La Mole rayonnait.
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
–
À ma mère.
– Et lareine Catherine…
– La reine Catherine saitque vous êtesmon amant.
– Oh !madame, aprèsavoirtantfaitpour moi,vous pouvez toutexiger devotre serviteur.
Oh!vraiment,
c’est beau etgrand, Marguerite, ceque vous avezfaitlà!Oh !Marguerite, mavieestbien àvous !
– Je l’espère, carjel’ai arrachée àceux quimelavoulaient prendre ;maisàprésent vousêtessauvé.
– Et par vous !s’écria lejeune homme, parmareine adorée !
Au même moment unbruit éclatant lesfittressaillir.
LaMole serejeta enarrière pleind’unvague effroi ;
Marguerite poussauncri, demeura lesyeux fixéssurlavitre brisée d’unefenêtre.
Par cette vitreuncaillou delagrosseur d’unœufvenait d’entrer ; ilroulait encore surleparquet.
LaMole vit
à son tour lecarreau casséetreconnut lacause dubruit.
– Quel estl’insolent ?… s’écria-t-il.Etils’élança verslafenêtre.
– Un moment, ditMarguerite ; àcette pierre estattaché quelque chose,ceme semble.
– En effet, ditLaMole, ondirait unpapier.
Marguerite seprécipita surl’étrange projectile, etarracha lamince feuille qui,pliée comme unétroit ruban,
enveloppait lecaillou parlemilieu.
Ce papier étaitmaintenu parune ficelle, laquelle sortaitparl’ouverture delavitre cassée.
Marguerite déplialalettre etlut.
– Malheureux !s’écria-t-elle.
Elletendit lepapier àLa Mole pâle,debout etimmobile commelastatue de
l’Effroi.
LaMole, lecœur serréd’une douleur pressentimentale, lutces mots : « Onattend M. de La Moleavecde
longues épéesdanslecorridor quiconduit chezM. d’Alençon.
Peut-êtreaimerait-il mieuxsortirparcette fenêtre
et aller rejoindre M. de Mouy àMantes… »
– Eh !demanda LaMole après avoirlu,ces épées sont-elles doncpluslongues quelamienne ?
– Non, maisilyen apeut-être dixcontre une.
– Et quel estl’ami quinous envoie cebillet ? demanda LaMole.
Marguerite lereprit desmains dujeune homme etfixa surluiun regard ardent.
– L’écriture duroi deNavarre !s’écria-t-elle.
S’ilprévient, c’estqueledanger estréel.
Fuyez, LaMole, fuyez,
c’est moiquivous enprie.
– Et comment voulez-vous quejefuie ? ditLaMole.
– Mais cettefenêtre, neparle-t-on pasdecette fenêtre ?
– Ordonnez, mareine, etjesauterai decette fenêtre pourvousobéir, dussé-je vingtfoismebriser en
tombant.
–Attendez donc,attendez donc,ditMarguerite.
Ilme semble quecette ficelle supporte unpoids.
– Voyons, ditLaMole.
Ettous deux, attirant àeux l’objet suspendu aprèscettecorde, virentavecunejoie
indicible apparaître l’extrémité d’uneéchelle decrin etde soie.
– Ah !vous êtessauvé, s’écria Marguerite.
– C’est unmiracle duciel !
– Non, c’estunbienfait duroi deNavarre.
– Et sic’était unpiège, aucontraire ? ditLaMole ; sicette échelle devaitsebriser sousmespieds !madame,
n’avez-vous pointavoué aujourd’hui votreaffection pourmoi ?
Marguerite, àqui lajoie avait rendu sescouleurs, redevintd’unepâleur mortelle.
– Vous avezraison, dit-elle, c’estpossible.
Etelle s’élança verslaporte.
– Qu’allez-vous faire ?s’écria LaMole.
– M’assurer parmoi-même s’ilest vrai qu’on vousattende danslecorridor.
– Jamais, jamais!Pour queleur colère tombe survous !
– Que voulez-vous qu’onfasseàune fille deFrance ? femmeetprincesse dusang, jesuis deux foisinviolable.
La reine ditces paroles avecunetelle dignité qu’eneffetLaMole comprit qu’ellenerisquait rien,etqu’il
devait lalaisser agircomme ellel’entendrait.
Marguerite mitLaMole souslagarde deGillonne enlaissant àsa sagacité, seloncequi sepasserait, defuir,
ou d’attendre sonretour, etelle s’avança danslecorridor qui,parunembranchement, conduisaitàla
bibliothèque ainsiqu’àplusieurs salonsderéception, etqui enlesuivant danstoute salongueur aboutissait aux
appartements duroi, delareine mère, etàce petit escalier dérobéparlequel onmontait chezleduc d’Alençon et
chez Henri.
Quoiqu’il fûtàpeine neufheures dusoir, toutes leslumières étaientéteintes, etlecorridor, àpart
une légère lueurquivenait del’embranchement, étaitdans laplus parfaite obscurité.
Lareine deNavarre
s’avança d’unpasferme ; maislorsqu’elle futautiers ducorridor àpeine, elleentendit commeunchuchotement
de voix basses auxquelles lesoin qu’on prenait deles éteindre donnaitunaccent mystérieux eteffrayant.
Mais
presque aussitôtlebruit cessa comme siun ordre supérieur l’eûtéteint, ettout rentra dansl’obscurité ; carcette
lueur, sifaible qu’elle fût,parut diminuer encore.
Marguerite continuasonchemin, marchant droitaudanger qui,s’ilexistait, l’attendait là.Elle était calme en
apparence, quoiquesesmains crispées indiquassent uneviolente tensionnerveuse.
Àmesure qu’elle
s’approchait, cesilence sinistre redoublait, etune ombre pareille àcelle d’une mainobscurcissait latremblante.
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