La souffrance selon le milieu social...
Publié le 14/09/2013
Extrait du document
Présentation du texte:
Le texte qui vous est proposé est extrait d’un article de David Le Breton intitulé «Les dimensions
culturelles de la douleur« paru dans la revue Sciences Humaines (Sciences Humaines n°49, avril
1995, 23-25).
David Le Breton est professeur de Sociologie à l’Université de Paris X - Nanterre. Il a notamment
publié Anthropologie de la douleur, Métailié, 1995; La sociologie du corps, Puf «Que sais-je ?«,
1992; Anthropologie du corps et modernité, Puf, 1990.
Il vous est demandé d’en faire la synthèse en 100, +/- 10 mots. Vous disposez pour cette épreuve de
55 minutes.
La souffrance selon le milieu social...
Dans les milieux sociaux les plus démunis, «On ne s’écoute pas« et, par une nécessité sociale
devenue comme une seconde nature, «On est dur au mal«. La nécessité fait loi et s’impose comme une
forme de valorisation de soi et d’affirmation de dignité devant l’adversité. Le sentiment
d’impuissance, éprouvé devant une société où l’on peine à trouver sa place, est relayé ici par une
forme de revanche prise sur son propre corps devenu lieu de souveraineté personnelle. Il faut que
l’intensité de la douleur entrave péniblement l’exercice de la vie quotidienne pour mériter
l’attention. Ainsi, chez les personnes sans domicile fixe, le manque de ressources et le sentiment
de rejet et d’abandon amènent au désinvestissement de soi, au mépris du corps et à l’indifférence
devant sa santé. Les plaies, les caries, les infections ne sont pas soignées, il faut vivre avec,
la douleur n’étant qu’un ajout à une déroute personnelle déjà consommée.
Dans les milieux ouvriers, on vit souvent avec la gêne tant qu’elle n’altère pas en profondeur la
relation au monde. «Ca finira bien par passer«, dit-on. Il n’est pas légitime de «trop s’écouter«
et on «prend sur soi« plutôt que de perdre une journée de travail et de consulter le médecin.
Douleur et maladie ne sont perçues que si elles entravent sensiblement les activités
professionnelles et personnelles. Le fait de ne jamais prendre un arrêt de travail malgré la
souffrance ressentie fut longtemps l’une des fiertés du monde ouvrier, un signe de résistance et de
force.
Mais l’avancée des valeurs de la modernité et la diffusion d’un certain imaginaire médical amènent
les acteurs à une moindre tolérance au mal. Le travail, autrefois valeur relativement unanime, est
devenu obligation sociale. Cette mutation, même si elle n’est pas absolue, a diminué les anciennes
valeurs ouvrières de résistance à la fatigue et de négligence face à sa santé. La distance entre la
culture ouvrière et le recours médical est bien moindre aujourd’hui.
Dans les milieux ruraux, la dureté au mal reste prononcée, appuyée sur des impératifs économiques
et sur une organisation exigeante du labeur quotidien. Les travaux de la ferme n’autorisent guère
le loisir ou la complaisance au mal quand il faut traire les vaches, donner à manger aux animaux,
semer ou récolter. Laurence Wylie parle d’attitude «spartiate« face à la douleur des habitants d’un
village du Vaucluse. On évoque la «fatigue« plutôt que la maladie : «On est fatigué quand on n’a
plus la force de travailler et qu’on doit se mettre au lit«.
Dans les couches sociales moyennes, et surtout privilégiées, la relation au corps est faite d’une
attention aiguisée, en prise sur les conseils vulgarisés dispensés par la médecine. La distinction
entre santé et maladie n’a pas le caractère tranché et sans appel des milieux populaires. Le
critère d’appréciation de la douleur ou de la morbidité réfère à un usage coutumier de son corps.
Il ne soulève que secondairement la question de la relation à la vie professionnelle, qui est
centrale pour les milieux populaires.
avid Le breton
Sciences Humaines n°49 - avril 1995
Liens utiles
- Alors qu'on pouvait lire dans la Revue « Le Réalisme », publiée vers 1860 : « Le Réalisme conclut à la reproduction exacte, complète, sincère du milieu social, de l'époque où l'on vit... », Montherlant a écrit : « Il ne faut pas qu'un écrivain s'intéresse trop à son époque, sous peine de faire des oeuvres qui n'intéressent que son époque. » Commentez et discutez ces deux points de vue contradictoires concernant la tâche du romancier. ?
- Action catholique Mouvement de laïcs catholiques institué dans l'entre-deux-guerres par les papes Léon XIII, Pie X et Pie XI, pour former des chrétiens engagés dans leur milieu de vie (familial, professionnel, social).
- ln medias res / Au milieu des faits
- stratégie du marketing social
- Note de synthèse Sur les principales dispositions de la réforme des soins en milieu pénitentiaire