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La Mole rayonnait.

Publié le 04/11/2013

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La Mole rayonnait. Il n'avait jamais été si beau, jamais si gai. - Du grec ! s'écria-t-il en jetant les yeux sur le livre ; une harangue d'Isocrate ! Que voulez-vous faire de cela ? h ! oh ! sur ce papier du latin : Ad Sarmatiae legatos reginae Margaritae concio ! Vous allez donc haranguer ces barbares en latin ? - Il le faut bien, dit Marguerite, puisqu'ils ne parlent pas français. - Mais comment pouvez-vous faire la réponse avant d'avoir le discours ? - Une plus coquette que moi vous ferait croire à une improvisation ; mais pour vous, mon Hyacinthe, je n'ai point de ces sortes de tromperies : on m'a communiqué d'avance le discours, et j'y réponds. - Sont-ils donc près d'arriver, ces ambassadeurs ? - Mieux que cela, ils sont arrivés ce matin. - Mais personne ne le sait ? - Ils sont arrivés incognito. Leur entrée solennelle est remise à après-demain, je crois. Au reste, vous verrez, dit Marguerite avec un petit air satisfait qui n'était point exempt de pédantisme, ce que j'ai fait ce soir est assez cicéronien ; mais laissons là ces futilités. Parlons de ce qui vous est arrivé. - À moi ? - Oui. - Que m'est-il donc arrivé ? - Ah ! vous avez beau faire le brave, je vous trouve un peu pâle. - Alors, c'est d'avoir trop dormi ; je m'en accuse bien humblement. - Allons, allons, ne faisons point le fanfaron, je sais tout. - Ayez donc la bonté de me mettre au courant, ma perle, car moi je ne sais rien. - Voyons, répondez-moi franchement. Que vous a demandé la reine mère ? - La reine mère à moi ! avait-elle donc à me parler ? - Comment ! vous ne l'avez pas vue ? - Non. - Et le roi Charles ? - Non. - Et le roi de Navarre ? - Non. - Mais le duc d'Alençon, vous l'avez vu ? - Oui, tout à l'heure, je l'ai rencontré dans le corridor. - Que vous a-t-il dit ? - Qu'il avait à me donner quelques ordres entre neuf et dix heures du soir. - Et pas autre chose ? - Pas autre chose. - C'est étrange. - Mais enfin, que trouvez-vous d'étrange, dites-moi ? - Que vous n'ayez entendu parler de rien. - Que s'est-il donc passé ? - Il s'est passé que pendant toute cette journée, malheureux, vous avez été suspendu sur un abîme. - Moi ? - Oui, vous. - À quel propos ? - Écoutez. De Mouy, surpris cette nuit dans la chambre du roi de Navarre, que l'on voulait arrêter, a tué trois hommes, et s'est sauvé, sans que l'on reconnût de lui autre chose que le fameux manteau rouge. - Eh bien ? - Eh bien, ce manteau rouge qui m'avait trompée une fois en a trompé d'autres aussi : vous avez été soupçonné, accusé même de ce triple meurtre. Ce matin on voulait vous arrêter, vous juger, qui sait ? vous condamner peut-être, car pour vous sauver vous n'eussiez pas voulu dire où vous étiez, n'est-ce pas ? - Dire où j'étais ! s'écria La Mole, vous compromettre, vous, ma belle Majesté ! Oh ! vous avez bien raison ; je fusse mort en chantant pour épargner une larme à vos beaux yeux. - Hélas ! mon pauvre gentilhomme ! dit Marguerite, mes beaux yeux eussent bien pleuré. - Mais comment s'est apaisé ce grand orage ? - Devinez. - Que sais-je, moi ? - Il n'y avait qu'un moyen de prouver que vous n'étiez pas dans la chambre du roi de Navarre. - Lequel ? - C'était de dire où vous étiez. - Eh bien ? - Eh bien, je l'ai dit ! - Et à qui ? - À ma mère. - Et la reine Catherine... - La reine Catherine sait que vous êtes mon amant. - Oh ! madame, après avoir tant fait pour moi, vous pouvez tout exiger de votre serviteur. Oh ! vraiment, c'est beau et grand, Marguerite, ce que vous avez fait là ! Oh ! Marguerite, ma vie est bien à vous ! - Je l'espère, car je l'ai arrachée à ceux qui me la voulaient prendre ; mais à présent vous êtes sauvé. - Et par vous ! s'écria le jeune homme, par ma reine adorée ! Au même moment un bruit éclatant les fit tressaillir. La Mole se rejeta en arrière plein d'un vague effroi ; Marguerite poussa un cri, demeura les yeux fixés sur la vitre brisée d'une fenêtre. Par cette vitre un caillou de la grosseur d'un oeuf venait d'entrer ; il roulait encore sur le parquet. La Mole vit à son tour le carreau cassé et reconnut la cause du bruit. - Quel est l'insolent ?... s'écria-t-il. Et il s'élança vers la fenêtre. - Un moment, dit Marguerite ; à cette pierre est attaché quelque chose, ce me semble. - En effet, dit La Mole, on dirait un papier. Marguerite se précipita sur l'étrange projectile, et arracha la mince feuille qui, pliée comme un étroit ruban, enveloppait le caillou par le milieu. Ce papier était maintenu par une ficelle, laquelle sortait par l'ouverture de la vitre cassée. Marguerite déplia la lettre et lut. - Malheureux ! s'écria-t-elle. Elle tendit le papier à La Mole pâle, debout et immobile comme la statue de l'Effroi. La Mole, le coeur serré d'une douleur pressentimentale, lut ces mots : « On attend M. de La Mole avec de longues épées dans le corridor qui conduit chez M. d'Alençon. Peut-être aimerait-il mieux sortir par cette fenêtre et aller rejoindre M. de Mouy à Mantes... » - Eh ! demanda La Mole après avoir lu, ces épées sont-elles donc plus longues que la mienne ? - Non, mais il y en a peut-être dix contre une. - Et quel est l'ami qui nous envoie ce billet ? demanda La Mole. Marguerite le reprit des mains du jeune homme et fixa sur lui un regard ardent. - L'écriture du roi de Navarre ! s'écria-t-elle. S'il prévient, c'est que le danger est réel. Fuyez, La Mole, fuyez, c'est moi qui vous en prie. - Et comment voulez-vous que je fuie ? dit La Mole. - Mais cette fenêtre, ne parle-t-on pas de cette fenêtre ? - Ordonnez, ma reine, et je sauterai de cette fenêtre pour vous obéir, dussé-je vingt fois me briser en tombant. - Attendez donc, attendez donc, dit Marguerite. Il me semble que cette ficelle supporte un poids. - Voyons, dit La Mole. Et tous deux, attirant à eux l'objet suspendu après cette corde, virent avec une joie indicible apparaître l'extrémité d'une échelle de crin et de soie. - Ah ! vous êtes sauvé, s'écria Marguerite. - C'est un miracle du ciel ! - Non, c'est un bienfait du roi de Navarre. - Et si c'était un piège, au contraire ? dit La Mole ; si cette échelle devait se briser sous mes pieds ! madame, n'avez-vous point avoué aujourd'hui votre affection pour moi ? Marguerite, à qui la joie avait rendu ses couleurs, redevint d'une pâleur mortelle. - Vous avez raison, dit-elle, c'est possible. Et elle s'élança vers la porte. - Qu'allez-vous faire ? s'écria La Mole. - M'assurer par moi-même s'il est vrai qu'on vous attende dans le corridor. - Jamais, jamais ! Pour que leur colère tombe sur vous ! - Que voulez-vous qu'on fasse à une fille de France ? femme et princesse du sang, je suis deux fois inviolable. La reine dit ces paroles avec une telle dignité qu'en effet La Mole comprit qu'elle ne risquait rien, et qu'il devait la laisser agir comme elle l'entendrait. Marguerite mit La Mole sous la garde de Gillonne en laissant à sa sagacité, selon ce qui se passerait, de fuir, ou d'attendre son retour, et elle s'avança dans le corridor qui, par un embranchement, conduisait à la bibliothèque ainsi qu'à plusieurs salons de réception, et qui en le suivant dans toute sa longueur aboutissait aux appartements du roi, de la reine mère, et à ce petit escalier dérobé par lequel on montait chez le duc d'Alençon et chez Henri. Quoiqu'il fût à peine neuf heures du soir, toutes les lumières étaient éteintes, et le corridor, à part une légère lueur qui venait de l'embranchement, était dans la plus parfaite obscurité. La reine de Navarre s'avança d'un pas ferme ; mais lorsqu'elle fut au tiers du corridor à peine, elle entendit comme un chuchotement de voix basses auxquelles le soin qu'on prenait de les éteindre donnait un accent mystérieux et effrayant. Mais presque aussitôt le bruit cessa comme si un ordre supérieur l'eût éteint, et tout rentra dans l'obscurité ; car cette lueur, si faible qu'elle fût, parut diminuer encore. Marguerite continua son chemin, marchant droit au danger qui, s'il existait, l'attendait là. Elle était calme en apparence, quoique ses mains crispées indiquassent une violente tension nerveuse. À mesure qu'elle s'approchait, ce silence sinistre redoublait, et une ombre pareille à celle d'une main obscurcissait la tremblante

« – À ma mère. – Et lareine Catherine… – La reine Catherine saitque vous êtesmon amant. – Oh !madame, aprèsavoirtantfaitpour moi,vous pouvez toutexiger devotre serviteur.

Oh!vraiment, c’est beau etgrand, Marguerite, ceque vous avezfaitlà!Oh !Marguerite, mavieestbien àvous ! – Je l’espère, carjel’ai arrachée àceux quimelavoulaient prendre ;maisàprésent vousêtessauvé. – Et par vous !s’écria lejeune homme, parmareine adorée ! Au même moment unbruit éclatant lesfittressaillir.

LaMole serejeta enarrière pleind’unvague effroi ; Marguerite poussauncri, demeura lesyeux fixéssurlavitre brisée d’unefenêtre. Par cette vitreuncaillou delagrosseur d’unœufvenait d’entrer ; ilroulait encore surleparquet.

LaMole vit à son tour lecarreau casséetreconnut lacause dubruit. – Quel estl’insolent ?… s’écria-t-il.Etils’élança verslafenêtre. – Un moment, ditMarguerite ; àcette pierre estattaché quelque chose,ceme semble. – En effet, ditLaMole, ondirait unpapier. Marguerite seprécipita surl’étrange projectile, etarracha lamince feuille qui,pliée comme unétroit ruban, enveloppait lecaillou parlemilieu. Ce papier étaitmaintenu parune ficelle, laquelle sortaitparl’ouverture delavitre cassée. Marguerite déplialalettre etlut. – Malheureux !s’écria-t-elle.

Elletendit lepapier àLa Mole pâle,debout etimmobile commelastatue de l’Effroi.

LaMole, lecœur serréd’une douleur pressentimentale, lutces mots : « Onattend M. de La Moleavecde longues épéesdanslecorridor quiconduit chezM. d’Alençon.

Peut-êtreaimerait-il mieuxsortirparcette fenêtre et aller rejoindre M. de Mouy àMantes… » – Eh !demanda LaMole après avoirlu,ces épées sont-elles doncpluslongues quelamienne ? – Non, maisilyen apeut-être dixcontre une. – Et quel estl’ami quinous envoie cebillet ? demanda LaMole. Marguerite lereprit desmains dujeune homme etfixa surluiun regard ardent. – L’écriture duroi deNavarre !s’écria-t-elle.

S’ilprévient, c’estqueledanger estréel.

Fuyez, LaMole, fuyez, c’est moiquivous enprie. – Et comment voulez-vous quejefuie ? ditLaMole. – Mais cettefenêtre, neparle-t-on pasdecette fenêtre ? – Ordonnez, mareine, etjesauterai decette fenêtre pourvousobéir, dussé-je vingtfoismebriser en tombant.

–Attendez donc,attendez donc,ditMarguerite.

Ilme semble quecette ficelle supporte unpoids. – Voyons, ditLaMole.

Ettous deux, attirant àeux l’objet suspendu aprèscettecorde, virentavecunejoie indicible apparaître l’extrémité d’uneéchelle decrin etde soie. – Ah !vous êtessauvé, s’écria Marguerite. – C’est unmiracle duciel ! – Non, c’estunbienfait duroi deNavarre. – Et sic’était unpiège, aucontraire ? ditLaMole ; sicette échelle devaitsebriser sousmespieds !madame, n’avez-vous pointavoué aujourd’hui votreaffection pourmoi ? Marguerite, àqui lajoie avait rendu sescouleurs, redevintd’unepâleur mortelle. – Vous avezraison, dit-elle, c’estpossible.

Etelle s’élança verslaporte. – Qu’allez-vous faire ?s’écria LaMole. – M’assurer parmoi-même s’ilest vrai qu’on vousattende danslecorridor. – Jamais, jamais!Pour queleur colère tombe survous ! – Que voulez-vous qu’onfasseàune fille deFrance ? femmeetprincesse dusang, jesuis deux foisinviolable. La reine ditces paroles avecunetelle dignité qu’eneffetLaMole comprit qu’ellenerisquait rien,etqu’il devait lalaisser agircomme ellel’entendrait. Marguerite mitLaMole souslagarde deGillonne enlaissant àsa sagacité, seloncequi sepasserait, defuir, ou d’attendre sonretour, etelle s’avança danslecorridor qui,parunembranchement, conduisaitàla bibliothèque ainsiqu’àplusieurs salonsderéception, etqui enlesuivant danstoute salongueur aboutissait aux appartements duroi, delareine mère, etàce petit escalier dérobéparlequel onmontait chezleduc d’Alençon et chez Henri.

Quoiqu’il fûtàpeine neufheures dusoir, toutes leslumières étaientéteintes, etlecorridor, àpart une légère lueurquivenait del’embranchement, étaitdans laplus parfaite obscurité.

Lareine deNavarre s’avança d’unpasferme ; maislorsqu’elle futautiers ducorridor àpeine, elleentendit commeunchuchotement de voix basses auxquelles lesoin qu’on prenait deles éteindre donnaitunaccent mystérieux eteffrayant.

Mais presque aussitôtlebruit cessa comme siun ordre supérieur l’eûtéteint, ettout rentra dansl’obscurité ; carcette lueur, sifaible qu’elle fût,parut diminuer encore. Marguerite continuasonchemin, marchant droitaudanger qui,s’ilexistait, l’attendait là.Elle était calme en apparence, quoiquesesmains crispées indiquassent uneviolente tensionnerveuse.

Àmesure qu’elle s’approchait, cesilence sinistre redoublait, etune ombre pareille àcelle d’une mainobscurcissait latremblante. »

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