La technique, condition nécessaire de l'esprit expérimental.
Publié le 11/05/2011
Extrait du document

Le cordeau, le coin, le clou, la roue, le levier, sont des objets de choix pour l'entendement. Il est remarquable que le monde animal ne fasse point voir la moindre trace d'une action par outil. Il est vrai aussi que les animaux n'ont point de monuments ni aucun genre d'écriture. Aucun langage véritable ne lie une génération à l'autre. Ils ne reçoivent en héritage que leur forme ; aussi n'ont-ils d'autres instruments que leurs pattes et mandibules, ou, pour mieux dire, leur corps entier qui se fait place. Ils travaillent comme ils déchirent, mastiquent et digèrent, réduisent en pulpe tout ce qui se laisse broyer. Au contraire, l'outil est quelque chose qui résiste, et qui impose sa forme à la fois à l'action et à la chose faite. Par la seule faux, l'art de faucher est transmis du père à l'enfant. L'arc veut une position des bras et de tout le corps, et ne cède point. La scie de même ; les dents de fer modèrent l'effort et réglementent le mouvement ; c'est tout à fait autre chose que de ronger. Tel est le premier aspect de l'outil. J'en aperçois un autre, qui est que l'outil est comme une armure. Car le corps vivant est aisément meurtri, et la douleur détourne ; au lieu que l'outil oppose solide à solide, ce qui fait que le jeu des muscles perce enfin le bois, la roche, et le fer même. Le lion mord vainement l'épieu, le javelot, la flèche. Ainsi l'homme n'est plus à corps perdu dans ses actions mais il envoie l'outil à la découverte. Si le rocher en basculant retient le pioche ou le pic, ce n'est pas comme s'il serrait la main ou le bras. L'homme se retrouve intact, et la faute n'est point sans remède. D'où un genre de prudence où il n'y a point de peur. On comprend d'après ces remarques la puissance de l'outil. On y voit même une condition de la pensée, qui est l'essai sans risque. Nos instruments nous permettent de manier le feu ; mais l'animal ne peut rien faire du feu. ALAIN.
Liens utiles
- Pour la nouvelle philosophie, l'ordre constitue sans cesse la condition fondamentale du progrès; et, réciproquement, le progrès devient le but nécessaire de l'ordre. Discours sur l'esprit positif Comte, Auguste. Commentez cette citation.
- Pour la nouvelle philosophie, l'ordre constitue sans cesse la condition fondamentale du progrès; et, réciproquement, le progrès devient le but nécessaire de l'ordre. [ Discours sur l'esprit positif ] Comte, Auguste. Commentez cette citation.
- La technique peut-elle changer la condition humaine ?
- Ribot a écrit : « L'attention, sous ses deux formes, est un état exceptionnel, anormal, en contradiction avec la condition fondamentale de la vie de l’esprit qui est le changement ». Expliquer et discuter cette idée.
- « L'attention, dit Ribot, est un état exceptionnel, anormal, en contra¬diction avec la condition fondamentale de l'esprit qui est le change¬ment. » Cette opinion vous parait-elle justifiée?