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L'auberge de l'ange gardien Saint-Alexandre, des plaques en diamants, l'epee avec une poignee en diamants, et une foule de decorations de pays etrangers a la Russie.

Publié le 11/04/2014

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L'auberge de l'ange gardien Saint-Alexandre, des plaques en diamants, l'epee avec une poignee en diamants, et une foule de decorations de pays etrangers a la Russie. Elfy ne tarda pas a paraitre, jolie et charmante, avec sa robe de taffetas blanc, son voile de dentelle, sa couronne de roses blanches et de feuilles d'oranger. Des boucles d'oreilles, une broche et des epingles a cheveux en or et perles completaient la beaute de sa toilette et de sa personne. Mme Blidot avait une toilette elegante appropriee a ses vingt-neuf ans et a son etat de veuve. Moutier avait son riche costume de zouave tout neuf qui faisait valoir la beaute de sa taille et de sa figure. Les enfants etaient gentils et superbes. Derigny etait proprement habille, sans elegance et tout en noir. Seul il avait une teinte de tristesse repandue sur son visage. Ce mariage lui rappelait le sien, moins brillant, avec le meme bonheur en perspective, et ce bonheur s'etait termine par une longue souffrance. Il craignait aussi pour ses enfants les changements qu'amenerait certainement ce mariage. Et puis, son retour a lui ne l'obligerait-il pas a separer ses enfants d'avec Mme Blidot qu'ils aimaient tant? La proposition du general lui revenait sans cesse; il ne savait quel parti prendre: la rejeter, c'etait replonger ses enfants dans la misere; l'accepter c'etait assurer leur avenir, mais a quel prix! Quel voyage! quelle position incertaine! quel climat a affronter! Et quel chagrin a leur infliger que de les priver des soins et de la tendresse de Mme Blidot! Ce furent ces reflexions, reveillees par le mariage d'Elfy, qui attristerent sa physionomie. Le general le regarda un instant, devina ses preoccupations: "Courage, mon ami, lui dit-il. Je suis la, moi; j'arrangerai votre vie comme j'ai arrange celle de Moutier; vous aurez vos enfants et encore du bonheur devant vous." Derigny sourit tristement en remerciant le general et chercha a secouer les pensees penibles qui l'obsedaient. Les temoins, les garcons et les filles de noce ne tarderent pas a arriver; ils etaient tous dans l'admiration du brillant general, du superbe zouave et de la toilette de la mariee. Il faisait un temps magnifique, un beau soleil du mois d'aout mais sans trop d'ardeur, et pas de vent. On se mit en marche vers la mairie; comme la veille, le general donnait le bras a Elfy et Moutier a Mme Blidot. Derigny et les enfants suivaient. A la mairie, le mariage civil fut promptement termine, et on se dirigea vers l'eglise. La les attendait une nouvelle surprise. Toute l'eglise etait tendue en bleu, blanc et or. Une riche garniture d'autel, chandeliers, vases et fleurs, entourait un tabernacle de bronze dore artistement travaille. Le cure etait revetu d'une magnifique chasuble d'etoffe dite pluie d'or. Les chantres avaient des chapes rouge et or. Des prie-Dieu, neufs et brillants, etaient prepares pour les assistants; les prie-Dieu des maries etaient couverts de housses de velours rouge. Le general et Mme Blidot se placerent l'un a droite, l'autre a gauche des maries; chacun prit place, et la ceremonie commenca. Jacques et Paul tinrent le poele sur la tete du jeune couple; ils etaient, apres Moutier et Elfy, les plus heureux de toute l'assemblee, car aucun souci, aucune inquietude, aucun souvenir penible ne se melaient a leur joie. Mme Blidot les contemplait avec amour et orgueil. Mais subitement son visage s'assombrit en jetant un coup d'oeil sympathique sur Derigny: la tristesse de son regard lui revela les inquietudes qui l'assiegeaient, et a elle aussi la separation d'avec les enfants lui apparut terrible et prochaine. Elle essaya de chasser cette cruelle pensee et se promit d'eclaircir la question avec Derigny a la plus prochaine Occasion. La ceremonie etait termine; Elfy etait la femme de Moutier qui la recut a la sacristie des mains du general. Ils avaient tous les deux l'air radieux. Moutier emmena sa femme, et, suivant la recommandation du general, la mena dans la maison du General reconnaissant, ou devaient se reunir les invites. Toute la noce suivit les maries, le general toujours en tete, mais cette fois menant Mme Blidot au lieu d'Elfy. LE GENERAL.--A quand votre noce, ma petite femme? MADAME BLIDOT.--La mienne? Oh! general, jamais! Vous pouvez: m'en croire. J'ai eu assez de la premiere. XXII. La noce. 79 L'auberge de l'ange gardien LE GENERAL.--Comme vous dites ca, ma pauvre petite femme! Vous avez l'air d'un enterrement. MADAME BLIDOT.--Oh! general! c'est que j'ai la mort dans l'ame! LE GENERAL.--Un jour comme celui-ci? par exemple! MADAME BLIDOT.--General, vous savez que Jacques et Paul sont ma plus chere, ma plus vive affection. Voici leur pere revenu; me les laissera-t-il? consentira-t-il jamais a s'en separer? LE GENERAL.--Pour dire vrai, je ne le crois pas, ma bonne amie. Mais, que diantre! nous n'y sommes pas encore! Et puis je suis la, moi. Ayez donc confiance dans le vieux general. Voyez la noce, le contrat, le diner et tout; vous etiez d'une inquietude, d'une agitation! Eh bien, qu'en dites-vous? Ai-je bien mene l'affaire? A-t-on manque de quelque chose? De meme pour les enfants, je vous dis: Soyez tranquille; il dependra de vous de les garder toujours, avec l'autorite d'une mere.. MADAME BLIDOT..--Oh! si cela ne dependait que de moi, ce serait fait! --Bon! souvenez-vous de ce que vous venez de dire. Je vous le rappellerai en temps et lieu, et vous aurez vos enfants. Nous voici arrives; plus de tristesse; ne songeons qu'a nous rejouir; sans oublier de boire et de manger. Le general quitta Mme Blidot pour jeter un coup d'oeil sur le diner. Tout etait pret; il fut content de l'aspect general et revint pres d'Elfy pour l'avertir qu'on allait servir. La porte du fond s'ouvrit, et un maitre d'hotel, en grande tenue parisienne, annonca: "Le general est servi." Une salle immense s'offrit a la vue des convives etonnes et d'Elfy enchantee. La cour avait ete convertie en salle a manger; des tentures rouges garnissaient tous les murs; un vitrage l'eclairait par en haut; la table, de cinquante-deux couverts, etait splendidement garnie et ornee de cristaux, de bronzes, de candelabres, etc. Le general donna le bras a Elfy qu'il placa a sa droite; a sa gauche, le cure; pres d'Elfy, son mari; pres du cure, le notaire. En face du general, Mme Blidot; a sa droite, Derigny et ses enfants; a sa gauche, le maire et l'adjoint. Puis les autres convives se placerent a leur convenance. "Potages: bisque aux ecrevisses! potage a la tortue!" annonca le maitre d'hotel. Tout le monde voulut gouter des deux pour savoir lequel etait le meilleur; la question resta indecise. Le general gouta, approuva, et en redemanda deux fois. On se lechait les levres; les gourmands regardaient avec des yeux de convoitise ce qui restait des potages inconnus et admirables. "Turbot sauce crevette! saumon sauce imperiale! filets de chevreuil sauce madere!" Le silence regnait parmi les convives; chacun mangeait, savourait; quelques vieux pleuraient d'attendrissement de la bonte du diner et de la magnificence du general. Le citoyen qui connaissait si bien Paris et ses theatres approuvait tout haut: "Bon! tres bon! bien cuit! bonne sauce! comme chez Very." "Ailes de perdreaux aux truffes!" Mouvement general; aucun des convives n'avait de sa vie goute ni flaire une truffe; aussi le maitre d'hotel s'estima-t-il fort heureux de pouvoir en fournir a toute la table; le plat se degarnissait a toute minute; mais il y XXII. La noce. 80

« LE GENERAL.—Comme vous dites ca, ma pauvre petite femme! Vous avez l'air d'un enterrement. MADAME BLIDOT.—Oh! general! c'est que j'ai la mort dans l'ame! LE GENERAL.—Un jour comme celui-ci? par exemple! MADAME BLIDOT.—General, vous savez que Jacques et Paul sont ma plus chere, ma plus vive affection. Voici leur pere revenu; me les laissera-t-il? consentira-t-il jamais a s'en separer? LE GENERAL.—Pour dire vrai, je ne le crois pas, ma bonne amie.

Mais, que diantre! nous n'y sommes pas encore! Et puis je suis la, moi.

Ayez donc confiance dans le vieux general.

Voyez la noce, le contrat, le diner et tout; vous etiez d'une inquietude, d'une agitation! Eh bien, qu'en dites-vous? Ai-je bien mene l'affaire? A-t-on manque de quelque chose? De meme pour les enfants, je vous dis: Soyez tranquille; il dependra de vous de les garder toujours, avec l'autorite d'une mere.. MADAME BLIDOT..—Oh! si cela ne dependait que de moi, ce serait fait! —Bon! souvenez-vous de ce que vous venez de dire.

Je vous le rappellerai en temps et lieu, et vous aurez vos enfants.

Nous voici arrives; plus de tristesse; ne songeons qu'a nous rejouir; sans oublier de boire et de manger.

Le general quitta Mme Blidot pour jeter un coup d'oeil sur le diner.

Tout etait pret; il fut content de l'aspect general et revint pres d'Elfy pour l'avertir qu'on allait servir.

La porte du fond s'ouvrit, et un maitre d'hotel, en grande tenue parisienne, annonca: “Le general est servi.” Une salle immense s'offrit a la vue des convives etonnes et d'Elfy enchantee.

La cour avait ete convertie en salle a manger; des tentures rouges garnissaient tous les murs; un vitrage l'eclairait par en haut; la table, de cinquante-deux couverts, etait splendidement garnie et ornee de cristaux, de bronzes, de candelabres, etc. Le general donna le bras a Elfy qu'il placa a sa droite; a sa gauche, le cure; pres d'Elfy, son mari; pres du cure, le notaire.

En face du general, Mme Blidot; a sa droite, Derigny et ses enfants; a sa gauche, le maire et l'adjoint.

Puis les autres convives se placerent a leur convenance. “Potages: bisque aux ecrevisses! potage a la tortue!” annonca le maitre d'hotel. Tout le monde voulut gouter des deux pour savoir lequel etait le meilleur; la question resta indecise.

Le general gouta, approuva, et en redemanda deux fois.

On se lechait les levres; les gourmands regardaient avec des yeux de convoitise ce qui restait des potages inconnus et admirables. “Turbot sauce crevette! saumon sauce imperiale! filets de chevreuil sauce madere!” Le silence regnait parmi les convives; chacun mangeait, savourait; quelques vieux pleuraient d'attendrissement de la bonte du diner et de la magnificence du general.

Le citoyen qui connaissait si bien Paris et ses theatres approuvait tout haut: “Bon! tres bon! bien cuit! bonne sauce! comme chez Very.” “Ailes de perdreaux aux truffes!” Mouvement general; aucun des convives n'avait de sa vie goute ni flaire une truffe; aussi le maitre d'hotel s'estima-t-il fort heureux de pouvoir en fournir a toute la table; le plat se degarnissait a toute minute; mais il y L'auberge de l'ange gardien XXII.

La noce.

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