Le Corricolo de soin et d'attention pour trouver un general, un consul, un tribun, un senateur, un personnage notable enfin, qui fut mort tranquillement dans son lit.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
C'est la qu'Auguste vecut encore quarante-six ans, suppliant sans cesse le peuple de lui retirer le fardeau du
gouvernement, et sans cesse force par lui d'accepter de nouveaux honneurs.
Ayant beau dire qu'il n'etait qu'un
simple citoyen comme les autres, ayant beau se facher quand on l'appelait seigneur, ayant beau repeter que ses
noms etaient Caius Julius Cesar Octavianus et qu'il ne voulait etre appele d'aucun autre nom, il lui fallut se
resigner a etre prince, grand pontife, consul et regulateur des moeurs a perpetuite.
On avait voulu le nommer
tribun, mais il avait fait observer qu'en sa qualite de patricien il ne pouvait accepter cette charge.
Alors, au lieu
du tribunal, il avait recu la puissance tribunitienne.
C'etait bien peut-etre jouer un peu sur les mots, mais il y
avait de l'avocat dans Auguste, et c'etait par ce cote-la tres probablement que Salluste etait devenu si fort son
ami.
De cette facon, tout le monde etait content a Rome.
Les cesariens avaient un roi, ou du moins quelque chose
qui leur en tenait lieu.
Les republicains entendaient sans cesse parler de la republique, et d'ailleurs le S.P.Q.R.
etait partout, sur les enseignes, sur les faisceaux, sur la maison meme du prince.
Enfin les poetes, les peintres,
les artistes avaient Mecene, a qui Auguste avait transmis ses pleins pouvoirs, et qui se chargeait de leur
assurer cette aurea mediocritas tant vantee par Horace.
Au milieu de tous ces honneurs, Auguste restait toujours le meme: travaillant six heures par jour, mangeant du
pain bis, des figues et des petits poissons; jouant aux noix avec les polissons de Rome, et allant, vetu des
habits files par sa femme ou par ses filles, rendre temoignage pour un vieux soldat d'Actium.
Nous avons dit que sa maison du mont Palatin brula vers l'an 748.
A peine cet accident fut-il connu, que les
veterans, les decuries, les tribus souscrivirent pour une somme considerable, car ils voulaient que cette
maison, rebatie aux frais publics, attestat de l'amour public pour l'empereur.
Auguste fit venir les uns apres les
autres tous les souscripteurs, et, pour ne pas dire qu'il refusait leur offrande, prit a chacun d'eux un denier.
Puis, apres le tour des dieux, de l'aristocratie, du peuple, du tresor, vint le tour de Rome.
La ville republicaine
etait sale, etroite et sombre.
Le Forum antiquum etait devenu trop petit pour la population toujours croissante
de la reine du monde, le forum de Cesar etait encombre aux jours de fetes; Auguste fit batir un troisieme
forum entre le Capitolin et le Viminal, un temple de Jupiter tonnant au Capitole, un temple a Apolon sur le
mont Palatin, le theatre de Marcellus au Champ-de-Mars, enfin les portiques de Livie et d'Octavie, et la
basilique de Lucius et de Caius.
Ce n'est pas tout, en meme temps que les obelisques egyptiens s'elevaient sur
les places, que des routes magnifiques, partant de la meta sudans, s'elancaient vers tous les points du monde
comme les rayons d'une etoile, que soixante-sept lieues d'aqueducs et de canaux amenaient par jour a Rome
deux millions trois cent dix-neuf mille metres cubes d'eau, qu'Agrippa, tout en construisant son Pantheon,
distribuait en cinq cents fontaines, en cent soixante-dix bassins et en cent trente chateaux d'eau, Balbus
batissait un theatre, Philippe des musees, et Pollion un sanctuaire a la Liberte.
Ainsi, en presidant a ces immenses travaux, Auguste se sentait-il pris d'un, de ces rares mouvements d'orgueil
auxquels il permettait de se produire au grand jour.Voyez cette Rome, disait-il, je l'ai prise de brique, je la
rendrai de marbre.
Auguste eut une de ces longues existences comme le ciel en garde aux fondateurs de monarchies.
Il avait
soixante-seize ans, lorsqu'un jour qu'il naviguait entre les iles jetees au milieu du golfe de Naples comme des
corbeilles de fleurs et de verdure, il fut pris d'une douleur assez forte pour desirer relacher au port le plus
prochain.
Cependant il eut le temps d'arriver jusqu'a Nole; la il se sentit si mal qu'il s'alita.
Mais, loin de
deplorer la perte d'une existence si bien remplie, Auguste se prepara a la mort comme a une fete; il prit un
miroir, se fit friser les cheveux, se mit du rouge; puis, comme un acteur qui quitte la scene et qui, avant de
passer derriere la coulisse, demande un dernier compliment au parterre:
Messieurs, dit-il en se tournant vers les amis qui entouraient sa couche, repondez franchement, ai-je bien
joue la farce de la vie? Le Corricolo
III.
Le Tombeau de Virgile.
225.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- MORT D’UN PERSONNAGE de Jean Giono (résumé et analyse)
- EDGAR ou le Capitaine. Personnage de la Danse de mort
- KURT. Personnage de la Danse de mort ( 1900), drame de l’écrivain suédois August Strindberg
- Le personnage de IVAN ILITCH de Tolstoï la Mort d'Ivan Ilitch
- Mais, puisque Votre Altesse m'assure que La Mole n'est pas mort et que Sa Majesté doit savoir où il est, je vais faire provision de courage et aller la trouver.