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La Vigne et la Maison. Psalmodies de l'Ame.

Publié le 10/07/2011

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DIALOGUE ENTRE MON AME ET MOI.

MOI.

Quel fardeau te pèse, ô mon âme! Sur ce vieux lit des jours par l'ennui retourné, Comme un fruit de douleurs qui pèse aux flancs de femme, Impatient de naître et pleurant d'être né? La nuit tombe, ô mon âme ! un peu de veille encore ! Ce coucher d'un soleil est d'un autre l'aurore Vois comme avec tes sens s'écroule ta prison ! Vois comme aux premiers vents de la précoce automne Sur les bords de l'étang où le roseau frissonne, S'envole brin à brin le duvet du chardon ! Vois comme de mon front la couronne est fragile! Vois comme cet oiseau dont le nid est la tuile Nous suit pour emporter à son frileux asile Nos cheveux blancs, pareils à la toison que file La vieille femme assise au seuil de sa maison ! Dans un lointain qui fuit ma jeunesse recule, Ma sève refroidie avec lenteur circule, L'arbre quitte sa feuille et va nouer son fruit: Bénis plutôt ce Dieu qui place un crépuscule Ne presse pas ces jours qu'un autre doigt calcule, Entre les bruits du soir et la paix de la nuit! Moi qui par des concerts saluai ta naissance, Moi qui te réveillai neuve à cette existence Avec des chants de fête et des chants d'espérance, Moi qui fis de ton cœur chanter chaque soupir, Veux-tu que, remontant ma harpe qui sommeille, Comme un David assis près d'un Saül qui veille, Je chante encor pour t'assoupir?

L'AME. Non ! Depuis qu'en ces lieux le temps m'oublia seule, La terre m'apparaît vieille comme une aïeule Qui pleure ses enfants sous ses robes de deuil. Je n'aime des longs jours que l'heure des ténèbres, Je n'écoute des chants que ces strophes funèbres Que sanglote le prêtre en menant un cercueil.

MOI. Pourtant le soir qui tombe a des langueurs sereines Que la fin donne à tout, aux bonheurs comme aux peines; Le linceul même est tiède au cœur enseveli: On a vidé ses yeux de ses dernières larmes, L'âme à son désespoir trouve de tristes charmes, Et des bonheurs perdus se sauve dans l'oubli.

L'ensemble. — Plus de vingt ans après « Milly «, Lamartine a consacré un autre poème à la maison dans laquelle s'étaient écoulées son enfance et sa jeunesse. Il y est revenu, vieillard, pour y assister à des dernières vendanges. On comprend quelles impressions douloureuses de solitude et de tristesse il peut éprouver dans cette demeure abandonnée où surgissent tant de chers fantômes. C'est ce qu'il exprime dans un poème assez long, composé sous forme de dialogue entre son âme et lui-même. Il s'agit donc là d'une sorte de lyrisme à deux voix, analogue à celui de Musset dans les Nuits. L'âme joue ici le rôle de la Muse, mais, au lieu d'encourager le poète, elle semble plus désespérée que lui. Lamartine chante, dans ce poème, la déchirante douceur du souvenir, la tristesse des adieux définitifs, la mélancolie de l'âge et la grandeur de l'idée de famille. Le titre se fonde, d'une part sur la cc maison « de Milly, d'autre part sur le vignoble qui l'entoure et qui constituait le patrimoine héréditaire de Lamartine. 

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