La page suivante fait partie d'une allocution prononcée par A. Camus à la Salle Pleyel à Paris, en novembre 1948, lors d'une rencontre internationale d'écrivains.
Publié le 31/03/2011
Extrait du document
« Un des sens de l'histoire de demain est la lutte, déjà commencée, entre les conquérants et les artistes. Tous deux se proposent pourtant la même fin. L'action politique et la création sont les deux faces d'une même révolte contre les désordres du monde. Dans les deux cas, on veut donner au monde son unité. Et longtemps la cause de l'artiste et celle du novateur politique ont été confondues. L'ambition de Bonaparte est la même que celle de Goethe. [...] Mais depuis que les idéologies de l'efficacité, appuyées sur la technique, sont intervenues, depuis que, par un subtil mouvement, le révolutionnaire est devenu conquérant, les deux courants de pensée divergent. Car ce que cherche le conquérant de droite ou de gauche, ce n'est pas l'unité qui est avant tout l'harmonie des contraires, c'est la totalité, qui est l'écrasement des différences. L'artiste distingue là où le conquérant nivelle. L'artiste qui vit et crée au niveau de la chair et de la passion, sait que rien n'est simple et que l'autre existe. Le conquérant veut que l'autre n'existe pas, son monde est un monde de maîtres et d'esclaves, celui-là même où nous vivons. Le monde de l'artiste est celui de la contestation vivante et de la compréhension. Je ne connais pas une seule grande œuvre qui se soit édifiée sur la seule haine, alors que nous connaissons les empires de la haine. Dans un temps où ïe conquérant, par la logique même de son attitude, devient exécuteur et policier, l'artiste est forcé d'être réfractaire. En face de la société politique contemporaine, la seule attitude cohérente de l'artiste, ou alors il lui faut renoncer à l'art, c'est le refus sans concession. Il ne peut être, quand même il le voudrait complice de ceux qui emploient le langage ou les moyens des idéologies contemporaines. Voilà pourquoi il est vain et dérisoire de nous demander justification et engagement. Engagés, nous le sommes, quoique involontairement. Et, pour finir, ce n'est pas le combat qui fait de nous des artistes, mais l'art qui nous contraint à être des combattants. Par sa fonction même, l'artiste est le témoin de la liberté, et c'est une justification qu'il lui arrive de payer cher. Par sa fonction même, il est engagé dans la plus inextricable épaisseur de l'histoire, celle où étouffe la chair même de l'homme. Le monde étant ce qu'il est, nous y sommes engagés quoi que nous en ayons, et nous sommes par nature les ennemis des idoles abstraites qui y triomphent aujourd'hui, qu'elles soient nationales ou partisanes. Non pas au nom de la morale et de la vertu, comme on essaie de le faire croire, par une duperie supplémentaire. Nous ne sommes pas des vertueux. [...] C'est au nom de la passion de l'homme pour ce qu'il y a d'unique en l'homme, que nous refuserons toujours ces entreprises qui se couvrent de ce qu'il y a de plus misérable dans la raison. « Mais ceci définit en même temps notre solidarité à tous. C'est parce que nous avons à défendre le droit à la solitude de chacun que nous ne serons plus jamais des solitaires. Nous sommes pressés, nous ne pouvons pas œuvrer tout seuls. Tolstoï a pu écrire, lui, sur une guerre qu'il n'avait pas faite, le plus grand roman de toutes les littératures. Nos guerres à nous ne nous laissent le temps d'écrire sur rien d'autre que sur elles-mêmes et, dans le même moment, elles tuent Péguy (*) et des milliers de jeunes poètes. Voilà pourquoi je trouve, par-dessus nos différences qui peuvent être grandes, que la réunion de ces hommes, ce soir, a du sens. Au-delà des frontières, quelquefois sans le savoir, ils travaillent ensemble aux mille visages d'une même œuvre qui s'élèvera face à la création totalitaire. Tous ensemble, oui, et avec eux ces milliers d'hommes qui tentent de dresser les formes silencieuses de leurs créations dans le tumulte des cités. Albert Camus, Actuelles, Le témoin de la liberté. 1. Vous résumerez ce texte en 180 mots (écart toléré : plus ou moins 10 %). Vous indiquerez sur votre copie le nombre de mots que vous aurez employés. 2. Vous expliquerez le sens dans le texte des expressions suivantes : — l'artiste est forcé d'être réfractaire; — idoles abstraites. 3. Albert Camus écrit : « L'artiste distingue là où le conquérant nivelle. «
Liens utiles
- o xyton, onne ozone P pacage pachy- pacs 1 3 page paf paie, paiement paillette paître paladin palas 1 palée palestre palindrome palladien, enne palmiste palplanche palynologie 1 panais pancalisme panda 2 pangolin panique panneton panse panthéiste pantois, oise Panurge papavéracées 2 papelard papyrus 1 parabole pan pandore papillon 3 par (de par) paraclet paradoxe 3 parallaxe paramnésie parapharmacie parapsychique, parapsychologie paraven
- ARTAUD, Antonin (1896-1948) En 1920, il monte à Paris pour devenir acteur et obtient quelques rôles au théâtre et au cinéma, mais sa rencontre avec Max Jacob est plus décisive : après s'être joint au groupe surréaliste, il fonde avec Roger Vitrac le " Théâtre de la Cruauté ".
- ARTAUD, Antonin (1896-1948) En 1920, il monte à Paris pour devenir acteur et obtient quelques rôles au théâtre et au cinéma, mais sa rencontre avec Max Jacob est plus décisive : après s'être joint au groupe surréaliste, il fonde avec Roger Vitrac le " Théâtre de la Cruauté ".
- Résumé de L'Etranger de Camus - PREMIÈRE PARTIE
- Cité internationale universitaire de Paris - architecture.