La rotisserie de la Reine Pedauque --Comme je vous vois, répondit M.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
d'État.
Elle n'eut rien de si pressé que de jeter cette lettre au feu.
Ainsi, ce gentilhomme fut sauvé par ses bons
amis, le Sylphe et la maréchale.
Sont-ce là, je vous prie, monsieur l'abbé, des moeurs de démons? Mais je vais vous rapporter un trait auquel
vous serez plus sensible, et qui, j'en suis sûr, ira au coeur d'un savant homme tel que vous.
Vous n'ignorez
point que l'Académie de Dijon est fertile en beaux esprits.
L'un d'eux, dont le nom ne vous est point inconnu,
vivant au siècle dernier, préparait, en de doctes veilles, une édition de Pindare.
Une nuit qu'il avait pâli sur
cinq vers dont il ne pouvait démêler le sens parce que le texte en était très corrompu, il s'endormit désespéré,
au chant du coq.
Pendant son sommeil, un Sylphe, qui l'aimait, le transporta en esprit à Stockholm,
l'introduisit dans le palais de la reine Christine, le conduisit dans la bibliothèque et tira d'une des tablettes un
manuscrit de Pindare, qu'il lui ouvrit à l'endroit difficile.
Les cinq vers s'y trouvaient avec deux ou trois
bonnes leçons qui les rendaient tout à fait intelligibles.
Dans la violence de son contentement, notre savant se réveilla, battit le briquet et nota tout aussitôt au crayon
les vers tels qu'il les avait retenus.
Après quoi il se rendormit profondément.
Le lendemain, réfléchissant sur
son aventure nocturne, il résolut d'en être éclairci.
M.
Descartes était alors en Suède, auprès de la reine, qu'il
instruisait de sa philosophie.
Notre pindariste le connaissait; mais il était en commerce plus familier avec
l'ambassadeur du roi de Suède en France, M.
Chanut.
C'est à lui qu'il s'adressa pour faire tenir à M.
Descartes
une lettre par laquelle il le priait de lui dire s'il se trouvait réellement dans la bibliothèque de la Reine, à
Stockholm, un manuscrit de Pindare contenant la variante qu'il lui désignait.
M.
Descartes, qui était d'une
extrême civilité, répondit à l'académicien de Dijon que Sa Majesté possédait en effet ce manuscrit et qu'il y
avait lu, lui-même, les vers avec la variante contenue dans la lettre.
M.
d'Astarac, ayant conté cette histoire en pelant une pomme, regarda l'abbé Coignard pour jouir du succès de
son discours.
Mon bon maître souriait.
Ah! monsieur, dit-il, je vois bien que je me flattais tout à l'heure d'une vaine espérance, et qu'on ne vous
fera point renoncer à vos chimères.
Je confesse de bonne grâce que vous nous avez fait paraître là un Sylphe
ingénieux et que je voudrais avoir un aussi gentil secrétaire.
Son secours me serait particulièrement utile en
deux ou trois endroits de Zozime le Panopolitain, qui sont des plus obscurs.
Ne pourriez-vous me donner le
moyen d'évoquer au besoin quelque Sylphe de bibliothèque, aussi habile que celui de Dijon?
M.
d'Astarac répondit gravement:
C'est un secret, monsieur l'abbé, que je vous livrerai volontiers.
Mais je vous avertis que si vous le
communiquez aux profanes votre perte est certaine.
N'en ayez aucune inquiétude, dit l'abbé.
J'ai grande envie de connaître un si beau secret, bien qu'à ne vous
rien cacher, je n'en attende nul effet, ne croyant point à vos Sylphes.
Instruisez-moi donc, s'il vous plaît.
Vous l'exigez? reprit le cabbaliste.
Sachez donc que quand vous voudrez être assisté d'un Sylphe, vous
n'aurez qu'à prononcer ce seul mot Agla.
Aussitôt les fils de l'air voleront vers vous; mais vous entendez bien,
monsieur l'abbé, que ce mot doit être récité du coeur aussi bien que des lèvres et que la foi lui donne toute sa
vertu.
Sans elle, il n'est qu'un vain murmure.
Et tel que je viens de le prononcer, sans y mettre d'âme ni de
désir, il n'a, même dans ma bouche, qu'une faible puissance, et c'est tout au plus si quelques enfants du jour,
en l'entendant, viennent de glisser dans cette chambre leur légère ombre de lumière.
Je les ai plutôt devinés
que vus sur ce rideau, et ils se sont évanouis à peine formés.
Vous n'avez, ni votre élève ni vous, soupçonné
leur présence.
Mais si j'avais prononcé ce mot magique avec un véritable sentiment, vous les eussiez vus
paraître dans tout leur éclat.
Ils sont d'une beauté charmante.
Je vous ai appris là, monsieur l'abbé, un grand et La rotisserie de la Reine Pedauque
La rotisserie de la Reine Pedauque 78.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La rotisserie de la Reine Pedauque --La calèche a reparu.
- La rotisserie de la Reine Pedauque petite, à Paris, après avoir tué le Portugais.
- La rotisserie de la Reine Pedauque "Nous en étions à cet article de notre conférence, quand, par malheur, le vieillard Mosaïde nous surprit, et, sans entendre nos propos, il en devina l'esprit.
- La rotisserie de la Reine Pedauque --Eh bien!
- La rotisserie de la Reine Pedauque envoyé ce gros traitant à Catherine, sa créature, il a du moins permis qu'elle le rencontrât.