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La tentation de Saint Antoine Parmi ces consolateurs, Antoine remarque un homme chauve, en tunique noire, dont la figure s'est deja montree quelque part; il les entretient du neant du monde et de la felicite des elus.

Publié le 11/04/2014

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La tentation de Saint Antoine Parmi ces consolateurs, Antoine remarque un homme chauve, en tunique noire, dont la figure s'est deja montree quelque part; il les entretient du neant du monde et de la felicite des elus. Antoine est transporte d'amour. Il souhaite l'occasion de repandre sa vie pour le Sauveur, ne sachant pas s'il n'est point lui-meme un de ces martyrs. Mais, sauf un Phrygien a longs cheveux, qui reste les bras leves, tous ont l'air triste. Un vieillard sanglote sur un banc, et un jeune homme reve, debout, la tete basse. LE VIEILLARD n'a pas voulu payer, a l'angle d'un carrefour, devant une statue de Minerve; et il considere ses compagnons avec un regard qui signifie: Vous auriez du me secourir! Des communautes s'arrangent quelquefois pour qu'on les laisse tranquilles. Plusieurs d'entre vous ont meme obtenu de ces lettres declarant faussement qu'on a sacrifie aux idoles. Il demande: N'est-ce pas Petrus d'Alexandrie qui a regle ce qu'on doit faire quand on a flechi dans les tourments? Puis, en lui-meme: Ah! cela est bien dur a mon age! mes infirmites me rendent si faible! Cependant, j'aurais pu vivre jusqu'a l'autre hiver, encore! Le souvenir de son petit jardin l'attendrit;--et il regarde du cote de l'autel. LE JEUNE HOMME qui a trouble, par des coups, une fete d'Apollon, murmure: Il ne tenait qu'a moi, pourtant, de m'enfuir dans les montagnes! --Les soldats t'auraient pris, dit un des freres. --Oh! j'aurais fait comme Cyprien; je serais revenu; et, la seconde fois, j'aurais eu plus de force, bien sur! Ensuite, il pense aux jours innombrables qu'il devait vivre, a toutes les joies qu'il n'aura pas connues;--et il regarde du cote de l'autel. Mais L'HOMME EN TUNIQUE NOIRE accourt sur lui: Quel scandale! Comment, toi, une victime d'election? Toutes ces femmes qui te regardent, songe donc! Et puis Dieu, quelquefois, fait un miracle. Pionius engourdit la main de ses bourreaux, le sang de Polycarpe eteignait les flammes de son bucher. Il se tourne vers le vieillard: IV 45 La tentation de Saint Antoine Pere, pere! tu dois nous edifier par ta mort. En la retardant, tu commettrais sans doute quelque action mauvaise qui perdrait le fruit des bonnes. D'ailleurs la puissance de Dieu est infinie. Peut-etre que ton exemple va convertir le peuple entier. Et dans la loge en face, les lions passent et reviennent sans s'arreter, d'un mouvement continu, rapide. Le plus grand tout a coup regarde Antoine, se met a rugir--et une vapeur sort de sa gueule. Les femmes sont tassees contre les hommes. LE CONSOLATEUR va de l'un a l'autre. Que diriez-vous, que dirais-tu, si on te brulait avec des plaques de fer, si des chevaux t'ecarteraient, si ton corps enduit de miel etait devore par les mouches! Tu n'auras que la mort d'un chasseur qui est surpris dans un bois. Antoine aimerait mieux tout cela que les horribles betes feroces; il croit sentir leurs dents, leurs griffes, entendre ses os craquer dans leurs machoires. Un belluaire entre dans le cachot; les martyrs tremblent. Un seul est impassible, le Phrygien, qui priait a l'ecart. Il a brule trois temples; et il s'avance les bras leves, la bouche ouverte, la tete au ciel, sans rien voir, comme un somnambule. LE CONSOLATEUR s'ecrie: Arriere! arriere! L'esprit de Montanus vous prendrait. TOUS reculent, en vociferant: Damnation au Montaniste! Ils l'injurient, crachent dessus, voudraient le battre. Les lions cabres se mordent a la criniere. Le peuple hurle: "Aux betes! aux betes!" Les martyrs eclatant en sanglots, s'etreignent. Une coupe de vin narcotique leur est offerte. Ils se la passent de main en main, vivement. Contre la porte de la loge, un autre belluaire attend le signal. Elle s'ouvre; un lion sort. Il traverse l'arene, a grands pas obliques. Derriere lui, a la file, paraissent les autres lions, puis un ours, trois pantheres, des leopards. Ils se dispersent comme un troupeau dans une prairie. Le claquement d'un fouet retentit. Les chretiens chancellent,--et, pour en finir, leurs freres les poussent. Antoine ferme les yeux. IV 46

« Pere, pere! tu dois nous edifier par ta mort.

En la retardant, tu commettrais sans doute quelque action mauvaise qui perdrait le fruit des bonnes.

D'ailleurs la puissance de Dieu est infinie.

Peut-etre que ton exemple va convertir le peuple entier. Et dans la loge en face, les lions passent et reviennent sans s'arreter, d'un mouvement continu, rapide.

Le plus grand tout a coup regarde Antoine, se met a rugir—et une vapeur sort de sa gueule. Les femmes sont tassees contre les hommes. LE CONSOLATEUR va de l'un a l'autre. Que diriez-vous, que dirais-tu, si on te brulait avec des plaques de fer, si des chevaux t'ecarteraient, si ton corps enduit de miel etait devore par les mouches! Tu n'auras que la mort d'un chasseur qui est surpris dans un bois. Antoine aimerait mieux tout cela que les horribles betes feroces; il croit sentir leurs dents, leurs griffes, entendre ses os craquer dans leurs machoires. Un belluaire entre dans le cachot; les martyrs tremblent. Un seul est impassible, le Phrygien, qui priait a l'ecart.

Il a brule trois temples; et il s'avance les bras leves, la bouche ouverte, la tete au ciel, sans rien voir, comme un somnambule. LE CONSOLATEUR s'ecrie: Arriere! arriere! L'esprit de Montanus vous prendrait. TOUS reculent, en vociferant: Damnation au Montaniste! Ils l'injurient, crachent dessus, voudraient le battre. Les lions cabres se mordent a la criniere.

Le peuple hurle: “Aux betes! aux betes!” Les martyrs eclatant en sanglots, s'etreignent.

Une coupe de vin narcotique leur est offerte.

Ils se la passent de main en main, vivement. Contre la porte de la loge, un autre belluaire attend le signal.

Elle s'ouvre; un lion sort. Il traverse l'arene, a grands pas obliques.

Derriere lui, a la file, paraissent les autres lions, puis un ours, trois pantheres, des leopards.

Ils se dispersent comme un troupeau dans une prairie. Le claquement d'un fouet retentit.

Les chretiens chancellent,—et, pour en finir, leurs freres les poussent. Antoine ferme les yeux.

La tentation de Saint Antoine IV 46. »

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