La rotisserie de la Reine Pedauque petite, à Paris, après avoir tué le Portugais.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Hélas! Jahel, m'écriai-je dans une ardeur d'amour que me donnait sa dureté même, hélas! il ne me manquait
rien près de vous au château des Sablons.
Que vous y manquait-il, à vous, pour être heureuse?
Elle me fît signe que M.
d'Anquetil nous observait.
Le trait était raccommodé et la berline roulait entre les
coteaux de vignes.
Nous nous arrêtâmes à Nuits pour le souper et la couchée.
Mon bon maître but une demi-douzaine de
bouteilles de vin du cru, qui échauffa merveilleusement son éloquence.
M.
d'Anquetil lui rendit raison, le
verre à la main; mais, quant à lui tenir tête dans la conversation, c'est ce dont ce gentilhomme était bien
incapable.
La chère avait été bonne; le gîte fut mauvais.
M.
l'abbé Coignard coucha dans la chambre basse, sous
l'escalier, en un lit de plume qu'il partagea avec l'aubergiste et sa femme, et où ils pensèrent tous trois étouffer.
M.
d'Anquetil prit avec Jahel la chambre haute où le lard et les oignons pendaient aux solives.
Je montai par
une échelle au grenier, et je m'étendis sur la paille.
Ayant passé le fort de mon sommeil, la lune, dont la
lumière traversait les fentes du toit, glissa un rayon entre mes cils et les écarta à propos pour que je visse
Jahel, en bonnet de nuit, qui sortait de la trappe.
Au cri que je poussai, elle mit un doigt sur sa bouche.
Chut! me dit-elle, Maurice est ivre comme un portefaix et comme un marquis.
Il dort ci-dessous du
sommeil de Noé.
Qui est-ce, Maurice? demandai-je en me frottant les yeux.
C'est Anquetil.
Qui voulez-vous que ce soit?
Personne.
Mais je ne savais pas qu'il s'appelât Maurice.
Il n'y a pas longtemps que je le sais moi-même.
Mais il n'importe.
Vous avez raison, Jahel, cela n'importe pas.
Elle était en chemise et cette clarté de la lune s'égouttait comme du lait sur ses épaules nues.
Elle se coula à
mon côté, m'appela des noms les plus tendres et des noms les plus effroyablement grossiers qui glissaient sur
ses lèvres en suaves murmures.
Puis elle se tut et commença à me donner ces baisers qu'elle savait et auprès
desquels tous les embrassements des autres femmes semblent insipides.
La contrainte et le silence augmentaient la tension furieuse de mes nerfs.
La surprise, la joie d'une revanche et,
peut-être, une jalousie perverse, attisaient mes désirs.
L'élastique fermeté de sa chair et la souple violence des
mouvements dont elle m'enveloppait, demandaient, promettaient et méritaient les plus ardentes caresses.
Nous
connûmes, cette nuit-là, les voluptés dont l'abîme confine à la douleur.
En descendant, le matin, dans la cour de l'hôtellerie, j'y trouvai M.
d'Anquetil qui me parut moins odieux,
maintenant que je le trompais.
De son côté, il semblait plus attiré vers moi qu'il ne l'avait été depuis le
commencement du voyage.
Il me parla avec familiarité, sympathie, confiance, me reprochant seulement de
montrer à Jahel peu d'égards et d'empressement, et de ne pas lui rendre ces soins qu'un honnête homme doit
avoir pour toute femme.
Elle se plaint, dit-il, de votre incivilité.
Prenez-y garde, cher Tournebroche; je serais fâché qu'il y eût des
difficultés entre elle et vous.
C'est une jolie fille, et qui m'aime excessivement.
La berline roulait depuis une heure quand Jahel, ayant mis la tête à la portière, me dit: La rotisserie de la Reine Pedauque
La rotisserie de la Reine Pedauque 90.
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