Devoir de Philosophie

La Terre Elle repliqua rudement: --La mere m'a desobei, l'enfant ne m'est de rien.

Publié le 11/04/2014

Extrait du document

La Terre Elle repliqua rudement: --La mere m'a desobei, l'enfant ne m'est de rien. --Eh bien! je vous ai assez prevenue, je vous repete, moi, que vous irez en enfer, si vous avez mauvais coeur.... L'autre jour, sans ce que je lui ai donne, il serait mort de faim, et aujourd'hui j'ai ete oblige d'inventer du travail. Au mot d'enfer, la Grande avait eu un mince sourire. Comme elle le disait, elle en savait trop, l'enfer etait sur cette terre, pour le pauvre monde. Mais la vue d'Hilarion portant les dalles la faisait reflechir, plus que les menaces du pretre. Elle etait surprise, jamais elle ne l'aurait cru si fort, avec ses jambes en manches de veste. --S'il veut du travail, reprit-elle enfin, peut-etre tout de meme qu'on lui en trouvera. --Sa place est chez vous, prenez-le, la Grande! --On verra, qu'il vienne demain. Hilarion, qui avait compris, se mit a trembler tellement, qu'il faillit s'ecraser les pieds, en laissant tomber son dernier morceau de dalle, dehors. Et il eut, quand il s'eloigna, un regard furtif sur sa grand'mere, un regard d'animal battu, epouvante et soumis. Une demi-heure encore se passa. Becu, las de sonner, fumait de nouveau sa pipe. Et la Grande, muette, imperturbable, restait la, comme si sa presence eut suffi a la politesse qu'on devait au cure; pendant que celui-ci, dont l'exasperation montait, allait a chaque instant, sur la porte de l'eglise, jeter, au travers de la place vide, un regard flamboyant vers la maison des Buteau. --Mais sonnez donc, Becu! cria-t-il tout d'un coup. Si, dans trois minutes, ils ne sont pas ici, je file, moi! Alors, dans la reprise affolee de la cloche, qui fit envoler et croasser les corbeaux centenaires, on vit les Buteau et leur monde sortir un a un, puis traverser la place. Lise etait consternee, la marraine n'arrivait toujours pas. On avait decide de se rendre doucement a l'eglise, avec l'espoir que cela la ferait venir. Il n'y avait pas cent metres, l'abbe Godard les bouscula tout de suite. --Dites-le, si c'est pour vous moquer de moi! J'ai des complaisances, et voila une heure que j'attends! Depechons, depechons! Et il les poussait vers le baptistere, la mere qui portait le nouveau-ne, le pere, le grand-pere Fouan, l'oncle Delhomme, la tante Fanny, jusqu'a M. Charles, tres digne en parrain, dans sa redingote noire. --Monsieur le cure, demanda Buteau, d'un air d'humilite exageree ou ricanait une malice, si c'etait un effet de votre bonte d'attendre encore un petit peu. --Qui, attendre? --Mais la marraine, monsieur le cure. L'abbe Godard devint rouge, a faire craindre un coup de sang. Il etouffait, il begaya: --Prenez-en une autre! VI 147 La Terre Tous se regarderent, Delhomme et Fanny hocherent la tete, Fouan declara: --Ca ne se peut pas, ce serait une sottise. --Mille pardons, monsieur le cure, dit M. Charles, qui crut devoir expliquer les choses en homme de belle education, c'est de notre faute, sans l'etre.... Ma femme m'avait formellement ecrit qu'elle rentrerait ce matin. Elle est a Chartres.... L'abbe Godard eut un sursaut, jete hors de lui, perdant cette fois toute mesure. --A Chartres, a Chartres.... Je regrette pour vous que vous soyez la-dedans, monsieur Charles. Mais ca ne peut pas continuer, non, non! je ne tolererai pas davantage.... Et il eclata. --On ne sait qu'elle avanie faire a Dieu dans ma personne, c'est un nouveau soufflet chaque fois que je viens a Rognes.... Eh bien! je vous en ai menaces assez souvent, je m'en vais aujourd'hui, et pour ne plus revenir. Dites ca a votre maire, cherchez un cure et payez-le, si vous en voulez un.... Moi, je parlerai a monseigneur, je lui raconterai qui vous etes, je suis bien sur qu'il m'approuvera.... Oui, nous verrons qui sera puni. Vous allez vivre sans pretre, comme des betes.... Ils l'ecoutaient tous, curieusement, avec la parfaite indifference, au fond, de gens pratiques qui ne craignaient plus son Dieu de colere et de chatiment. A quoi bon trembler et s'aplatir, acheter le pardon, puisque l'idee du diable les faisait rire desormais, et qu'ils avaient cesse de croire le vent, la grele, le tonnerre, aux mains d'un maitre vengeur? C'etait bien sur du temps perdu, valait mieux garder son respect pour les gendarmes du gouvernement, qui etaient les plus forts. L'abbe Godard vit Buteau goguenard, la Grande dedaigneuse, Delhomme et Fouan eux-memes tres froids, sous la deference de leur gravite; et ce peuple qui lui echappait acheva la rupture. --Je sais bien que vos vaches ont plus de religion que vous.... Adieu! et trempez-le dans la mare, pour le baptiser, votre enfant de sauvages! Il courut arracher son surplis, il retraversa l'eglise et s'en alla, dans un tel coup de tempete, que les gens du bapteme, laisses ainsi en detresse, n'eurent pas le temps d'ajouter une parole, beants, les yeux ecarquilles. Mais le pis fut qu'a ce moment, comme l'abbe Godard devalait dans la nouvelle rue a Macqueron, on vit arriver par la route une carriole, ou se trouvait Mme Charles et Elodie. La premiere expliqua qu'elle s'etait arretee a Chateaudun, desireuse d'embrasser la chere petite, et qu'on lui avait permis de l'emmener en vacances, deux jours. Elle se montrait desolee du retard, elle n'avait pas meme pousse jusqu'a Roseblanche pour deposer sa malle. --Faut courir apres le cure, dit Lise. Il n'y a que les chiens qu'on ne baptise pas. --Buteau prit sa course, et on l'entendit a son tour descendre au galop la rue a Macqueron. Mais l'abbe Godard avait de l'avance, le pere passa le pont, monta la cote, ne l'apercut qu'a la crete, au detour du chemin. --Monsieur le cure! monsieur le cure! Il finit par se retourner et attendre. VI 148

« Tous se regarderent, Delhomme et Fanny hocherent la tete, Fouan declara: —Ca ne se peut pas, ce serait une sottise. —Mille pardons, monsieur le cure, dit M.

Charles, qui crut devoir expliquer les choses en homme de belle education, c'est de notre faute, sans l'etre....

Ma femme m'avait formellement ecrit qu'elle rentrerait ce matin. Elle est a Chartres.... L'abbe Godard eut un sursaut, jete hors de lui, perdant cette fois toute mesure. —A Chartres, a Chartres....

Je regrette pour vous que vous soyez la-dedans, monsieur Charles.

Mais ca ne peut pas continuer, non, non! je ne tolererai pas davantage.... Et il eclata. —On ne sait qu'elle avanie faire a Dieu dans ma personne, c'est un nouveau soufflet chaque fois que je viens a Rognes....

Eh bien! je vous en ai menaces assez souvent, je m'en vais aujourd'hui, et pour ne plus revenir. Dites ca a votre maire, cherchez un cure et payez-le, si vous en voulez un....

Moi, je parlerai a monseigneur, je lui raconterai qui vous etes, je suis bien sur qu'il m'approuvera....

Oui, nous verrons qui sera puni.

Vous allez vivre sans pretre, comme des betes.... Ils l'ecoutaient tous, curieusement, avec la parfaite indifference, au fond, de gens pratiques qui ne craignaient plus son Dieu de colere et de chatiment.

A quoi bon trembler et s'aplatir, acheter le pardon, puisque l'idee du diable les faisait rire desormais, et qu'ils avaient cesse de croire le vent, la grele, le tonnerre, aux mains d'un maitre vengeur? C'etait bien sur du temps perdu, valait mieux garder son respect pour les gendarmes du gouvernement, qui etaient les plus forts. L'abbe Godard vit Buteau goguenard, la Grande dedaigneuse, Delhomme et Fouan eux-memes tres froids, sous la deference de leur gravite; et ce peuple qui lui echappait acheva la rupture. —Je sais bien que vos vaches ont plus de religion que vous....

Adieu! et trempez-le dans la mare, pour le baptiser, votre enfant de sauvages! Il courut arracher son surplis, il retraversa l'eglise et s'en alla, dans un tel coup de tempete, que les gens du bapteme, laisses ainsi en detresse, n'eurent pas le temps d'ajouter une parole, beants, les yeux ecarquilles. Mais le pis fut qu'a ce moment, comme l'abbe Godard devalait dans la nouvelle rue a Macqueron, on vit arriver par la route une carriole, ou se trouvait Mme Charles et Elodie.

La premiere expliqua qu'elle s'etait arretee a Chateaudun, desireuse d'embrasser la chere petite, et qu'on lui avait permis de l'emmener en vacances, deux jours.

Elle se montrait desolee du retard, elle n'avait pas meme pousse jusqu'a Roseblanche pour deposer sa malle. —Faut courir apres le cure, dit Lise.

Il n'y a que les chiens qu'on ne baptise pas. —Buteau prit sa course, et on l'entendit a son tour descendre au galop la rue a Macqueron.

Mais l'abbe Godard avait de l'avance, le pere passa le pont, monta la cote, ne l'apercut qu'a la crete, au detour du chemin. —Monsieur le cure! monsieur le cure! Il finit par se retourner et attendre.

La Terre VI 148. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles