprimer. --Oui, dit-il, je desire regarder le fer de la mandaja. Et il est guillotine couche sur le dos, au lieu d'etre couche sur le ventre. Quoique cet article soit consacre a l'aristocratie, un mot sur le courage religieux. Ce courage est celui du peuple. Au moment ou Championnet marchait sur Naples, proclamant la liberte des peuples et creant des republiques sur son passage, les royalistes repandirent le bruit dans la ville que les Francais venaient pour bruler les maisons, piller les eglises, enlever les femmes et les filles et transporter en France la statue de saint Janvier. A ces accusations, d'autant plus accreditees qu'elles sont plus absurdes, les lazzaroni, que les mots d'honneur, de patrie et de liberte n'auraient pu tirer de leur sommeil, se levent des portiques des palais dont ils ont fait leur demeure, encombrent les places publiques, s'arment de pierres et de batons, et a moitie nus, sans chefs, sans tactique militaire, avec l'instinct de betes fauves qui gardent leur antre, leur femelle et leurs petits, aux cris de: Vive saint Janvier! vive la sainte Foi! mort aux Jacobins! ils combattent soixante heures les soldats qui avaient vaincu a Montenotte, passe le pont de Lodi, pris Mantoue. Au bout de ce temps, Championnet n'etait encore parvenu qu'a la porte de Saint-Janvier, et sur tous les autres points n'avait pas encore gagne un pouce de terrain. A tout cela on m'objectera sans doute la revolution de 1820, le passage des Abruzzes, abandonne presque sans combat. Je repondrai une seule chose: c'est que les chefs qui commandaient cette armee, et qui avaient en face d'eux les baionnettes autrichiennes, voyaient se relever derriere eux les buchers, les echafauds et les potences de 99; c'est qu'ils se savaient trahis a Naples, tandis qu'eux venaient mourir a la frontiere; c'est qu'enfin c'etait une guerre sociale que Pepe et Carrascosa avaient entreprise a leurs risques et perils, et que le peuple napolitain n'avait pas sanctionnee. Lorsque nous traversons Naples avec nos idees liberales, puisees, non pas dans l'etude individuelle des peuples, mais dans de simples theories emises par des publicistes, et que nous jetons un coup d'oeil leger a la surface de ce peuple que nous voyons couche presque nu sur le seuil des palais et dans les angles des places ou il mange, dort et se reveille, notre coeur se serre a la vue de cette misere apparente, et nous crions dans notre philanthropique elan: "Le peuple napolitain est le peuple le plus malheureux de la terre." Nous nous trompons etrangement. III. Chiaja. 27

« fortune sauves: pres de sa signature on lit celle de Foote, commandant la flotte britannique; de Keraudy, commandant la flotte russe; et de Bonnieu, commandant la flotte ottomane.

Mais, dans une nuit de debauche et d'orgie, Nelson a dechire le traite.

Le lendemain, il declare que la capitulation est nulle, que Bonnieu, Keraudy et Foote ont outre-passe leurs pouvoirs en transigeant avec les rebelles, et il livre a la haine de la cour, en echange de l'amour de lady Hamilton, les troupeaux de victimes qu'on lui demande.

Alors il y eut spectacle et joie pour bien des jours, car on avait a peu pres vingt mille tetes a faire tomber.

Eh bien! toutes ces tetes tomberent, et pas une seule ne tomba deshonoree par une larme ou par un soupir. Citons au hasard quelques exemples. Cyrillo et Pagano sont condamnes a etre pendus.

Comme Andre Chenier et Roucher, ils se rencontrent au pied de l'echafaud; la ils se disputent a qui mourra le premier; et comme aucun des deux ne veut ceder sa place a l'autre, ils tirent a la courte paille.

Pagano gagne, tend la main a Cyrillo, met la courte paille entre ses dents, et monte l'echelle infame, le sourire sur les levres et la serenite sur le front. Hector Caraffa, l'oncle du compositeur, est condamne a avoir la tete tranchee; il arriva sur l'echafaud; on s'informe s'il n'a pas quelque desir a exprimer. —Oui, dit-il, je desire regarder le fer de la mandaja. Et il est guillotine couche sur le dos, au lieu d'etre couche sur le ventre. Quoique cet article soit consacre a l'aristocratie, un mot sur le courage religieux.

Ce courage est celui du peuple. Au moment ou Championnet marchait sur Naples, proclamant la liberte des peuples et creant des republiques sur son passage, les royalistes repandirent le bruit dans la ville que les Francais venaient pour bruler les maisons, piller les eglises, enlever les femmes et les filles et transporter en France la statue de saint Janvier.

A ces accusations, d'autant plus accreditees qu'elles sont plus absurdes, les lazzaroni, que les mots d'honneur, de patrie et de liberte n'auraient pu tirer de leur sommeil, se levent des portiques des palais dont ils ont fait leur demeure, encombrent les places publiques, s'arment de pierres et de batons, et a moitie nus, sans chefs, sans tactique militaire, avec l'instinct de betes fauves qui gardent leur antre, leur femelle et leurs petits, aux cris de: Vive saint Janvier! vive la sainte Foi! mort aux Jacobins! ils combattent soixante heures les soldats qui avaient vaincu a Montenotte, passe le pont de Lodi, pris Mantoue.

Au bout de ce temps, Championnet n'etait encore parvenu qu'a la porte de Saint-Janvier, et sur tous les autres points n'avait pas encore gagne un pouce de terrain. A tout cela on m'objectera sans doute la revolution de 1820, le passage des Abruzzes, abandonne presque sans combat.

Je repondrai une seule chose: c'est que les chefs qui commandaient cette armee, et qui avaient en face d'eux les baionnettes autrichiennes, voyaient se relever derriere eux les buchers, les echafauds et les potences de 99; c'est qu'ils se savaient trahis a Naples, tandis qu'eux venaient mourir a la frontiere; c'est qu'enfin c'etait une guerre sociale que Pepe et Carrascosa avaient entreprise a leurs risques et perils, et que le peuple napolitain n'avait pas sanctionnee. Lorsque nous traversons Naples avec nos idees liberales, puisees, non pas dans l'etude individuelle des peuples, mais dans de simples theories emises par des publicistes, et que nous jetons un coup d'oeil leger a la surface de ce peuple que nous voyons couche presque nu sur le seuil des palais et dans les angles des places ou il mange, dort et se reveille, notre coeur se serre a la vue de cette misere apparente, et nous crions dans notre philanthropique elan: “Le peuple napolitain est le peuple le plus malheureux de la terre.” Nous nous trompons etrangement.

Le Corricolo III.

Chiaja.

27. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles